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Famille et éducation : Quelles écoles pour parfaire l’éducation de nos enfants ?
Publié le dimanche 6 septembre 2020  |  Mali Tribune
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Parler de notre société d’aujourd’hui n’est pas chose aisée, vu les bouleversements dans lesquels nous vivons et surtout le rythme accéléré qu’impose le développement à l’occidental à l’ensemble des acteurs sociaux et économiques. En effet l’évolution de notre société a été influencée diversement au contact, d’une part de la culture islamique arabo-berbère à travers les échanges commerciaux transsahariens, d’autre part de la culture judéo-chrétienne par l’entremise de la colonisation et de ses institutions, notamment l’école. Et actuellement nous subissons l’assaut de la globalisation et de la mondialisation.
Les changements opérés sont d’abord perceptibles au niveau du premier noyau de la société qu’est la famille.

Qu’est-ce que la famille ? Il est difficile de donner un contenu précis au mot famille ; car le terme recouvre de nos jours à la fois des aspects culturels et juridiques très divers et des données biologiques.

Parler de la famille et surtout de sa dimension, éducationnelle n’est pas chose facile, car cela nécessite tout d’abord que l’on se pose toute une série de questions :

Qu’était la famille jadis ?
Qu’est-elle aujourd’hui ?
En quoi la famille a-t-elle changé ?
Qu’est ce qui a changé en elle ?
Quelle famille faut-il concevoir pour un développement harmonieux de l’homme malien de demain ?
Toutes ces questions seront examinées à travers le rôle de transmission du savoir, de l’éduction et de formation de l’homme dans la famille.



La famille dans la tradition malienne

La famille est essentiellement un regroupement de ceux qui sont liés par une parenté biologique (liens de sang). Elle peut se prolonger au-delà de ces liens : car ces liens peuvent être aussi culturels à travers le mariage, le voisinage et l’amitié. Ainsi la famille est la cellule où sont vécues avec intensité toutes ces relations de parenté. En général de nombreuses générations restent grouper autour d’un patriarche et la famille peut atteindre la taille d’un village et rester la seule unité sociale importante.

Cette famille assurait à l’individu une sécurité totale, un refuge permanent ; la famille étant toujours présente. Nos familles, c’est-à-dire étendues, imposaient à chacun le sens de la solidarité car elles permettaient d’assurer à tous, y compris les malades, les impotents, les vieillards l’assistance indispensable. Le plus important c’est qu’elles garantissaient à chacun la sécurité dont il avait besoin.

La force de cette structure familiale était que tous les descendants d’une souche (lignée) restaient liés et essayaient d’assurer la permanence de la famille. Car ici la famille se différencie du ménage. Les ménages étant constitués du père et des mères et de leurs enfants mariés ou non. Les intérêts des ménages étaient subordonnés à ceux de la famille.

C’est l’ensemble de cette communauté, pas seulement des parents (père et mère) qui créait une atmosphère familiale : éducationnelle appropriée, animée par l’amour des uns et des autres dans la solidarité et le partage, le respect de parents et des plus âgés, le respect des coutumes et mœurs mais aussi dans la compétition et la rivalité. La famille était la première école des vertus sociales dont aucune société ne peut se passer et cela a perduré aves l’islamisation et les écoles coraniques. Dans ces familles chacun était reconnu, respecté parce qu’il représentait un membre à part entière d’un groupe et si quelqu’un avait davantage de besoins, l’attention et les soins qui lui étaient apportés se faisaient plus intenses quelque part.

Ces familles possédaient une hiérarchie et chaque membre occupait une place et avait un rôle à jouer dans la formation de l’individu. Nous voulons parler des grands-parents, des pères, des mères, des frères et sœurs, des oncles et tantes, des cousins et cousines et des hommes de caste.

Les pères: étaient appelés “père” tous les frères consanguins du père et jouaient ce rôle (Nfa karça).
Les mères: l’ensemble des épouses du père et de ses frères ainsi que les sœurs consanguines des épouses (bakoroba, batini).
Les frères et sœurs: tous les enfants qui sont de même père ainsi que ceux des frères du père.
Les oncles et tantes: ceux sont les frères des mères et les sœurs du père.
Les cousins et cousines: les enfants des frères et sœurs des mères et des sœurs du père.
Ces appellations et notions soulignent les liens de sang et de parenté et consolident les liens familiaux. Chaque entité a ses tâches et rôles notamment dans la gestion des conflits et le développement de la personnalité de l’enfant. La notion de demi-frère et de demi-sœur n’existait pas et les enfants des frères de ton père ne sont pas des cousins et cousines mais des frères et sœurs à part entière. Il n’y a pas non plus de marâtre mais des grandes et petites mères (mamans).

