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Colonel Kéba Sangaré : «Ma grande satisfaction, c’est que la population est arrivée à avoir confiance en cette armée»
Publié le mardi 2 juillet 2013  |  Notre Printemps




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Commandant de zone de la région militaire de Tombouctou, le Colonel Kéba Sangaré a su être à la hauteur de la mission qui lui a été confiée par la hiérarchie militaire. Modeste et affable, le valeureux officier de terrain qu’il est, affiche une grande sérénité et loue la bravoure de la troupe. De passage à Bamako, nous l’avons rencontré. Entretien.
Notre Printemps : Vous êtes à Bamako présentement, quel est le motif de votre présence dans la capitale ?
Colonel Kéba Sangaré : Merci, je suis à Bamako pour une mission qui s’articule en deux phases. Les chefs ont décidé qu’on vienne à Bamako pour s’imprégner du contenu de l’accord de Ouaga, afin qu’à notre retour, on puisse informer et sensibiliser la troupe qui est sous notre commandement. On ne souhaite pas qu’à Tombouctou, l’accord de Ouaga soit mal interprété. D’autre part, je suis là pour une mission d’évaluation.


A Tombouctou, quelle est la situation en termes de sécurité ?
A Tombouctou, la sécurité s’accroît de jour en jour. En matière de sécurisation et de stabilisation d’un pays, rien n’est à exclure, surtout avec la guerre asymétrique. La situation est sous contrôle à Tombouctou ; les militaires ont même commencé, le vendredi 28 juin, à retirer leur carte Nina. Beaucoup de réfugiés sont retournés.


Et Kidal qui est une préoccupation nationale ?
Pour la situation particulière de Kidal, je n’aime pas m’aventurer là-dessus. Je suis commandant de la zone de Tombouctou. Les chefs militaires sont là pour décider. Moi, je suis sous commandement du chef d’Etat major, des autorités militaires, surtout du Colonel-major Didier Dakouo. Mes frontières s’arrêtent à Gao. Pour ce qui concerne Kidal, il y a un commandant de zone de défense et il serait mieux de prendre contact avec lui ou le Colonel-major Didier Dakouo.


Comment se passe la collaboration avec les forces africaines et Serval à Tombouctou?
A Tombouctou, pas de problème avec les forces étrangères, même avec les forces nationales. L’armée n’est pas seule à Tombouctou : il y a la gendarmerie, la police, la garde nationale et la protection civile. Nous vivons tous dans le camp de Tombouctou, l’ambiance est parfaite.


Bientôt, il y aura les forces des Nations Unies…
Pour l’arrivée des forces des Nations Unies, sachez qu’il n’y a pas de problème, parce que beaucoup d’entre nous ont participé aux missions des Nations Unies, en tant que contingents ou observateurs. J’ai eu la chance d’aller au Zaïre (actuel Congo Kinshasa) en 2002 en qualité d’observateur des Nations Unies. Nous sommes dans la même dynamique et je pense que les rapports seront très bons, dans la mesure où ce sont les mêmes forces de la Misma qui vont constituer la majorité des forces des Nations Unies.


Colonel Kéba Sangaré, à cause de votre nom, beaucoup de gens pensent que vous êtes peulh, pourtant d’autres affirment que vous êtes bobo. Qu’en est-il réellement ?
(Rire). Je suis bobo de père, de mère, de grand-mère et de grand-père. Je suis issu d’une famille militaire, mon papa c’est le Général Pangasy Sangaré et mon grand père feu Capitaine Aly Sangaré. Notre village est, à San dans le cercle de Tominian à 5 km de Somo, communément appelé Kibi. Là-bas, nous vivons en parfaite harmonie avec des peulhs et d’autres communautés. Je parle peu la langue bobo, mais je comprends bien.


