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Solidarité et lutte l’exclusion : L’autre face de la misère
Publié le lundi 2 mars 2020  |  Le 26 Mars
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Le phénomène de la mendicité évolue dans notre pays de façon exponentielle. Mendier es devenu une profession, avec son cortège d’accidents, de vols, d’escroqueries, d’abus. Surtout à Bamako où, de nos jours, le monde des mendiants offre un spectacle effroyable.
« A y A DI Alla ma ! ». Visiblement excédé par cette plainte lancinante, l’homme fouille ses poches et jette une pièce de 50 FCFA au jeune mendiant. Peu après, celui-ci se précipite vers une autre voiture qui vient de s’arrêter à la pompe. Le temps de commencer sa litanie, jusqu’à ce que la voiture lui démarre sous le nez.

Scène classique, devenue un rituel dans les moindres rues de Bamako.

Il y a seulement une vingtaine d’années, la mendicité, était un phénomène presque isolé dans la capitale malienne. Aujourd’hui, il a évolué d’une manière vertigineuse, devenant un problème social des plus préoccupants.

Les mendiants, tous les âges et sexes confondus, sont partout présents.

Leurs lieux de prédilection demeurent les places religieuses (églises, mosquées), les pharmacies, la grande poste, les centres commerciaux et les alentours des hôpitaux.

Même l’aéroport, situé à 15 km de Bamako, est régulièrement pris d’assaut par ces « soldats » en quête de leur suivie. La mendicité n’est plus un phénomène isolé.

Elle est pratiquée par un important groupe social à Bamako.

Lutte pour la survie

La mendicité est aujourd’hui, un fléau multidimensionnel (pauvreté, maladies…), mais parmi ses causes, le facteur économique est le plus expressif, tant il est indéniable que, plus un pays est prospère, plus le niveau de vie de ses habitants est élevé, et moins il y a de mendiants. Certains facteurs sociaux comme la dislocation de la famille expliquent aussi (en partie) l’existence de la mendicité. En effet, certains individus abandonnés à eux-mêmes, seuls et ne pouvant assurer leur survie se livrent naturellement à la mendicité, ou tout au moins, deviennent « attentifs » à la charité publique.

Les propos de Marama Traoré âgées de 25 ans, mère de jumeaux, nous édifient : « depuis la mort de mon mari, il y a un peu plus d’un an, je suis seule à subvenir aux besoins de mes quatre enfants. Ce n‘est pas par coutume que je fais ça, mais par nécessité. Ma recette quotidienne va de 100 FCFA à 1000 FCFA (généralement les vendredis). Je cesserai cette profession du reste humiliante, dès que j’aurai une situation plus commode. Bientôt mes jumeaux auront l’âge d’aller à l’école, mais, les moyens me font cruellement défaut. Je veux que les autorités nous viennent en aide ». Ce sont en général, des femmes, pour qui, la mendicité est devenue une « spécialité ».

Elles font le tour des services exposant leurs misères dans des termes à émouvoir le cœur le plus endurci. Les enfants qui, généralement les accompagnent, « meurent de faim », le père est malade, chômeur, etc.… Apitoyé, vous leur donnez un billet tout en ayant conscience de la futilité d votre geste. Mais que faire d’autre ?

Même le léger sentiment de culpabilité qu’on éprouve, ne dure qu’un instant. Tellement l’impression d’être impuissant face au fléau est indéniable. Nous nous sommes rendus compte au cours de ce reportage, que le flux de personnes qui mendient dans la vile de Bamako provient dans la plupart des cas des régions et surtout des régions les plus proches, donc, plus accessibles.

La plupart de ces mendiants sont venus ici pour se faire soigner et finalement y ont élu domicile pour mendier. Certains témoignages sont édifiants : « je m’appelle Dramane Drabo (53 ans), je suis venu à Bamako depuis ma tendre jeunesses pour me faire soigner. J’ai été frappé par la lèpre il y a plus de 20 ans. Après guérison, j’ai été contraint de rester ici pour mendier. J’ai été profondément touché par cette sale maladie. Ma femme et moi, nous quémandons pour survivre ».

