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Moustapha Dicko : «Moi, je me rappelle d’un certain Ibrahim Boubacar Keita qui était allé à Gao au moment où c’était extrêmement chaud. Le Gandakoye venait de naitre et tout Gao était pro-Gandakoye. Il a dit NON ! C’est l’Etat qui va assurer la sécurité. Où est cet homme aujourd’hui ? »
Publié le vendredi 22 mars 2019  |  Infosept
2ème
© aBamako.com par Momo
2ème édition du festival de Kirina
Bamako, le 09 avril 2016 la 2ème édition festival de Kirina a été lancé
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Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, M. Moustapha Dicko revient, entre autres, sur la situation politique et sécuritaire du pays, avec des conflits presqu’intercommunautaires dans le centre. Il donne ses impressions et avis sur le rapprochement IBK-Soumaila Cissé, de la situation au sein de son parti, l’Adéma, qui s’achemine, dit-on vers un congrès extraordinaire. Lisez !


InfoSept : Bonjour Monsieur, quelle analyse faites-vous de la situation politique actuelle du pays ?
Moustapha Dicko : Je pense comme tout le monde que la situation politique comme sociale et sécuritaire est très difficile pour notre pays. Nous sommes sortis des élections présidentielles où le Président sortant a été proclamé élu. Son challenger ne reconnaissait pas cette victoire. Mais, depuis un certain temps, il y a des signes de décrispation. Les deux protagonistes se sont appelés et se sont rencontrés. Il semble qu’il y a des concertations qui se passent. La société civile, de son côté bouge. Elle entre un peu dans le jeu politique parce qu’on se souvient du meeting du 10 février dernier qui demandait le départ du Premier ministre. Donc, c’est une situation politique très compliquée où, aussi, nous assistons une prorogation du mandat des députés par la Cour constitutionnelle. Ce qui, en soi, est un précèdent fâcheux et très dangereux pour notre démocratie. Egalement, les partis politiques sont en mouvement, même si on ne les entend pas sur les grandes politiques majeures de l’heure. Mais, ils bougent dans tous les sens. Donc, il y a une situation compliquée. Alors, peut-être une volonté de rechercher des solutions.

InfoSept : Parlant de la décrispation de la situation politique, quelles sont vos impressions sur le rapprochement IBK-Soumaila Cissé ?
Moustapha Dicko : Je trouve que c’est toujours bien que les Maliens se parlent entre eux. Car, personne ne viendra sauver ce pays à la place des Maliens. Il est extrêmement important que les Maliens se parlent sincèrement comme des fils du pays et comme également responsables du destin de notre démocratie et responsables de notre place dans le concert des Nations. Alors, il est important que les Maliens se parlent ouvertement et franchement. Et, cela au bénéfice des fils du pays mais pas celui de leurs égos qui nous ont conduits là où nous sommes aujourd’hui. C’est-à-dire, on ne peut pas être plus bas. Donc, je regarde cela d’un bon œil et je les encourage. Tout simplement parce que si les Maliens se mettent ensemble, ils pourront parler de leur problème et seront un interlocuteur fiable pour la communauté internationale. Donc, ils pourront résoudre les problèmes politiques, socioéconomiques ; bref tous les problèmes qui taraudent notre pays aujourd’hui, surtout la situation sécuritaire.

InfoSept : Sur ce plan sécuritaire, depuis, le Centre du pays s’embrase avec des conflits entre différentes ethnies. Quels commentaires faites-vous de cette situation ?
Moustapha Dicko : Vous savez, pour moi, il y a que l’Etat a abandonné les populations et que des bandits ont pris la place. Ces derniers imposent leur loi. Nos communautés ont toujours vécu ensemble. Elles ne se sont jamais opposées les unes aux autres de façon à ce que cela soit des conflits ethniques. Et, je pense qu’aujourd’hui, ce n’est toujours pas des conflits ethniques. Ce sont des situations où l’Etat n’étant pas présent, des individus font leur loi. Et, pour masquer leur forfaiture, ils drapent, ce qu’ils font, du manteau de communautés ou d’ethnies qui ne sont pour rien. Tout le monde sait que les éleveurs et les cultivateurs, sont des gens qui vivent ensemble mais qui sont en perpétuelle contradiction. Et tant qu’il n’y a pas d’arbitre, il y a conflit. Il faut comprendre que l’arbitre, c’est l’Etat et vous allez trouver toute l’administration dans un chef-lieu de cercle. Les administrateurs ne peuvent s’adresser à leurs administrés que de temps en temps. C’est eux qui fuient devant les populations face aux dangers. Bref, le problème, il est profond et il est le résultat de la crise politique, sociale, de la crise de l’Etat que nous vivons depuis belle lurette. Mais, il faut que les citoyens du pays s’arrêtent et se regardent en comprenant que personne ne viendra résoudre les problèmes à leur place. Encore une fois, il n’y a pas d’ethnies qui s’affrontent, il y a des hommes et des femmes abandonnés à leur sort par un Etat qui n’est pas présent, sans stratégies pour les sécuriser. Et, tout naturellement, ces populations sont laissées pour compte.

