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Keba Sangaré, ComZone de la région militaire de Tombouctou : « Ce n’est pas le béret qui combat, mais les hommes pour l’avenir de ce pays »
Publié le mercredi 3 juillet 2013  |  Le Guido




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Le Colonel Kéba Sangaré, commandant de la zone militaire de la région de Tombouctou, qui s’est illustré avec sa troupe sur le théâtre des opérations dans la guerre contre les jihadistes, vient d’une famille où on a la vocation militaire de grand-père à petit-fils, pour servir loyalement le Mali. Lors de son récent passage dans la capitale, nous l’avons rencontré, samedi 29 juin 2013, pour en savoir plus sur la situation sécuritaire dans la région, la collaboration avec les autres forces et le fait qu’il porte le béret vert alors qu’il est commando parachutiste.


Le Guido : Vous êtes à Bamako présentement, quel est le motif de votre présence dans la capitale ?

Colonel Kéba Sangaré : Merci, je suis à Bamako pour une mission qui s’articule en deux phases. Les chefs ont décidé qu’on vienne à Bamako pour s’imprégner du contenu de l’accord de Ouaga, à notre retour informer et sensibiliser la troupe qui est sous notre commandement. On ne souhaite pas qu’à Tombouctou l’accord de Ouaga soit interprété. D’autre part, je suis là pour une mission d’évaluation.


A Tombouctou, quelle est la situation en termes de sécurité ?

Col K.S : A Tombouctou la sécurité s’accroit de jour en jour. En matière de sécurisation et de stabilisation d’un pays, rien n’est à exclure, surtout avec la guerre asymétrique. La situation est sous contrôle à Tombouctou ; les militaires ont même commencé, le vendredi 28 juin, à retirer leur carte NINA. Beaucoup de réfugiés sont retournés.


Et Kidal qui est une préoccupation nationale ?

Col K.S : Pour la situation particulière de Kidal, je n’aime pas m’aventurer là-dessus. Je suis commandant de la zone de Tombouctou. Les chefs militaires sont là pour décider, moi je suis sous commandement du chef d’Etat major, des autorités militaires, surtout du Colonel-major Didier Dakouo. Mes frontières s’arrêtent à Gao. Pour ce qui concerne Kidal, il y a un commandant de zone de défense, il serait mieux de prendre contact avec lui ou le Colonel-major Didier Dakouo.


La collaboration avec les forces africaines et Serval se passe comment à Tombouctou?

Col K.S : A Tombouctou pas de problème avec les forces étrangères, même avec les forces nationales. L’armée n’est pas seule à Tombouctou : il y a la gendarmerie, la police, la garde nationale et la protection civile. Nous vivons tous dans le camp de Tombouctou, l’ambiance est parfaite.


Bientôt il y aura les forces des Nations Unies

Col K.S : Pour l’arrivée des forces des Nations Unies, sachez qu’il n’y a pas de problème, parce que beaucoup d’entre nous ont participé dans les missions des Nations Unies, en tant que contingent ou observateurs. J’ai eu la chance d’aller au Zaïre (actuel Congo Kinshasa) en 2002 en qualité d’observateur des Nations Unies. Nous sommes dans la même dynamique, je pense que les rapports seront très bons, dans la mesure où ce sont les mêmes forces de la Misma qui vont constituer la majorité des forces des Nations Unies.


Col Kéba Sangaré, à cause de votre nom, beaucoup de gens pensent que vous êtes peulh, pourtant d’autres affirment que vous êtes bobo. Qu’en est-il réellement ?

Col K.S : (rire) Je suis bobo de père, de mère, de grand-mère et de grand-père. Je suis issu d’une famille militaire, mon papa c’est le Général Pangasy Sangaré et mon grand père feu Capitaine Aly Sangaré. Notre village est, à San dans le cercle de Tominian à 5 km de Somo, communément appelé Kibi. Là-bas nous vivons en parfaite harmonie avec des peulhs et d’autres communautés. Je parle peu la langue bobo, mais je comprends bien.


Avant les événements du 22 mars 2012, vous portiez le béret rouge, mais après on vous voit avec le béret vert. Pourquoi ce changement ?

