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L’œil du reporter : Attention au truquage culturel
Publié le samedi 10 aout 2013  |  Le Reporter


© aBamako.com par Mousnabi
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Bamako, le 28 juillet 2013. Les candidats des FARE et URD, respectivement Modibo Sidibé et Soumaila Cissé ont accompli leur devoir civique à Faladiè et à Badalabougou


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Vouloir retrouver le nom d’un ami malien, d’une sœur malienne, parmi mes contacts téléphoniques relève du marathon parmi tous les Ag…, Ba, Bakayoko, Cissé, Coulibaly, Dembélé, Diakité, Diallo, Diané, Kanté, Keita, Maïga, Sow, Touré, Traoré et la liste serait trop longue ! Impossible de s’y retrouver sans un prénom, souvent deux, voire une indication supplémentaire. Après toutes ces années, je sais qu’ils sont tous fiers de leur nom, de leur appartenance culturelle, de leur région d’origine, fiers des alliances, fiers d’être Malienne ou Malien, fiers d’être Africains. Le Sanankouya, ces plaisanteries de cousinage, et les unions ont permis à tous de vivre ensemble harmonieusement.
C’est ce que beaucoup d’Occidentaux ne comprennent pas.

En France, par exemple, on retrouve une grande diversité de patronymes qui, il y a plusieurs siècles, bien avant la création de l’état civil, permettaient la «reconnaissance interpersonnelle» : les gens s’interpellaient selon leur lieu d’origine, leur métier, leur apparence physique etc. Nous l’avons oublié. Nous avons oublié à qui ce nom a été attribué, et pourquoi, car, au-delà de trois ou quatre générations, nous ignorons notre histoire familiale. Celui dont l’ancêtre était forgeron s’appellera Le Febvre, ou Favre (terme en ancien français), s’il est originaire de Bretagne, ce sera Le Goff, alors que s’il est Basque, ce sera Arosteguy.

De nombreux Français s’appellent Bourguignon ou Picard (région d’origine) et Legros, Lepetit ou Leroux (allure physique). En Alsace, de par la proximité géographique et l’Histoire, le descendant d’un fermier s’appellera Meyer, alors que, pour celui d’un meunier, ce sera Muller. En Périgord, si une famille habitait sur une colline, on lui a donné le nom de Le Perch. Au Basque qui vivait dans une nouvelle maison, on a attribué le patronyme Etcheverry. Les Corses s’interpellaient comme fils de…, ce qui donne, aujourd’hui, de nombreuses familles Agostini, fils d’Auguste.

Les patronymes français sont aussi variés que ce que nous retrouvons dans nos assiettes au fil des régions traversées. Les crêpes en Bretagne, la crème en Normandie, les endives dans le Nord, la choucroute en Alsace, les fromages en Auvergne et en Savoie, le foie gras en Périgord, et la célèbre soupe de poissons à Marseille, dans le Sud, pour ne citer que quelques exemples. Tout cela est servi au son des accents les plus différents les uns des autres. Dans les villages, personne n’est surpris d’entendre le pittoresque patois local.

Il est plus difficile de comprendre les dialectes, et impossible de converser avec ceux qui défendent leur régionalisme en imposant leur langue, le Basque, le Breton, le Catalan, le Corse ou l’Occitan. Dès 1870, les pouvoirs publics français, qui voulaient assurer l’unité du peuple français, ont interdit, d’une main de fer, l’usage des patois, dialectes et langues régionales dans les écoles publiques. La transmission familiale s’est faite de génération en génération. Depuis une trentaine d’années, ces langues sont enseignées et reconnues.

Quand on parle d’Occidentaux, on sous-entend les Blancs. Et pourtant, nous ne sommes pas tous blonds aux yeux bleus. Pour généraliser, on peut dire que ceux du Sud de l’Europe sont bruns aux yeux foncés, et plutôt de petite taille et trapus, alors que ceux du Nord et de l’Est sont blonds aux yeux clairs et d’assez grande taille. Mais les nombreuses migrations régionales et les unions ont donné des familles européennes où les frères et sœurs n’ont ni la même couleur de cheveux, ni les mêmes yeux.

Toutes ces différences, tous ces régionalismes n’ont jamais été utilisés pour «monter» les Blancs les uns contre les autres, alors que l’Histoire montre qu’en Afrique, nombre de soulèvements sociaux ont été et sont encore qualifiés d’ethniques, car cela a permis, de tout temps, aux uns ou aux autres de mieux asseoir leurs intérêts. Les sirènes médiatiques qui colportent les prétendus feux culturels ne sont que les griots de ceux qui veulent séparer pour mieux régner, quitte à engendrer des génocides. Cette politique, qui est le fer de lance des colons politiques et économiques, depuis bien avant les indépendances, et encore aujourd’hui, est dévastatrice.

À l’heure grave que vit le Maliba, personne ne doit céder à cette manipulation. Elle ne peut que faire le lit de ce que les Maliennes et Maliens refusent depuis le début du chaos, à savoir l’opposition culturelle entre le Nord et le Sud. Chacun doit être d’une vigilance extrême, car les mots sont importants. Ils peuvent véhiculer des idées destructrices qui, comme l’ont analysé, Pierre Tevanian et Sylvie Tissot, «par des inventions lexicales faussement bienveillantes ou franchement malveillantes, des évolutions idéologiques inquiétantes, et, enfin, la radicalisation et la «décomplexion» du racisme», pourraient modifier, voire bouleverser l’harmonie première de la société malienne.

L’éthnicisation des conflits en Afrique est l’arme habituellement utilisée pour expliquer les malheurs de l’Afrique, alors que chacun sait que ces désordres émergent de la situation socio-économique des populations du continent, spoliées par les dirigeants locaux et internationaux qui mangent dans le même plat du pillage systématique des richesses de leurs sous-sols.
Il est donc du devoir de chacun, au pays comme ailleurs, d’exercer son devoir d’être humain et de citoyen, afin de ne pas céder à ce truquage culturel qui ne vise qu’à déstabiliser le vivre ensemble malien, à des fins séparationnistes, alors que chaque Malienne, chaque Malien connaît la richesse de son arbre généalogique mieux que personne.

Françoise WASSERVOGEL

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