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Lutte contre le changement climatique : Des initiatives locales en manque de visibilité
Publié le vendredi 19 octobre 2018  |  L’Essor
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Depuis 1964, nos chercheurs font un remarquable travail en réalisant des foyers améliorés, des curseurs, des séchages et des marmites solaires qui sont accessibles au grand public



Personne n’ignore la problématique du changement climatique et beaucoup d’entre nous perçoivent ses effets. La déforestation cause énormément de tort à notre planète. En Afrique, le cycle de succession des différentes saisons est fortement perturbé, notamment par des inondations dans certaines zones, tandis que d’autres parties connaissent de terribles sécheresses.

Le changement climatique se manifeste sous diverses formes. Les arbres contribuent à réguler le climat en absorbant le dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère. Une fois ces arbres abattus, cet effet positif se perd et le carbone stocké se libère dans l’atmosphère, aggravant du coup l’effet de serre. Au-delà du climat, les conséquences du changement climatique sont bien plus complexes. Ainsi, le réchauffement de notre planète et la fonte des glaces font considérablement monter le niveau des eaux.

De même, la combustion du charbon, du bois et du gaz produit à base de dioxyde de carbone, du protoxyde d’azote est néfaste pour l’environnement, la santé, l’économie et le développement du pays. Pourtant la majeure partie des foyers maliens utilise soit le charbon soit le gaz ou le bois pour la cuisson des repas quotidiens de la famille. En milieu rural, plusieurs familles vivent de la coupe de bois et de la vente du charbon, or ces activités libèrent d’énormes quantités de gaz à effet de serre qui viennent s’ajouter à celles naturellement présentes dans l’atmosphère. Toutes choses qui renforcent l’effet de serre et le réchauffement de la planète. Selon Bocary Traoré, expert au niveau de la Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE), les changements climatiques constituent de nos jours un des défis majeurs pour le développement socio-économique de les pays. Pour lui, les Etats en développement comme le Mali, sont particulièrement à risque du fait de leurs bas revenus, de la faiblesse de leur capital humain et de leur vulnérabilité économique. «Les principaux défis climatiques auxquels le pays est exposé sont, entre autres, les sécheresses, inondations, vents forts et fortes variations de température», indique l’expert. En outre, il explique que ces changements climatiques menacent en premier lieu le secteur primaire (agriculture, élevage et pêche) et l`exploitation des forêts, tous des secteurs clefs pour l’économie du pays. Enfin, Bocary Traoré a fait savoir que la santé, les ressources en eau, les infrastructures, l’industrie et les mines sont aussi exposées aux changements climatiques.

DES FOYERS AMÉLIORÉS-Néanmoins, malgré ces drames que vit notre planète, nous avons la possibilité de changer la donne, surtout que le Mali est l’un des premiers pays à intégrer l’énergie renouvelable. En effet, depuis 1964, nos chercheurs font un remarquable travail tant au niveau local qu’à l’échelle internationale. De ce fait, depuis l’indépendance, la conception et la réalisation des foyers améliorés, des curseurs, des séchages et des marmites solaires ont été rendues possibles. Ces outils ont pour but d’opérer de véritables changements au niveau de nos foyers respectifs pour faire la cuisson des aliments, en faisant passer la population de la coupe de bois à l’utilisation de l’énergie solaire.



Par ailleurs, en analysant bien la situation, on se rend compte que nous sommes tous responsables de la destruction de la terre malgré que notre continent soit le moins polluant, même s’il paye paradoxalement le plus lourd tribut. Ce qui exige notre implication collective dans la lutte contre le réchauffement climatique, parce que nous le devons à notre pays, à notre planète et à notre progéniture.

Pour obtenir plus de précisions, nous avons eu un entretien avec le directeur de l’Agence des énergies renouvelables (AER), Dr Souleymane Berthé. Il a souligné que le Laboratoire de l’énergie solaire (LESO) a été créé par clairvoyance du gouvernement pour utiliser les énergies localement disponibles afin de pallier les problèmes aigus d’énergie dès le lendemain de l’indépendance. Ainsi, Souleymane Berthé entend promouvoir l’utilisation à grande échelle des énergies renouvelables, en lieu et place du bois, évitant ainsi la pollution et le déboisement.

«Ces instruments permettent la cuisson des plats locaux comme la soupe, le riz, la sauce, le haricot, le ragoût, le pain, le gâteau, en période ensoleillée », a détaillé le directeur de l’AER. En effet, a poursuivi M. Berthé, cela permet une économie de bois et de temps pour les ménagères. Et notre interlocuteur d’indiquer que le prix de ces instruments varie entre 10 000 et 140 000 Fcfa. Souleymane Berthé juge ce coût initialement exorbitant mais profitable à long terme, estimant que ce prix n’est pas subventionné par l’Etat malgré que l’AER soit une structure publique.