InfoSept : On parle de plus en plus d’un Congrès extraordinaire au sein de l’Adema pour éjecter le Président Tiémoko Sangaré de son fauteuil. Quel est votre avis sur le sujet ?
Moustapha Dicko : Pour tout vous dire, je n’ai pas entendu, parler d’un Congrès extraordinaire. Mais j’ai entendu comme tout le monde quelques individus parler de temps en temps de congrès extraordinaire mais vraiment de façon désordonnée. Je ne pense pas qu’on parle d’un congrès extraordinaire. Mais, mon sentiment par rapport à la question, il vaut pour les partis politiques et les Institutions de l’Etat. Car, quand vous vous engagez, c’est pour cinq ans et un mandat précis. Au cas contraire, il faut savoir que vous fragilisez les institutions et les partis politiques.
Congrès extraordinaire, parlons-en ! En 2000, il y a eu un congrès extraordinaire et ce sont les mêmes gens que l’on retrouve aujourd’hui. Ils sont face à face et ils se prennent la main pour se protéger les uns les autres. C’est eux qui avaient fait le congrès extraordinaire qui avait éjecté IBK de la tête de l’Adéma avant la fin de son mandat. Le résultat, on le connait. Et depuis, notre pays n’arrive pas à se redresser.
Au dernier congrès, j’étais candidat contre Tiémoko Sangaré et j’ai dit, devant la Commission d’investiture, toutes les faiblesses sur la possibilité d’élire Tiémoko Sangaré comme président du parti. Mais, c’est en connaissance de cause que les hommes et les femmes de cette Commission se sont engagés derrière lui. Vous saviez ce qui se passait et vous aviez décidé de vous engager. Aujourd’hui, s’il y a un congrès extraordinaire, il donnera les mêmes résultats, c’est-à-dire que des individus vont être manipulés, instrumentalisés leurs camarades, l’argent va circuler, le pouvoir aura son mot à dire et on aura quelque chose de bancale. Toute chose qu’on pourrait décrier aujourd’hui, mais cela n’arrangera pas la situation ; surtout que le mandat est presque terminé. En fait, le Comité exécutif actuel est là pour cinq ans. Je pense qu’il faut être responsable, cohérent et surtout, il faut se dire qu’on est des adultes. Mais, de grâce, qu’on épargne à ce parti et au pays, une situation où notre pratique jure avec nos textes.

InfoSept : Mais, s’il y a congrès extraordinaire, est-ce que vous serez candidat au poste de président du parti ?
Moustapha Dicko : Mais, moi je ne vois pas de congrès extraordinaire, donc, je ne peux pas savoir si je serais candidat ou pas. En fait, pour moi, le congrès extraordinaire, ce n’est pas la solution, ce n’est pas la panacée ou les hommes qu’il faut changer. Je l’ai dit et je répète, il faut retourner aux valeurs et aux principes. Ce n’est pas important de savoir qui est à la tête ou président du parti, mais ce qui reste essentiel est de savoir si l’Adéma est en accord avec son projet de société ou travaille selon la volonté des militants. Aujourd’hui, je travaille avec ceux qui sont en place et j’ai dit à Tiémoko, lors du dernier congrès et à la Commission, que je n’avais pas de problèmes avec sa personne. Ce n’est pas la place que je cherchais mais la mission qui est pour tout le monde ensemble, c’est-à-dire que, si la direction est unie et cohérente, la cohésion règne et on peut avoir d’excellents résultats. Mais quel que soit celui qui va l’être, on n’aura pas de bons résultats si nous sommes désunis, et avec des agendas personnels. Cela vaut pour 1999, 2000, 2015, 2019 et pour 2020.