L’éducation de l’enfant et la formation de l’homme étaient exclusivement dévolues aux parents, à la famille et à la communauté où le rôle de chaque entité était bien défini et bien balisé. Le pouvoir public ne pénétrait pas à sa guise dans le sanctuaire de la famille.

La famille malienne “traditionnelle” a été façonnée à travers son histoire de manière à s’adapter aux exigences de son développement. Elle a développé des valeurs sociales et morales ; des vertus et des mœurs qui lui sont propres. De vraies valeurs familiales ont fondé son humanité, son honneur et un sens aiguisé de la perception de l’autre. Ainsi la famille était la première institution et le premier milieu de vie naturelle, sociale, éducative, affective, relationnelle, religieuse et politique.



La famille actuelle

Comme nous l’avons dit plus haut, la rencontre de notre société “traditionnelle”, avec la culture musulmane et surtout avec la culture judéo-chrétienne, a marqué son évolution et plus particulièrement sa transformation.

Aujourd’hui nous pouvons dire sans risque de se tromper que la famille, dans la vision de la plupart des citadins et plus particulièrement de ceux qui sont allés à l’école européenne, est de type nucléaire et se situe dans le triangle naturel “mari-femme-enfants” sur lequel repose le renouvellement et la première éducation. La formation de l’homme et du citoyen revenant à l’institution scolaire et à l’Etat.

De cette évolution de mentalité et de vision du monde, la famille sort comme synonyme de ménage, de couple. Le mariage devient de plus en plus l’union de deux personnes et non plus le maillon concrétisant l’union de deux familles ou de communauté. La conception de la famille qui se développe avec l’évolution de notre société relève d’une vision occidentale soi-disant moderne. Or, la modernité se définit comme une autre forme de culture qui s’oppose à la tradition, c’est-à-dire à toutes les autres cultures antérieures, au nom de la productivité et de la liberté individuelle.

Cette vision ou manière de faire, nous amène à calquer des politiques individualistes pour les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les travailleurs etc., qui sont très souvent antifamiliales et reconnues comme telles en occident. Ainsi les législations sur les droits de l’enfant adviennent comme si les parents n’avaient plus de droits et comme si nos sociétés ne possédaient pas de normes en la matière. Il en est de même du droit de la femme en dehors des droits de la famille etc.

Chaque jour nous privilégions la formation et la consolidation de la famille nucléaire sinon monoparentale par l’abandon de nos valeurs à travers l’adoption sans beaucoup d’effort de lecture et d’analyse des textes législatifs : code de mariage et de la famille et conventions internationales. Et ces codes et textes sont d’abord analyses, jugés et approuvés par la société occidentale et leur évaluation a valeur de progrès et de modernité. Tant pis pour nos populations qui devront les subir.

Or, nous savons que plus un ménage est peu nombreux et isolé des autres, plus ses membres sont exposés à diverses formes de violence interne et externe (conjugale, parentales, médiatiques et de la rue). Tout cela peut conduire à détruire l’environnement familial propice à un développement harmonieux de nos enfants et de notre société.

A y regarder de près, pour le plus grand nombre, notamment les ruraux, la famille reste la somme de relations entre parents et enfants, hommes et femmes, frères et sœurs, autres membres de la famille élargie, à commencer par les grands-parents ; sont venus s’ajouter à cela avec l’école et l’urbanisation, d’autres relations telles que : famille et école, famille et quartier, famille et localité, famille et lieux de travail contribuant à réduire l’espace d’action de la famille.

La réalité d’aujourd’hui est que de nos cités urbaines aux campagnes rurales les familles étendues sont en train de se désintégrer à cause de la monétarisation de nos relations et l’occidentalisation croissante de nos mœurs avec l’adoption du système économique libéral, dont le mode de production est donné comme garant de la démocratie et du développement. Or, le système occidental de démocratie vise essentiellement le développement individuel de l’homme. La femme et l’enfant sont envisagés comme des membres temporaires de la famille avant de devenir de bons consommateurs et de bons électeurs c’est-à-dire de bons citoyens.

De ce style de vie, la famille est d’abord la somme des intérêts individuels du père de la mère et des enfants. Cela conduit à la diminution des relations interhumaines élargies, et à affaiblir la pression sociale, tant chez ceux qui l’exerce (les parents) que chez ceux qui la subissent (enfants). Ainsi donc on assiste au relâchement et l’effritement de l’autorité parentale, accentué par l’impact des modèles normatifs proposés par les médias. Nos mœurs sont décrédibilisées au profit des modèles occidentaux définis comme modernes et surtout le remplacement des relations d’autorité dans le foyer par des relations hédonistes (que de plaisir).

