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Oumou Coulibaly, footballeuse, mécanicienne et photographe : “On n’a pas besoin d’être homme ou femme pour pratiquer tel ou tel métier “
Publié le samedi 22 juin 2019  |  Aujourd`hui
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Votre rubrique “Découverte” est allée, cette semaine, à la rencontre d’Oumou Coulibaly, jeune étudiante à la Faculté des lettres et sciences du langage (Flsl) qui, pour pouvoir venir en aide à ses parents en situation financière difficile, a décidé d’embrasser plusieurs métiers qualifiés aujourd’hui de “masculins”. Footballeuse évoluant sous les couleurs de l’AS Mandé de Bamako, Oumou est également mécanicienne et photographe dans ses temps libres.

Nous sommes au XXIe siècle et des métiers sont toujours qualifiés de “masculins” dans nos sociétés, soit parce que les femmes ne les pratiquaient pas par le passé ou parce qu’ils siéent aux hommes plus qu’aux femmes. De ce fait, toute femme qui s’obstine à pratiquer ces métiers est parfois vu d’un mauvais œil par la société. Les femmes sont souvent victimes de machisme dans certains de ces métiers et c’est pour ces raisons, entre autres, qu’il est rare de voir des femmes les pratiquer. Cependant, certaines femmes arrivent à braver ces obstacles tant qu’elles y gagnent leur pain quotidien. C’est le cas de la jeune étudiante, Oumou Coulibaly qui, en plus d’être footballeuse, fait de la mécanique et de la photographie. Et aujourd’hui elle arrive à subvenir à ses besoins, sans avoir à demander de l’argent à qui que ce soit. “Beaucoup dans la société nous collent l’étiquette de filles mal éduquées voire de prostituées alors que cela n’a rien à voir avec notre comportement. Le football, la mécanique ou la photographie restent des métiers comme tous les autres pour les hommes et pour les femmes. On n’a pas besoin d’être homme pour pratiquer un tel ou tel métier. Tant qu’on peut le faire, il le faut” dit-elle.

Oumou habite chez ses parents à Daoudabougou, un quartier populaire de Bamako. Et si elle a décidé d’embrasser ces métiers, c’est parce qu’elle souhaite épauler ses parents dans les dépenses familiales. “Je suis issue d’une famille qui n’a pas assez de moyens financiers et la plupart de notre fratrie c’est des filles. Elles sont pratiquement toutes mariées. Notre père qui était un commerçant ne travaille plus et la maman, ménagère, fait du petit commerce. Ses revenus ne sont pas suffisants pour nous tous. C’est pour pouvoir les épauler que j’ai décidé de faire ces métiers”, nous explique Oumou qui joue depuis 2014 sous les couleurs de l’AS Mandé de Bamako, un club de première division malienne avec lequel elle a remporté un titre de champion national, trois (3) coupes nationales et l’édition 2014 du Tournoi international de football féminin de Ouagadougou (Tifo).

Mais avant d’atteindre l’élite malienne de football féminin, Oumou a dû se montrer courageuse et persévérante au regard du refus des parents dans un premier temps et ensuite toutes les difficultés pour une fille footballeuse dans notre société. “Au début, mes parents s’étaient opposés à l’idée que je joue au football. Comme vous le savez, beaucoup de parents sont contre cela. Et pour qu’ils ne s’aperçoivent que j’ai joué au ballon, je me lavais les pieds après les matches au risque de me faire punir”, nous raconte-elle. C’est grâce à son grand frère, Cheick, qu’Oumou a été attirée par le ballon.

“J’étais très proche de mon grand frère car j’avais très peu d’amis étant petite. Je l’accompagnais souvent au terrain où j’assistais à leur match. C’est ainsi j’ai été attirée par le foot et un jour j’ai demandé à jouer. Mon grand frère était d’accord, mais ses amis ne voulaient qu’une fille jouât avec eux. A force d’insister, ils ont finalement accepté de me faire jouer. A l’époque, j’avais environ 9 ans. Dès mon premier jour, il ont vu que je savais bien jouer au foot et dès lors ils m’ont intégrée dans leur équipe”.

C’est en 2014 qu’Oumou va sortir de l’ombre pour se consacrer au football. Pour ce faire, elle a rejoint le centre de formation du Stade du 26 Mars grâce à un entraineur dudit centre du nom d’Abdoul Karim Coulibaly. “On lui a parlé de moi et il est venu me voir un jour jouer avec des garçons dans la rue”, nous glisse-t-elle. C’est ainsi que cet entraineur, qui a vu en elle un talent à polir, lui a proposé de rejoindre le Centre. “Quand il m’a fait cette proposition, j’ai tout de suite accepté. Mais il fallait voir avec mes parents qui miraculeusement ont accepté vu que j’allais intégrer un centre”, nous explique Oumou qui, après quelques années de formation, demandera à rejoindre un club de première division malienne. C’est ainsi qu’elle intégrera en 2014 les rangs de l’AS Mandé où elle n’a pris des lustres pour s’imposer comme titulaire indiscutable sur le flanc droit.

“Je pense qu’il n’y a pas de sot métier tant qu’on peut y gagner de l’argent “

En plus d’être footballeuse et étudiante à la Faculté des lettres et science du langage (Flsl) section bilingue arabe-anglais, Oumou est sur d’autres fronts dont celui de la photographie et de la mécanique. Son histoire avec les appareils photos remonte en 2010, quand elle assistait son cousin photographe dans son studio. Vu qu’elle s’y intéressait, ce dernier n’a pas hésité à l’initier. Et brillante qu’elle est, son initiation n’a été que facile. “Aujourd’hui, je maitrise les appareils que ce soit pour faire des photos ou pour filmer. Nous sommes invités pratiquement tous les dimanches pour des cérémonies de mariage. Nous faisons aussi des anniversaires et baptêmes”, nous confie celle qui fait également de la mécanique dans un garage de motos situé sur la colline de Badalabougou. Un troisième métier qu’elle a commencé cette année afin de combler son temps libre et aussi bonifier ses revenus. “Je pense qu’il n’y a pas de sot métier tant qu’on peut y gagner de l’argent. Je venais m’assoir à côté de ces mécaniciens qui m’ont un jour dit que si je voulais ils pouvaient m’apprendre le métier et je n’ai pas hésité. Il y a quelques mois que j’ai commencé, mais déjà je m’en sors très bien. J’apprends vite”, raconte-elle. Mais Oumou a-t-elle le temps pour tous ces métiers ? “Le temps se crée pour toutes les choses que nous faisons dans la vie. Je pratique chacun de ces métiers dans la semaine. Je ne vais pas tous les jours à l’école car c’est selon l’emploi du temps à l’université et quant à la photographie, c’est généralement les dimanches”, conclut-elle.

Si de nos jours, nombreuses sont les jeunes filles qui tombent dans la facilité en se tournant vers des pratiques qui n’honorent ni leur famille ni la société, il en existe encore qui évitent cette voie et préfèrent tout gagner par elles-mêmes. Oumou fait partie de la dernière catégorie et elle en est fière.

Youssouf KONE

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