InfoSept : Après votre départ de votre poste à la Présidence de la République, qu’est-ce que Moustapha Dicko mène comme activité aujourd’hui ?
Moustapha Dicko : Aujourd’hui, je suis à l’USFRA, donc à l’Université. Je continue mes activités politiques et la réflexion. Et, je m’essaye un peu à l’écriture. Voilà, dans quoi, je suis actuellement. Naturellement, je pense à notre pays et à sa situation dramatique. Et, je pense à la responsabilité des citoyens maliens qui ont conduit le pays à cette situation. Notre responsabilité est grande et je répète, personne ne viendra résoudre nos problèmes et il faut qu’on se réveille. Aussi, il faut qu’on prenne le problème à bras le corps car, l’Etat ne peut pas continuer à fuir ses responsabilités et laisser la sécurité des citoyens être gérée par des milices. On ne reconnait pas les hommes. Moi, je me rappelle d’un certain Ibrahim Boubacar Keita qui était allé à Gao au moment où c’était extrêmement chaud. Le Gandakoye venait de naitre et tout Gao était pro-Gandakoye, il a dit NON ! C’est l’Etat qui va assurer la sécurité. Où est cet homme aujourd’hui ?

InfoSept : Votre mot de la fin ?
Moustapha Dicko : C’est un appel à tous nos concitoyens au sens de la responsabilité, de l’unité et de la cohésion autour de notre pays. Il faut que l’on sache qu’aucun kilomètre carré de notre pays n’appartient en propre à quelqu’un ou à une communauté. Le pays appartient à tous les citoyens. Aucune ethnie n’est propriétaire d’aucune partie de notre pays. Il appartient à l’ensemble de ses fils et filles. Chacun d’entre nous peut s’installer où il veut et comme il veut. Et, l’Etat est d’égal partage envers tous les enfants de ce pays. Il faut qu’on revienne à ces valeurs. Si chacun a consenti des efforts pour entretenir un Etat, c’est pour que cet Etat en retour garantisse l’intégrité territoriale du pays et la sécurité de tout un chacun. Il ne peut pas en être autrement. On ne peut pas penser qu’il y a un centre, un nord, un sud ou un ouest dans ce pays. Il y a notre pays. Quelle que soit la partie qui est touchée, c’est tous les Maliens ensemble qui sont touchés. Ce qui pense autrement doivent se remettre en cause, parce qu’ils sont propriétaires de l’ensemble du pays. S’ils pensent qu’une partie du territoire est touché et que cela ne les regardent pas, ils ne sont pas à leur place.
Il faut qu’on revienne aux valeurs qui ont fondé ce pays qui sont de la communauté des humains et qui fondent les Etats modernes. Il faut qu’on soit ensemble pour parler d’une seule voix à la communauté internationale qui est là avec de gros moyens. On pense que cette communauté est là pour nous protéger mais, il y a beaucoup de choses qui passent sous leurs yeux et rien ne se fait. Pourquoi ? Peut-être parce que nous sommes incapables de faire des propositions, de parler d’une seule voix avec eux ou incapables de prendre notre destin en main ? Et, cela ne peut pas continuer. Il faut que l’on sache que nous sommes des Maliens en parlant d’une seule voix et d’accord sur l’essentiel, pour dire à la communauté internationale, voilà ce que nous voulons. En ce moment, elle sera obligée d’aller dans ce sens. Mais, aujourd’hui, il me semble que c’est la communauté internationale qui nous gère, comme si nous étions sous tutelle. On ne peut pas être fier de cela.
J’ai une pensée pieuse pour ceux qui sont tombés ou partis, simplement parce que l’Etat n’a pas pu les protéger. Je demande vivement à l’Etat pour que les gens qui sont déplacés à l’intérieur du pays, soit bien traités. On ne peut pas les laisser sur des tas d’immondices et puis venir les donner quelques kilos de riz ou de lait et dire à la Télé et à la Radio qu’on s’en occupe. Il faut que l’Etat mette tous les enfants du pays dans les meilleures conditions possibles, avec un sens aigu de la responsabilité et des priorités. Aujourd’hui, la priorité numéro 1 est le retour de la paix, de la cohésion sociale, de la sécurité et de la sérénité pour tout le monde.
Il appartient aux partis politiques qui sont les premiers responsables de cette situation et à ceux qui nous gouvernent de prendre leurs responsabilités pour ramener la cohésion et l’Etat. Cela partout sur notre territoire et qu’ils fassent en sorte que les fils et filles de ce pays se sentent frères. Ce qu’ils sont, du reste.
Propos recueillis
Par Dieudonné Tembely
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