Les effets de ces comportements font qu’actuellement tous nos problèmes au niveau familial et entre familles, sont de plus en plus réglés au niveau des institutions de la police et de la justice. Le divorce est devenu la chose la plus banale dans la société où l’argent peut tout régler, au nom d’une modernité sans âme et de la liberté tous azimuts où tout est devenu prêt à porter et prêt à jeter.

Nos institutions étant peu performantes et nos familles en cours de mutation (éclatement), se trouvent en panne dans leurs rôles de socialisation et de régulation. Ainsi notre société est en train d’évoluer vers une impasse totale, en persistant à vouloir continuer à imiter aveuglement les modèles d’ailleurs, qui ont contribué à dérégler l’institution familiale au prétexte d’autonomiser l’enfant et la femme et de promouvoir que leurs droits.

Cette évolution a induit un certain nombre de changements dans les rôles parentaux. Relativement au rôle parental, on assiste chez les femmes à une véritable collision de valeurs provoquant leur absence de plus en plus marquée de l’enceinte familiale. En effet alors qu’elles travaillent désormais comme les hommes en dehors de la famille toute la semaine et en fin de semaine elles doivent participer comme par le passé à toutes les manifestations sociales requérant la représentation de la famille (mariage, décès, baptêmes etc.) cette tendance surtout en milieu urbain soulève de nombreuses questions sur le rôle et la responsabilité parentale.

Chez nous qu’avons-nous imaginé pour faire face au travail des femmes, car nos familles sont de plus en plus vidées de leurs parents et les enfants restent entre les mains des domestiques. La question que l’on se pose, est la suivante : nos enfants sont élevés et éduqués par qui ? Les parents, les servantes, la famille, l’école, la rue ou les medias ?

A travers ces constats, on est en droit de se demander : quelle éduction sommes-nous en train de donner à nos enfants par rapport à notre vécu et à notre propre perception de la vie ?

Ce qui est vrai, c’est que la famille joue de plus en plus son rôle d’encadrement avec beaucoup de difficultés et de contraintes. Elle a délégué une part importante de l’éducation des enfants à de tierces personnes, puis à l’école pour leur apprendre le savoir et enfin à l’Etat démocratique pour former des citoyens.

Au total, l’éducation qui devrait jouer un rôle déclencheur dans la réaction en chaîne positive du cycle vertueux du développement humain et de la démocratie, est aujourd’hui le chaînon négatif dans le cercle vicieux du mal malien. Or le domaine de l’éduction est pour toute société la pierre angulaire de la construction de son avenir.

Comment se présente l’institution scolaire malienne ? Elle se caractérise par deux maux ; une pléthore d’effectif à tous les niveaux et une démotivation du corps enseignant peu ou mal formé, mal payé, qui s’éloigne de la déontologie de leur métier devenu un simple gagne-pain. L’Etat en se désengageant de cette sphère hautement stratégique, brade son autorité ; une tâche éminemment régalienne. Pour lui qui est le garant de la paix sociale. Or, cette autorité n’est pas et ne peut être reprise par le secteur privé, préoccupé avant tout par une gestion mercantile. Pour l’autorité de l’Etat, il ne peut y avoir de repreneur à la mesure de l’enjeu, car l’Education relève non seulement de la souveraineté mais aussi de l’identité nationale. On devrait lui accorder au moins autant d’importance qu’à la Défense nationale (orientation stratégique financement…).

On constate qu’à peine constitués, on demande à nos Etats de renoncer au pouvoir, c’est-à-dire de se suicider sur l’autel du tout libéralisme et de la croissance à court terme, en exigeant que le privé multiforme (national et international), envahisse l’espace non structuré abandonné par l’Etat.

Mais pour quoi faire ? Pour s’aligner sur les normes du marché, reproduire la classe dominante dans des établissements de haute gamme et former de la main-d’œuvre dans les écoles communautaires : à l’image de la santé où les laboratoires et les cliniques de luxe côtoient les centres de santé communautaires laissés à eux-mêmes. Si l’offre du savoir, comme celle des soins est à la hauteur des bourses des parents et des patients. Cela signifie que, dans un pays comme le Mali où une forte majorité de la population est touchée par la pauvreté, la qualité de l’enseignement établie au gré du marché même ajusté par l’aide internationale, est et restera médiocre.