En outre, l’Association des femmes ingénieurs du Mali (AFIMA) met à la disposition de la population le kit de cuisson intégré qui est composé de foyer amélioré, du panier thermos et du curseur solaire. Selon la secrétaire à la formation de l’AFIMA, Mme Dembélé Anna Camara, ces paniers thermos sont faits à base de tige de rônier (sébékala), expliquant qu’ ils permettent de finir la cuisson des aliments après 5 minutes de préparation sur le charbon.

Le curseur solaire, explique-t-elle, cuit les aliments au bout 4 à 5 heures de temps, précisant au passage que le coût des paniers est fixé à 15 000 Fcfa. Celui-ci a une capacité de prendre jusqu’à 20 Kg. Enfin, a poursuivi notre interlocutrice, le curseur solaire qui ne prend qu’un kg coûte 7 500 Fcfa. » Ces femmes travaillent bénévolement à temps partial et ne vendent leurs produits que sur commande, car elles n’ont pas de points de vente indiqués « , a précisé Mme Dembélé.

L’AFIMA, confrontée à une mévente, continue pourtant de former les femmes et les filles à l’interne et dans les pays voisins. Elle existe depuis 1990 et ne fonctionne que sur financement des partenaires étrangers parce que disposant pas de budget propre.



DES MERVEILLES IGNORÉES-Comment comprendre que ces merveilles soient fabriquées chez nous depuis plus de 50 ans et qu’elles soient superbement ignorées par la population ? Sans apporter une réponse précise à cette pertinente interrogation, force est de reconnaître que les conséquences sociales du changement climatique sont liées à la précarité qui peut résulter des dégâts causés par les catastrophes environnementales ou autres : absence d’accès à une alimentation en quantité et en qualité, à l’eau potable mais aussi à l’énergie et aux soins de santé. La plupart du temps, après une catastrophe, on assiste à la perte immédiate des acquis sociaux de base dont la reconquête peut être longue voire impossible dans notre pays.

À ce propos, nous avons interrogé certains de nos concitoyens afin de savoir le degré de notoriété des marmites solaires, paniers thermos ou curseurs solaires ? Les réponses entre les lignes qui suivent nous donnent une idée assez claire du taux de pénétration de ces outils au sein des populations. » C’est quoi la marmite solaire ? Est ce le nom d’une entreprise ? En tout cas je n’ai aucune idée « , répond, visiblement étonnée, Rokiatou Keita, agent commercial de la société Baramoussou.

Autre lieu, autre interlocutrice, même opinion. En effet, Aichata Toé, infirmière de son état enchaîne : » Je n’ai jamais entendu parler de ces ustensiles de cuisine. J’ignore quel goût ces aliments cuits sous l’effet du soleil peuvent donner, en tout cas, ça me parait bizarre ».

Pour sa part, Boubacar Traoré, journaliste stagiaire dans la presse écrite, dit n’avoir jamais en entendu parler de ces instruments. « Je serais curieux de les découvrir», a-t-il déclaré. Dans la même veine, Aminata Sissoko, femme au foyer, avoue que c’est sa première fois d’apprendre dire que ces genres d’ustensiles de cuisine existent. Elle trouve néanmoins l’idée intéressante et a hâte de les utiliser au cas où le prix serait abordable.

Tout de même, sur un échantillon d’environ trente personnes, il y a au moins deux qui ont fait l’exception. Hadja Adama Sidibé qui est propriétaire d’un restaurant au Niger (Niamey), avait acheté deux de ces matériaux au Mali pour les amener dans ce pays voisin. Il s’agit d’une antenne parabole à 140 000 Fcfa et du curseur solaire à 80 000 Fcfa. «Mon intention était de faire plus d’économie de temps et d’énergie, mais arrivée sur place, je n’ai pas su comment les faire fonctionner. Cela a été une énorme perte et une déception pour moi, donc je ne sais pas si je peux conseiller aux gens d’y adhérer», a-t-elle confié.



Quant à Mme Coulibaly Bako Traoré, elle témoigne en ces termes: « depuis plus de dix ans que j’utilise la marmite solaire (panier) à un prix de 30 000 Fcfa, je m’en sors toujours gagnante. En 5 minutes, le riz est cuit, en 2 heures la tête de mouton ou le haricot est prêt. Ça été un grand soulagement, une économie de temps et d’argent pour moi ».

Sur la même lancée, une journaliste d’une radio privée témoigne sous l’anonymat :«c’est quand j’ai été en mission dans un petit village au Burkina Faso que j’ai remarqué que la majeur partie des femmes prépare avec les curseurs solaires.

Étonnée, je leur ai demandé comment et pourquoi travaillent-elles avec ces outils? L’une m’a répondu que c’est un appareil qui ne coûte quasiment pas cher avant d’ajouter que ce sont les maliennes qui viennent leur apprendre comment les utiliser. Alors je me dis si les pays voisins s’inspirent à partir de chez nous, pourquoi nous mêmes nous n’arrivons pas à les pratiquer», témoigne-t-elle.

En attendant que la terre nous fasse payer la facture de notre négligence, nous devons changer de comportements pour préserver ce bien commun si précieux.

Maïmouna SOW
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