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Les marginaux de la campagne électorale pour la présidentielle au Mali : Les enfants de la rue ignorés dans les propositions des candidats
Publié le samedi 14 juillet 2018  |  Aujourd`hui
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De nos jours, les questions liées à la problématique des enfants en situation de rue sont d’autant plus inquiétantes et préoccupantes qu’elles concernent l’ensemble des pays africains dont le Mali. C’est un phénomène qui connait une ampleur et une importance démesurées et il est particulièrement difficile d’estimer le nombre d’enfants de la rue, étant donné qu’ils échappent aux dispositifs et cadres classiques de recensements sociaux et familiaux. Cependant, à l’approche de l’élection présidentielle, nous remarquons que nos candidats donnent l’impression de se préoccuper de tout, sauf de l’avenir de ces enfants, comme s’ils étaient définitivement exclus de la République. Or, ne dit-on pas que le développement d’un pays dépend de ses richesses et que les enfants constituent la plus grande richesse d’un pays ?

Au Mali, en raison de la crise économique sans précédent que traverse notre pays au cours de ces dernières années, les quartiers populaires de Bamako, notamment les quartiers périphériques dont certains sont d’ailleurs considérés par les autorités comme illégaux, ont connu une forte croissance démographique induite par l’exode rural. C’est dans cet univers sociologique peu enviable qu’apparait beaucoup plus le phénomène d’enfants en situation de rue.

A Bamako, les enfants de la rue ont entre 5 et 14 ans, mais il est courant d’en rencontrer qui ont à peine 2 ou 4 ans, aux côtés de leur mère ou frères plus âgés qui assurent leur protection. La majorité des enfants des rues sont des garçons (94%). Les filles sont en effet moins visibles dans la rue, certainement parce qu’elles sont moins aventureuses et hésitent plus à quitter leur milieu familial, même lorsque les conditions de vie y sont exécrables.

Jean Jacques Rousseau, dans son ouvrage Intitulé “Emile ou de l’éducation”définit l’enfant comme étant le petit de l’homme et non le petit homme, c’est- à dire un être fragile qui a sa nature et ses capacités propres à lui. Pour cela, il doit être pris en charge sur les plans médical, vestimentaire, alimentair. Il doit également grandir dans un environnement sain, équilibré, entouré d’amour, d’éducation, d’affection, de tendresse, d’écoute, afin d’être mieux préparé pour l’âge adulte. L’enfant a droit à l’éducation, à la sécurité, à la santé et doit être inséré et intégré dans la société dans laquelle il vit. La période de l’enfance est synonyme d’amour, d’attention parentale, de protection familiale, de joie, d’apprentissage de savoir, savoir-faire et de savoir être dans la société.

De nos jours en Afrique, précisément dans les pays de la sous-région comme le Mali, bons nombres d’enfants n’ont pas la chance de grandir dans les conditions appropriées. Certains ont pour domicile la rue. Ils sont livrés à eux-mêmes, seuls, sans soutien, exploités, exposés à toutes sortes de danger, sans prise en charge médicale, vivant dans des conditions déplorables, sans perspectives d’avenir, victimes de maladie et d’abus de tous genres en raison de leurs conditions de vie misérables. Beaucoup d’entre eux fréquentent peu ou ne fréquentent plus l’école ; ce qui fait qu’ils deviennent analphabètes et illettrés à l’âge adulte ; cela diminue ainsi leur chance professionnelle. Malgré l’implication des Organisations internationales, ce phénomène ne cesse de s’accroitre.

Cependant, plusieurs facteurs sont à la base de ce problème dont la pauvreté (niveau socio-économique des parents), les problèmes liés à la mendicité (composante importante de cette population, les enfants mendiants ou talibés suscitent un intérêt particulier), la déstructuration des familles (conflits, divorce des parents, punitions, travail forcé, disputes, perte des parents, maltraitance, l’alcoolisme des parents…), les guerres (les réfugiés du Nord), etc.

Face aux enjeux de la problématique, la prise en charge des enfants en situation de rue est cruciale, voire indispensable.

“Je n’ai plus d’espoir concernant l’avenir de mes enfants”

F.B. 36 ans, mère de jumeaux, se confie : “Nous avons besoin d’aide de la part du gouvernement et des hommes forts de ce pays, je n’ai plus d’espoir concernant l’avenir de mes enfants, j’ai perdu mon mari quand j’étais enceinte de mes jumeaux, il était malade. Nous vivions en location. Avec le temps, je travaillais pour des femmes en tant que domestique quotidien, mais vu que les enfants pleuraient à longueur de journées, ça dérangeait mes patrons et ils me trouvaient sales, finalement ils m’ont renvoyée. Etant donné que je n’ai pas de travail et pas de moyens de prendre en charge les dépenses du loyer, nous avons dû libérer la maison où nous habitions. Actuellement, je passe la journée avec mes enfants devant les feux du boulevard de l’Indépendance à la recherche du pain quotidien et le soir nous rentrons à Daoudabougou chez une belle-sœur qui a eu la gentillesse de nous laisser vivre dans une chambre en banco, en attendant que son chantier ne commence. Mes jumeaux n’ont que trois ans. Cela fait deux ans que nous sommes dans cette situation. Vraiment nous souffrons et s’il vous plait, aidez-nous !”.