« Je me nomme Sékoura Doumbia, âgé d’environ 80 ans. C’est la maladie qui m’a conduite à Bamako. Je suis restée longtemps au village. Quand j’ai vu que ça n’allait pas du tout, j’ai décidé de venir à l’IOTA. Mais, c’était trop tard. Veuve depuis 30 ans et n’ayant qu’un seul fils qui n’arrive pas à satisfaire mes besoins, je suis obligée de mendier ».

En effet, la concentration des centres hospitaliers les plus importants à Bamako milite en faveur de cet argument.

L’existence uniquement à Bamako de formations spécialisées crée souvent des mouvements à sens unique des régions vers Bamako. En effet, si avant, les mendiants pouvaient « récolter » 100 f à 200 FCFA par jour, actuellement, nombre d’en eux gagnent : 3000 à 10.000fcfa dans la journée. Du coup, la mendicité est devenue pour certains une profession comme toute autre.

Naissance de la mendicité

La nouvelle forme de mendicité telle que pratiquée actuellement était inconnue, il y a quelques décennies. Il existait certes, une mendicité qui tire son origine de l’islam dont l’un des 5 piliers repose sur le principe de la « zakat » ou l’aumône rituelle. Ce commandement de l’islam, enjoint aux riches de donner aux pauvres, aux nantis d’être moins égoïstes et d’être charitables. La mendicité ne pouvait donc être perçue comme un fléau, mais bien, au contraire un souci d’égalité, de réduction des déséquilibres sociaux. C’est ainsi que, devant les quelques rares mosquées de la ville à l’époque, on ne pouvait voir mendier que des personnes d’un certain âge. A cette forme de mendicité, s’ajoutait une autre se réclamant elle aussi, de l’islam, des talibés ou Amoudos en (Peulh). Il s’agit dans ce cas, de jeunes initiés au Coran, à la science islamique, marchant de porte en porte à la quête d’une pitance journalière, généralement destinée aux maîtres. Cette forme apparaissait comme une sorte d’école pour « former » aux rigueurs de la vie ». Mais, avec la pauvreté actuellement croissante, la mendicité est devenue une profession toute trouvée pour nombre de talibés soumis aux contraintes nouvelles et obligés dans plusieurs cas de quitter leur maître au profit de la rue. A propos, un jeune talibé âgé seulement de 8 ans explique. « Mon maître me traite mal et m’impose de verser une somme journalière de 250 FCFA et le jour où je n’arrive pas à avoir l’argent, c’est le fouet ». Toutefois, l’Islam, selon ce marabout, prône l’aumône, donc la mendicité, même si par ailleurs il est dit « qu’il est préférable pour un pauvre de prendre sa hache et sa corde, de chercher un fagot afin de satisfaire ses besoins, plutôt que de tendre la main aux autres ». Aussi, précisera notre marabout, « le talibé à le devoir de travailler pour son maître afin de l’aider à nourrir sa famille, le maître peut aussi, à volonté, envoyer ses disciples mendié ». La mendicité est donc une étape que doit subir tout talibé, quelque soit la couche socio-économique à laquelle appartient sa famille. Cependant, aujourd’hui, elle n’est plus uniquement liée à l’islam, car plusieurs formes se sont développées dans la société et tendent même à faire disparaître la forme « talibé ».

Conséquence : la mendicité ayant pris des proportions inquiétantes, est devenue de nos jours, presque une « agression ».

Aucune recette miracle ne peut venir à bout de la mendicité.

On ne peut nullement enrayer le fléau, qu’en le combattant à la source. Lutter contre la mendicité, c’est déjà soustraire le mendiant à cette situation pathétique et d’impuissance qui nous tourmente. Enrayer la mendicité d’un coup est une tâche de très longue haleine. La seule situation pouvant à long terme endiguer le mal ou l’aplanir considérablement consiste en sa prévention.

Au Mali, la principale cause se situe au niveau de trois maladies : lèpre, onchocercose et poliomyélite. La solution d’une prévention passe nécessairement par le renforcement des structures médicales existantes et surtout par dépistage précoce de ces maladies.

Une autre solution consiste à décentraliser les centres sanitaires. Mais, celle a portée de mains consistera à faciliter le retour dans leurs régions des malades traités, en assurant leur transport et interdire les lieux publics autres… mendiants.

En attendant, « Aya di Allama ! ».

Malick Camara
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