Au stade actuel de notre développement l’enseignement, comme la santé, peuvent-ils être des biens marchands ? L’adaptation de l’enseignement au marché peut être une idée juste, mais n’est-il pas imposé et mal pensé pour et par nous.



La famille de demain

L’éducation comme approche culturelle de la formation se confirme de mieux en mieux comme un facteur décisif de l’émancipation, du développement progressif, harmonieux, politique, économique, social de la personne humaine et des sociétés. Elle est de plus en plus reconnue comme un facteur essentiel, comme un paramètre indispensable pour faire reculer la pauvreté économique, intellectuelle et culturelle et pour faire progresser les idées de démocratie, de paix et de justice sociale. C’est cette compréhension de l’éducation qui était la nôtre, maintenant qu’allons-nous faire pour nous l’approprier à nouveau dans un autre contexte de “mondialisation et de globalisation”.

Les Bamanans disent que le vieillard vaut mieux que son prix, c’est lui qui détenait le savoir et la sagesse dans sa tête et dans son regard. Et le professeur Ki Zerbo d’ajouter qu’il en va de même pour l’enfant dans le secteur dit budgétivore de l’enseignement. L’élève assis sur son banc vaut mieux que son prix. Car aujourd’hui l’essentiel de l’éducation doit être acquis à l’école.

En somme, non seulement l’éducation est dans tout, mais tout est dans l’éducation. Il s’agit de faire de l’éducation une vaste entreprise de développement et du développement un vaste affaire d’éducation.

Alors que faire pour vivre ensemble dans une société et dans des familles qui rapprochent, éduquent et forment l’homme et le citoyen malien conformément à des valeurs sûres telles que la tolérance, la solidarité, le partage, l’amour de l’autre, le respect des anciens et du bien commun etc.

Pour cela, il faut que la famille reste et demeure notre principale institution sociale, plus que jamais nécessaire pour notre société contemporaine et multiculturelle.

La famille doit être la résultante de toutes les valeurs nouvelles et surtout anciennes qui résiste à l’érosion du temps et aux influences extérieures, particulièrement en ce qui concernent la place et le rôle de l’éducation (Lamô). Sans négliger l’importance de la complémentarité hommes femmes tout en tenant en compte la dimension profondément religieuse et mystique de notre humanité, qui la distingue des autres. Sur cette base de réflexion et d’analyse sereine, il est possible d’entreprendre la construction d’une autre forme de société où le modèle et l’esprit de la famille malienne seront reconnus à travers ses capacités éducationnelles et la prise en compte et en charge des personnes âgées, des handicapés et des démunis.

Pour y parvenir, une authentique volonté politique et individuelle doit s’exercer dans des domaines comme la décentralisation des tâches éducatives entre la famille, la communauté et l’Etat, la formation des enseignants et un soutien effectif à la recherche car elle se situe au point d’arrivée et au point de départ de la connaissance et du développement.



Conclusion

Est-il normal et pensable qu’un pays de veille civilisation et de culture comme le Mali ne possède pas une seule valeur méritant d’être sauvegardée, reconnues et utilisée pour assurer l’éducation de ses enfants, le modelage de ses structures sociale et le maintien de l’équité morale et spirituelle de ses membres ?

L’influence progressive du mode de vie occidental sur le nôtre étant désormais avérée, il reste à déterminer relativement à l’institution de la famille et à l’éducation les grandes questions auxquelles nous avons à faire face :

Quelle éducation faudrait-il donner à nos enfants, déconnectés d’une éducation familiale traditionnelle de plus en plus méconnue ?
Quelles écoles pour parfaire l’éducation de nos enfants ?
Quelle place pour les personnes âgées dans l’éducation de nos enfants ?
Quelle place peut-on accorder à l’enseignement moral, civique et religieux dans nos écoles pour une meilleure éducation de nos enfants ?
Quelle politique familiale multisectorielle et globale pour prendre en compte l’intérêt supérieur de l’institution familiale et des familles ?
Quel mécanisme mettre en place pour que la politique de la famille soit prise en compte dans toutes autres politiques ?
Que faire pour que les associations et organisations communautaires, familiales et para-familiales développent et appuient les politiques de famille et d’éducation ?


Racine Ly

Ingénieur Agro-Zootechnicien, Chercheur à la retraite, spécialiste en production fourragère et en alimentation du bétail.

Conseiller du chef de quartier Hamdallaye, Conseiller communal CIV

Bamako, Hamdallaye, Rue : 43 ; Porte : 1129

Cell : 00 223 66 71 12 77 ; 00 223 76 71 12 77
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