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IBK Versus Mahmoud Dicko: La guerre des valeurs expose le président IBK à la merci de l’imam
Publié le jeudi 12 mars 2020  |  Le Matin
Cérémonie
© aBamako.com par A.S
Cérémonie de présentation de vœux des notabilités au chef de l`Etat
Koulouba, le 29 décembre 2014. Les notabilités et les chefs religieux du Mali sont allés présenter leurs vœux de nouvel an au chef de l`Etat.
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L’imam Dicko est devenu un poison pour le régime d’Ibrahim Boubacar Kéita parce qu’il sait taper où ça fait le plus mal : dénoncer les tares et les maux que la majorité des Maliens juge être les racines de sa précarité, de sa misère. Par réalisme politique ou par populisme, le leader religieux a engagé le combat des valeurs qui lui donnent l’ascendant sur un régime embourbé dans des scandales qui se succèdent sans répit.




Que veut l’imam Dicko? Que cherche le très influent leader religieux dans la traditionnelle arène politique ? Quelle est sa vraie motivation ? Et pourquoi ? Des questions que les observateurs se posent après sa virulente sortie médiatique contre le régime le 29 février 2020 ! Et cela après une période d’accalmie durant laquelle on avait pensé que le leader religieux avait définitivement fait la paix avec Koulouba qui avait finalement consenti à sacrifier Soumeylou Boubèye Maïga pour les contenter lui et le Chérif Bouyé Haïdara de Nioro du Sahel.

A l’imam Wahhabite, on prête l’intention ou la prétention de vouloir fonder une République islamique avec la Charia comme Loi fondamentale. Mais, même s’il ne nie pas son attachement à la Charia, il dément quand même avoir des ambitions politiques. Sa motivation ? Le bonheur du peuple malien à travers l’amélioration de la gouvernance politique et une opposition stricte à la dépravation des mœurs ; à des maux comme la corruption dont l’une des conséquences est sans doute la grave crise dans laquelle la République laïque est embourbée depuis 2012.

La lutte contre la corruption et la délinquance financière aux dépens de l’armée (achat des équipements militaires, dont des avions et des blindés dont certains sont défectueux), la négociation avec Iyad Ag Ghali et Amadou Kouffa, la crise scolaire avec la grève sans fin des enseignants, la suppression des institutions budgétivores et inutiles, et surtout la nécessité de changer la gouvernance pour mieux s’occuper des préoccupations réelles du peuple… Voilà les sujets dont se sert l’Imam Dicko pour haranguer la foule.

Des maux que la démocratie était sensée éradiquer, mais auxquels elle a malheureusement servi de terreau fertile. Après près de 30 ans de pratique démocratique, ce système politique dont l’avènement au Mali a nécessité beaucoup de sacrifices en vies humaines, le développement économique et le bien-être social attendus sont devenus des mirages.

«La démocratie a accentué les clivages sociaux, gommé la morale et accouché d’un modèle citoyen dont personne ne veut et qu’aucun groupe politique ne revendique…», analysait l’intellectuel Mahamadou Camara dans une tribune publiée en février 2017 sous le titre, «Mali : Le péché originel de la démocratie malienne» !

L’indispensable refondation de la gouvernance sur la base de nos valeurs

En dénonçant cette gouvernance basée sur le vol organisé des deniers publics et les mensonges pour nourrir le peuple d’illusions, l’Imam Dicko a exprimé le ras-le-bol des Maliens. Ces compatriotes se retrouvent suffisamment dans son discours. On comprend alors aisément la mobilisation spontanée du mardi 04 mars 2020 au tribunal de la commune V où l’imam Dicko était convoqué suite à sa sortie virulente contre le régime. Pour sortir de la crise, le leader religieux prône «une refondation sur la base de valeurs sociétales et religieuses». Il est surtout temps de faire place à la transparence dans la gestion de la cité. Et cela d’autant plus que cette valeur est une caractéristique fondamentale des démocraties dites modernes.

Elle est de nos jours d’autant indispensable que la démocratie malienne est «à bout de souffle» et les citoyens n’en peuvent plus de «respirer l’air nauséabond de la corruption et du secret». Une transparence accrue est la seule réponse à apporter aux défis du moment pour renouer la confiance entre le peuple et ses dirigeants. Ainsi, le détenteur du pouvoir doit clairement mettre au jour ses intentions réelles, démontrer et convaincre qu’elles visent exclusivement le bien commun et rendre périodiquement compte de sa politique… Sans compter que la transparence de l’action publique va de pair avec l’exigence d’une évaluation qui permette de mesurer l’efficacité des politiques mises en œuvre.

En tout cas, tant que la classe politique n’œuvrera pas réellement à revenir aux fondamentaux d’une gouvernance crédible, donc transparente, les régimes vont continuer à trembler devant ceux qui ont le courage de dénoncer les tares de leur gestion au nom du peuple. Et cela d’autant plus que ce n’est pas leur crédibilité ou leur légitimité qui les intéresse, mais surtout leur discours qui va dans le sens de leurs préoccupations, de leurs inquiétudes, de leurs attentes.

Eviter que la rue exaspérée se charge du changement si longtemps attendu

Autrement, comme le disait Mahamadou Camara (cité au début de cet article), le régime politique doit «trouver d’autres cadres intègres pour faire de l’administration une institution de référence dans la gestion et la distribution du service public. Il devra également travailler à l’avènement d’une nouvelle génération d’hommes politiques, avant que la rue exaspérée se charge de le faire».

A ce sujet, la Conférence d’entente nationale (CEN) et le Dialogue national inclusif (DNI) devraient être des occasions d’interroger le Mali profond afin de jeter les bases d’une vision claire du futur citoyen et de son environnement. Est-ce que tel a été le cas ? Le pouvoir ira-t-il dans le sens des aspirations ainsi exprimées, le plus souvent en sa défaveur, sans y être contraint par des rappels musclés et la pression de certains leaders d’opinion comme Mahmoud Dicko ?

Rien n’est moins sûr ! Et tant que le pouvoir ne change pas le fusil d’épaule par rapport à la gestion de ce pays, la rue sera la plus grande menace qui pèse sur sa stabilité parce que n’importe quel audacieux qui sait prêcher pour dénoncer ses tares et revendiquer dans le sens des attentes pourra mobiliser au-delà de l’inimaginable pour lui porter le coup de grâce. Ce qui s’est passé le 5 avril 2019 dans les rues de Bamako et le mardi 03 mars 2020 au tribunal de la commune V n’est qu’un avertissement sans frais. Et le pouvoir peut remercier le Chérif de Nioro d’avoir réussi à convaincre l’Imam Dicko à renoncer au rassemblement du vendredi 6 mars 2020. Sinon, Dieu seul sait ce à quoi cela pouvait aboutir, si nous nous en tenons à ce qui se murmurait ici et là !

Dieu aime le Mali, mais il ne le sauvera pas si nous continuons à croiser les bras en regardant voire en admirant ses fossoyeurs à la tâche !

Dan Fodio

LE MATIN
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