“La nuit, mes enfants et moi nous dormons sous les ponts”

Walet, mère de trois enfants, ressortissante du Nord : “Nous nous sentons délaissés et abandonnés, depuis la crise de 2012. A l’arrivée des djihadistes à Tombouctou, ma famille de Diabaly nous a demandé de la rejoindre pour notre sécurité, moi, mes deux filles et mon garçon. Nous avons pris le chemin. Entre temps, il y a eu les agressions contre les peaux blanches et nous avons été traités de rebelles à cause de l’amalgame. Ma famille de Diabaly a dû se réfugier au camp de M’berra et nous, nous sommes venus à Bamako. Trop de choses se sont mal passées finalement. Je vis avec mes enfants dans la rue, nous passons la journée entre les feux de Daoudabougou et Magnambougou sirafara à la recherche de pièces de monnaie pour pouvoir manger. La nuit, nous dormons sous les ponts et souvent dans une maison abandonnée à Daoudabougou. J’essaye de protéger mes enfants du mieux que je le peux, mais comment y arriver ?

La rue est le pire endroit pour un enfant, ils essayent de s’intégrer de survivre; souvent j’ai des larmes aux yeux lorsque mes enfants me montrent des jouets en vente. Je pleure lorsque ces voitures de campagne électorale passent sans même nous jeter un regard. Les dirigeants nous parlent de paix et réconciliation, de construire notre pays qu’est le Mali, mais et nous les nécessiteux nous n’en faisons pas partie ?

Depuis notre enfance, nous voyons que ce pays est le nôtre. Mais actuellement, nous sommes confondus à des personnes malintentionnées, juste parce que nous venons des mêmes localités que ceux qui ont fait du mal à ce pays, juste parce que nous avons la même couleur de peau. La crise au Mali m’a pratiquement tout pris, cela je l’ai acceptée comme faisant partie de mon destin, mais nos enfants n’ont pas à subir la même chose, ils ne sont en aucun cas responsables de ce qui s’est passé.

Au nom des personnes dans la mêmes situations que nous, je lance un appel aux ONGs , au gouvernement, aux candidats, à tous ceux qui ont des moyens, nous les conjurons de bien vouloir nous venir en aide. Nous les implorons au nom du Tout-puissant car nous vivons l’enfer au quotidien sous le soleil, sans abri, sans soins, sans éducation, sans nourriture”.

“Une fois, vers 23h, des apprentis ivres m’ont brutalisée et deux d’entre eux m’ont violée”

D.K, 25 ans, mère d’un garçon relate son quotidien dans la rue : ” Je suis venue en 2006 à Bamako, je suis ressortissante d’un village de Mopti.

Dans notre coutume, on nous donne en mariage depuis l’enfance au cousin, souvent même à l’oncle. Tel a été mon cas. Mes parents m’ont donnée de force à un tonton pour être sa troisième épouse. Or je faisais la 6ème année et je voulais poursuivre mes études pour devenir quelqu’un. Alors j’ai fugué avec la complicité de mes copines pour venir à Bamako. Etant donné les circonstances, je ne pouvais pas me rendre chez des parents, alors une de mes amies m’a aidée à avoir un travail d’aide-ménagère à Niaréla. Je fournissais beaucoup d’efforts, j’effectuais les taches ménagères et après je partais vendre de l’eau et des jus pour ma patronne. Je rentrais souvent tardivement car si je ne vendais pas beaucoup, elle m’en voulait. Souvent, elle m’insultait comme si c’était de ma faute.

Une fois, en rentrant vers 23h, des apprentis m’ont abordée, ils étaient ivres. L’un était même comme drogué. Lorsque j’ai refusé, ils se sont mis à me brutaliser. Deux d’entre eux m’ont violée et ont pris la recette de la vente effectuée dans la journée. Je suis rentrée chez ma patronne et je lui ai expliqué ce qui s’est passé. Elle s’est mise à me traiter de menteuse, de voleuse, de tous les mots, me disant que j’ai volé son argent et m’a congédiée, sans me verser le salaire de deux mois qu’elle me devait. Je suis partie chez ma copine qui travaillait chez une gentille dame. Elles m’ont accueillies en attendant que j’aie du travail. Quelque temps après, je suis tombée malade et on m’a fait savoir que j’étais enceinte.

Je voulais avorter, mais je n’en avais pas les moyens. J’ai essayé de retourner dans mon village, mais des proches m’ont dit que mes parents ne voulaient plus rien savoir de moi, que mon père m’a reniée et maudite. Je suis restée à enchainer des travaux. Souvent je lave les habits des autres avant d’aller mendier avec mon garçon de quatre ans. J’aimerais vraiment qu’on m’aide. Bamako m’a tout pris, y compris mon innocence. Parfois, il m’arrive de penser à la prostitution, mais mes valeurs et ma conscience m’enlèvent cette idée. Souvent aussi, je regrette d’avoir choisi mes ambitions car je me dis que j’aurais dû épouser mon oncle”.

Compte tenu de toutes ses difficultés auxquelles sont confrontées ces familles et ces enfants, étant donné que les enfants constituent l’avenir et la richesse d’un pays, nous lançons un appel au gouvernement, aux ONGs, aux citoyens, de redoubler d’effort dans le but d’aider ces enfants afin d’éradiquer ce phénomène. Nos nous dressons surtout aux candidats à la présidentielle afin qu’ils songent à orienter les solutions qu’ils proposent, lors de cette campagne électorale, vers la lutte contre le phénomène des enfants de la rue, au lieu de passer leur temps à faire des meetings et sponsoriser des tournois de football, pour y gaspiller beaucoup d’argent, alors qu’il y a des fils du Mali, nécessiteux, qui luttent pour leur survie à cause de la précarité criarde de leurs conditions d’existence.

Réalisé par Djénéba Diarra
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