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Meeting politico-religieux du dimanche 10 février 2019 : Des enseignements à tirer !
Publié le vendredi 15 fevrier 2019  |  Le challenger
Meeting
© aBamako.com par A S
Meeting du Haut Conseil Islamique du Mali
Bamako, le 10 février 2019 60.000 personnes se sont réunies dimanche dans le plus grand stade de Bamako
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Le dimanche 10 février 2019, entre 60 000 et 100 000 personnes ont répondu à l’appel de l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali et du Chérif de Nioro. Le meeting, qui avait officiellement pour objectif de « prier pour le retour de la paix au Mali » a, comme on pouvait s’y attendre, basculé dans une charge politique contre le Président IBK et son Premier ministre.

En 2013, au lendemain du coup d’Etat, plusieurs leaders religieux proches de IBK appelaient à voter pour lui, considéré comme «le candidat des musulmans». Les leaders religieux, qui n’avaient cessé de gagner en puissance depuis plusieurs années, voyaient enfin là l’occasion de faire élire un homme et trouver en lui l’instrument d’une transformation du Mali.

En effet, depuis plusieurs années, tout en dénonçant assez timidement la corruption et la mauvaise gouvernance, ces derniers se sont montrés bien plus virulents à l’égard des thèmes comme l’égalité homme-femme ou l’homosexualité, qui seraient des concepts que l’occident tenteraient d’imposer au Mali.

Le premier accroc entre ce duo et le Président IBK viendra en 2015, lorsque las de ne pouvoir imposer des proches à des postes-clés, sous le prétexte de la mauvaise gouvernance et la dégradation de la situation sécuritaire au nord et au centre du pays, les deux hommes prendront leurs distances avec lui, tout en n’hésitant plus à le critiquer ouvertement.

Par ailleurs l’imam Dicko, qui a toujours défendu le dialogue avec les groupes armés terroristes maliens qui ont rejoint la nébuleuse AQMI, reproche au Président IBK d’avoir fait saborder sa mission de bons offices qui, à partir de 2016, l’avait conduit à entamer des discussions officieuses avec Amadou Kouffa et Iyad Ag Ghali. Il accuse le gouvernement d’avoir abandonné une initiative de paix sous la pression de la Communauté Internationale et surtout la France. En effet, avec le départ du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maiga et l’arrivée de Soumeylou Boubèye Maïga en fin 2017, cette mission qui était logée à la Primature a pris fin.

Sans surprise, les deux hommes ne réitèreront pas leur soutien à IBK lors de sa réélection en août 2018, ils appelleront clairement à combattre le régime et le Premier ministre SBM qu’ils accusent de manœuvrer pour assouvir ses propres ambitions au détriment des intérêts du Mali.

Immixtion du religieux dans la politique

Les organisations religieuses au titre de la société civile ont bien évidemment toute la latitude pour s’exprimer sur la politique, cela n’est pas une atteinte à la laïcité qui, justement garantit ce droit à la liberté d’expression de tous. Ce qui interroge, c’est quand ces organisations se positionnent en tant que forces d’opposition (et non de proposition) au pouvoir politique, sur un terrain politique, sécuritaire et social.

En cela, elles proposent des idées qui vont à l’encontre du principe de neutralité et de laïcité de l’administration. Ainsi, proposent-elles par exemple la pénalisation de l’homosexualité sur la base des principes religieux. Elles avancent également que le Mali est un pays avec 95% de musulmans et qu’à cet égard, la promotion des principes de l’islam dans le cadre de la loi serait tout à fait légitime.

Dans le silence des salons, les idées sont beaucoup plus radicales et vont jusqu’à la mise en place de tribunaux islamiques et de la fin du moratoire sur la peine de mort. Il est également intéressant de noter que c’est une alliance inédite dans le monde musulman que cette association entre les tenants du wahhabisme et ceux de la Tidjania.

Ce meeting politico-religieux visait dans le fond plusieurs objectifs dont la démonstration qu’il existait une opposition avec une force de mobilisation importante qui comptera dans le cadre des échéances à venir (referendum, législatives, réforme constitutionnelle). Cette opposition pourrait englober des partis politiques traditionnels, des associations, des syndicats et pourrait voir ses rangs grossir avec tous ceux qui voient d’un bon œil l’immixtion d’une « morale » religieuse dans la gestion des affaires publiques. En bref, un rassemblement structuré de gens mécontents et déterminés.

Un climat politique incertain

Jusqu’ici, le rapport de force reste équilibré et le Président IBK avait déjà intégré cette opposition dès le lendemain de sa réélection. Cependant, la marge de manœuvre reste mince et la probabilité que le dialogue sur la question de la réforme constitutionnelle soit houleux est assez forte. Les initiatives parallèles entamées par le Président du RPM, Bocary Tréta, n’ont pas non plus porté leurs fruits et ont surtout donné l’impression qu’elles étaient dirigées contre le Premier ministre.

En plus des concertations pour tenter de faire baisser la pression et apaiser le climat politique, le Président pourrait également céder à la pression des leaders de ce mouvement en se séparant de son Premier ministre, en nommant un autre plus consensuel qui pourrait mener à bien le referendum constitutionnel et les législatives. Cet acte pourrait constituer un précédent dangereux, mais pas contraire à l’esprit de la Constitution.

Enfin, dans l’ensemble les populations restent dubitatives, car ces jeux politiques ne semblent pas prendre réellement en compte leurs préoccupations sur l’emploi, le pouvoir d’achat, l’éducation, la sécurité et la santé. La tentation d’un Etat islamique est bien moins forte que ne semblent l’affirmer certains observateurs, même s’il est vrai qu’il est attribué aux leaders religieux un crédit supérieur et que les politiciens font l’objet d’un rejet.

La situation politique demeure volatile, les acteurs semblent déterminés à en découdre, mais on ne peut que regretter que ces initiatives ne répondent pas réellement aux besoins immédiats exprimés par les populations.

La suite est incertaine mais le scénario qui se dessine est celui de contestation dans la rue des décisions prises par le gouvernement. Les leaders religieux ont démontré leur capacité de mobilisation et pourraient certainement tenir sur la longueur une contestation dans la rue.

L’opposition politique qui n’a toujours pas reconnu l’élection du Président de la République est dans une position délicate. Elle est contrainte de s’aligner derrière les leaders religieux et d’appeler ses sympathisants à rejoindre le mouvement, mais dans le fond les objectifs sont différents et concurrentiels.

*Chercheur en sciences politiques, Ouagadougou -Burkina Faso
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