Col K.S : C’est une situation particulière qui est venue se greffer. Je suis toujours commando parachutiste, ainsi que beaucoup d’autres officiers. A partir d’une certaine phase de commandement, le plan de carrière veut que les officiers et sous officiers partent servir dans d’autres directions. J’ai été nommé commandant militaire, et dans l’armée la troupe est à l’image de son chef. A Tombouctou, les forces armées portent le béret vert et je suis obligé de porter le béret vert pour être dans la même logique. Comprenez que cela n’a pas commencé aujourd’hui au Mali, mais avec la coïncidence des événements passés, certains ont pensé que c’était une obligation ou une imposition, Non, ce n’est pas ça. Un officier, un médecin chef ou un infirmier de l’armée, qui porte le béret vert couramment, lorsqu’il parte à la police, il porte le béret noir, à la gendarmerie, le béret de cette unité, au régiment des commandos parachutistes, il portera le béret rouge, et vice-versa. Moi je suis sous d’ordre, et le commandement militaire est très clair. Il m’a été confié le commandement d’une région militaire, là-bas les militaires en majorité portent le béret vert, moi aussi je porte le béret vert. Retenez que ce n’est pas le béret qui combat, ce sont les hommes qui se battent, et nous sommes tous là pour l’avenir de ce pays.


Demain, le Colonel Kéba Sangaré portera-t-il le béret rouge ?

Col K.S : Peu importe la beauté d’un âne, pourvu qu’il transporte la charge. Moi je suis sous d’ordre, le jour où mes chefs décideront de m’envoyer dans une situation qui nécessite de porter un béret d’une autre couleur, je le porterai, pourvu que, là où je serai déployé, j’arrive à rendre des services louables, pour le bonheur de notre armée en particulier et du Mali en général.


Que pensez-vous de la cérémonie de réconciliation entre les bérets verts et rouges, initiée par le président de la république par intérim ?

Col K.S : Vous savez, j’ai toujours dit, qu’avant d’être militaire, on est malien et le malien pardonne. Moi je suis d’une famille où ma sœur, Commandant Saran Sangaré, est béret vert ; mon grand frère, le sous lieutenant Issa Sangaré est vert. Mon papa a toujours porté le béret vert. J’ai des oncles qui portent le béret bleu, des beaux qui portent d’autres bérets, on se retrouve ensemble dans la famille. Forcément, la réconciliation a existé avant cette cérémonie, qui a son sens. Je ne me mets pas au-dessus de mes chefs. Mon appréciation, c’est qu’il y avait eu déjà la réconciliation des esprits et des cœurs.


A Gao et Tombouctou, on s’est frotté, les parachutistes avec d’autres corps, et ça marche très bien. On n’a pas de problème et je pense qu’ici il n’y aura pas.


Quel souvenir avez-vous de Tombouctou, même si la mission n’est pas terminée ?

Col K.S : Les chefs sont en mesure d’apprécier le travail que nous faisons, nous sommes sous ordre. S’ils disent déjà félicitations, c’est pour moi le plus beau souvenir, ainsi que pour la troupe. A Tombouctou, on parle de Kéba, mais dans l’ombre ce sont des hommes qui se battent. Je ne suis qu’un paravent, en toile de fond ce sont des femmes et des hommes qui se battent vaillamment pour ce pays. Kéba même n’est qu’une goutte d’eau dans la balance. L’armée c’est une chaine, nous qui sommes à Tombouctou, sommes reliés à un commandement général à partir de Gao, sous les ordres du Colonel-major Dakouo, qui tient ses ordres de l’état major de l’armée de terre qui relève de l’état major général. L’acte que le colonel Kéba a posé à Tombouctou ne met pas en exergue une personne, mais le travail de toute l’armée du Mali. Ma grande satisfaction, c’est que la population est arrivée à avoir confiance en cette armée, pas seulement Kéba Sangaré, mais toute la troupe.

Avez-vous autre chose à ajouter?

Col K.S : Merci, que Dieu nous guide vers le bonheur de ce pays.
Réalisée par Ahmadou Maïga

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