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Mopti : le chemin de la paix passe d’abord par le désarmement des milices
Publié le samedi 16 fevrier 2019  |  Le Tjikan
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© aBamako.com par FS
La visite du candidat Sahala Baby à Mopti
Le candidat à l`élection du président de la FEMAFOOT Sahala Baby a rendu visite aux autorités et à la ligue de football de Mopti le Jeudi 28 Septembre 2017.
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Incendie des récoltes, saccages des villages, massacres, dans les cercles de Koro et Bankass, région de Mopti, le conflit fait rage. Les communautés peulh et dogon désemparées. A l’origine de cette terreur: un amalgame entretenu par des milices d’autodéfense.
« Je n’ai pas de maison, pas de nourriture, pas d’argent. Je dors dans les ordures », soupire Samba Bolly. Cheveux ébouriffés, yeux hagards, silhouette frêle flottant dans un pull-over, les pieds couverts de poussières, assis à même le sol, l’homme est très mal en point. Au marché de bétail de Faladiè, quartier situé au Sud de Bamako, des huttes à perte de vue. L’odeur est pestilentielle. Le soleil pointe à l’horizon. Ici, des centaines de civils, victimes de la crise dans la région de Mopti, fuyant la mort ont trouvé refuge auprès des siens. Samba Bolly, 52 ans, ses trois frères, leurs épouses et enfants sont arrivés, il y a environ une dizaine de jours, bredouilles.

Dans le cercle de Koro, leur village, Anakarwa a été attaqué par une milice armée composée de chasseurs traditionnels. Ce jour-là, les yeux empourprés, la nuit a été longue pour Samba et son frère aîné Aly. Ils ont dormi à la belle étoile, à la merci des moustiques, du vent et du froid. Si Hama Diallo, vendeur de bétail, a eu la clémence de les accueillir, il n’a pas suffisamment de huttes pour héberger l’ensemble des membres de la famille Bolly. La nuit tombée, les enfants et les femmes dorment dans les huttes. Tandis que les hommes se débrouillent dehors. A l’instar de la famille Bolly, plusieurs dizaines de personnes déplacées issues de la communauté peulh vivent au même endroit dans des conditions pénibles.

Sous un hangar, Hama Diallo, montre des doigts quelques sacs de céréales et des vêtements remis par une mosquée et des personnes de bonne volonté. A quelques mètres de là, Malado s’affaire sur les marmites. Elle porte au dos, son enfant d’un an. Visage décharné, le garçon souffre de malnutrition. Trois jours avant, Aïssata Diallo, venue du village de Yalèma, cercle de Bankass, a perdu le sien du même âge.

«Depuis le décès de mon enfant, je n’ai pas fermé l’œil, la nuit. Chaque semaine, on reçoit des informations sur des nouveaux cas d’attaque », déclare, Aïssata Diallo qui s’est enfuie seule, laissant derrière elle son mari et les autres membres de sa famille. Depuis trois mois, sans téléphone, elle témoigne n’avoir eu aucune nouvelle de ses proches. A côté d’elle, Salimata Diallo, 40 ans est originaire du village de Koulôgô où plus de trente personnes ont été tuées par des chasseurs traditionnels dogons en debut janvier. Salimata, mère de six enfants, y a perdu son mari.

Quelques jours avant l’attaque de Koulôgô, dans le cercle de Koro, neuf jeunes dogons sont tués par des milices peulhs.

Comme la communauté peulh, du côté de la communauté dogon, le conflit sème morts et misère. Toujours dans le cercle de Koro, selon le député Issa Togo, environ soixante-sept villages et hameaux ont été totalement brûlés et rayés de la carte. Les victimes sont peulhs et dogons. Tandis que dans le cercle de Bankass, au moins dix-huit localités ont été effacées de la carte.

Pourtant les deux communautés ont vécu ensemble durant des siècles et partagent beaucoup de valeurs culturelles et sociétales. Et pour certains observateurs, le conflit est tout sauf « intercommunautaire ».

Les milices de la terreur

Les milices prétendent défendre chacune, leur communauté respective. Mais pour le député Issa Togo, il n’en est rien. «Le banditisme, la quête du gain facile, l’absence totale de l’Etat, les règlements de compte », le député Issa Togo résume en ces termes les sources du mal.

« Des milices dogons tuent des peulhs et s’emparent de leurs biens et des milices peulhs tuent des dogons pour s’accaparer de leurs biens », constate l’élu, avec beaucoup d’amertume.

Mais aussi pour lui, à Koro, les autorités coutumières ont failli à leur devoir de maintien de la cohésion sociale.

« Dans la ville de Koro, aujourd’hui, il est quasi-impossible de voir un peulh. Ce n’est pas admissible. A un moment donné, les autorités traditionnelles devaient prendre leur responsable et dire stop à la chasse aux peulhs », dénonce le député Togo.

« A Koporopen, nous avons pu protéger et exfiltrer plus de mille peulhs. Nous nous sommes catégoriquement opposés à la chasse aux peulhs », ajoute-t-il.

Pour lui, les chasseurs traditionnels ont envenimé la situation. « Partout où les chasseurs traditionnels ont installé un poste de sécurité, les terroristes viennent attaquer la localité », explique-t-il. « Dans ces zones, les chefs de village n’ont plus d’autorité, ce sont des milices qui commandent », déplore le député Issa Togo.

Comment en est-on arrivé là ?

Selon Abdine Guindo, originaire du village de Sanani, tout a commencé en 2016, dans la commune de Djoungani, cercle de Koro.

« Il y’avait un grand chasseur du nom de Souley Guindo. Lorsque les bêtes des peulhs en pâturage se retrouvaient dans son champ, il les prenait et exigeait le paiement d’une amende. Fatigués de cette situation, des peulhs ont fait appel aux djihadistes pour l’éliminer. Et quatre des fils du chasseur tués se sont à leur tour attaqués aux peulhs », raconte Abdine.

Le conflit s’amplifie peu à peu. Des chasseurs traditionnels interdisent Sabéré aux peulhs. « Alors qu’à l’origine, Dieu est vérité, ce sont des peulhs qui ont donné cette zone aux dogons », détaille, Abdine. « En 2017, un éleveur peulh venu abreuver ses bêtes dans le village de Sabéré est tué par des chasseurs. En revanche, des peulhs aidés par les djihadistes brûlent tout le village de Sabéré », reconte-t-il. La suite est connue. Le conflit se répand dans les cercles de Koro et Bankass. La résolution de cette crise, pour le député Issa Togo, passe nécessairement par le désarmement de toutes les milices et le retour de l’Etat.

« Qu’on ne se leurre pas, la source du problème est connue. Ce sont les milices. Il faut impérativement les désarmer et réinstaller les populations civiles qui ont été chassées de leur territoire », soutient Abdine Guindo.

Lassina NIANGALY

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