Avant les événements du 22 mars 2012, vous portiez le béret rouge, mais après on vous voit avec le béret vert. Pourquoi ce changement ?
C’est une situation particulière qui est venue se greffer. Je suis toujours commando parachutiste, ainsi que beaucoup d’autres officiers. A partir d’une certaine phase de commandement, le plan de carrière veut que les officiers et sous-officiers partent servir dans d’autres directions. J’ai été nommé commandant militaire et dans l’armée, la troupe est à l’image de son chef. A Tombouctou, les forces armées portent le béret vert et je suis obligé de porter le béret vert pour être dans la même logique. Comprenez que cela n’a pas commencé aujourd’hui au Mali, mais avec la coïncidence des événements passés, certains ont pensé que c’était une obligation ou une imposition. Non, ce n’est pas ça. Un officier, un médecin chef ou un infirmier de l’armée qui porte le béret vert couramment, lorsqu’il part à la police, il porte le béret noir ; à la gendarmerie, le béret de cette unité ; au régiment des commandos parachutistes, il portera le béret rouge et vice-versa. Moi, je suis sous d’ordre et le commandement militaire est très clair. Il m’a été confié le commandement d’une région militaire, là-bas les militaires en majorité portent le béret vert. Moi aussi, je porte le béret vert. Retenez que ce n’est pas le béret qui combat, ce sont les hommes qui se battent et nous sommes tous là pour l’avenir de ce pays.


Demain, le Colonel Kéba Sangaré portera-t-il le béret rouge ?
Peu importe la beauté d’un âne, pourvu qu’il transporte la charge. Moi, je suis sous d’ordre, le jour où mes chefs décideront de m’envoyer dans une situation qui nécessite de porter un béret d’une autre couleur, je le porterai. Pourvu que là où je serai déployé, j’arrive à rendre des services louables, pour le bonheur de notre armée en particulier et du Mali en général.


Que pensez-vous de la cérémonie de réconciliation entre les bérets verts et rouges, initiée par le président de la République par intérim ?
Vous savez, j’ai toujours dit qu’avant d’être militaire, on est Malien et le Malien pardonne. Moi, je suis d’une famille où ma sœur, Commandant Saran Sangaré, est béret vert ; mon grand frère, le sous lieutenant Issa Sangaré est béret vert. Mon papa a toujours porté le béret vert. J’ai des oncles qui portent le béret bleu, mes beaux qui portent d’autres bérets, on se retrouve ensemble dans la famille. Forcément, la réconciliation a existé avant cette cérémonie, qui a son sens. Je ne me mets pas au-dessus de mes chefs. Mon appréciation, c’est qu’il y avait eu déjà la réconciliation des esprits et des cœurs. A Gao et à Tombouctou, on s’est frotté, les parachutistes avec d’autres corps, et ça marche très bien. On n’a pas de problème et je pense qu’ici, il n’y aura pas.


Quel souvenir avez-vous de Tombouctou, même si la mission n’est pas terminée ?
Les chefs sont en mesure d’apprécier le travail que nous faisons, nous sommes sous ordre. S’ils disent déjà félicitations, c’est pour moi le plus beau souvenir, ainsi que pour la troupe. A Tombouctou, on parle de Kéba, mais dans l’ombre, ce sont des hommes qui se battent. Je ne suis qu’un paravent et en toile de fond, ce sont des femmes et des hommes qui se battent vaillamment pour ce pays. Kéba même n’est qu’une goutte d’eau dans la balance. L’armée, c’est une chaîne ; nous qui sommes à Tombouctou, sommes reliés à un commandement général à partir de Gao, sous les ordres du Colonel-major Dakouo, qui tient ses ordres de l’Etat major de l’armée de terre qui relève de l’Etat major général. L’acte que le colonel Kéba a posé à Tombouctou ne met pas en exergue une personne, mais le travail de toute l’armée du Mali. Ma grande satisfaction, c’est que la population est arrivée à avoir confiance en cette armée, pas seulement en Kéba Sangaré, mais en toute la troupe.
Propos recueillis par AMC

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