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L’Affaire dite de déstabilisation de la Transition examinée ce lundi par la Chambre criminelle de la Cour Suprême : Les leçons de courage de la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel
Publié le lundi 19 avril 2021  |  Le challenger
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Si ce lundi 19 avril, les magistrats de la Chambre criminelle de la Cour Suprême prenaient leur courage en main comme leurs collègues de la Chambre d’accusation, ils conforteraient l’indépendance et la crédibilité de la justice. En effet, l’Arrêt de nullité de procédure et de mise en liberté de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako du 2 mars 2021 fera jurisprudence. Les trois juges ayant siégé lors de cette audience consacrée à l’affaire dite de déstabilisation des institutions de la Transition donnent des leçons de droit. De par leur courage, Diakaridia Touré, Marie Madeleine Koné et Habibatou Maïga forcent l’admiration et donnent aux justiciables la force d’espérer.
La Chambre criminelle de la Cour Suprême du Mali examine, en principe ce lundi 19 avril 2021, le pourvoi formulé par le Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako contre l’Arrêt de nullité de procédure et de mise en liberté de la Chambre d’accusation dans l’affaire Ministère public contre Mahamadou Koné, Souleymane Kansaye, Vital Robert Diop, Aguibou Macky Tall et Mohamed Youssouf Bathily, tous inculpés de complot contre le gouvernement, association de malfaiteurs et outrage à la personne du Chef de l’Etat.
Cet Arrêt de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako en date du 2 mars 2021 fera jurisprudence et pourra changer beaucoup de pratiques dans nos tribunaux et les unités d’enquêtes de police judiciaire. Les trois juges Diakaridia Touré, Marie Madeleine Koné et Habibatou Maïga donnent des leçons de courage découlant du respect de la procédure pénale dans un dossier qui fait couler beaucoup d’encre et de salive.
La DGSE n’a aucune qualité pour interpeller d’éventuels suspects
L’Arrêt de la Chambre d’accusation fournit quelques détails sur le transfert des personnes mises en cause au niveau de la Gendarmerie nationale. Selon le document, le chef de service d’investigation judiciaire des pandores, par message n°0973/2-GRM-SIJ du 24 décembre 2020, confirme que les nommés Vital Robert Diop, Directeur général de PMU-Mali, Sékou Traoré, magistrat, secrétaire général de la Présidence, Mahamadou Koné, inspecteur du Trésor, Souleymane Kansaye, Receveur général du Trésor Public ont été conduits devant eux le 23 décembre 2020 à 19 heures par une mission de la Direction générale de la Sécurité de l’Etat. Le message précise qu’à l’exception de Sékou Traoré, les trois autres ont été gardés à vue. Par message n°0975/2-GRM-SIJ, on apprend que Mohamed Youssouf Bathily et Aguibou Tall ont été conduits au Camp I de gendarmerie, le 25 décembre 2020 à 16h45mn, par une mission de la DGSE.
Si le message n°0973/2-GRM-SIJ du 24 décembre 2020 fait ressortir que le Procureur de la République a été informé de la mesure de garde à vue prise à l’encontre de Vital Robert Diop, Souleymane Kansaye et Mahamadou Koné, celui n°975/2-GRM du 25 décembre 2020 relatif à la conduite de Mohamed Youssouf Bathily et Aguibou Tall ne précise pas l’heure à laquelle le chef du parquet a été informé de la mesure de garde à vue prise contre les susnommés.
L’Arrêt de la Chambre d’accusation va plus loin. Les messages et les procès- verbaux d’audition ne précisent ni les circonstances ni les conditions d’interpellation des inculpés par la SE. « Que de surcroit, la DGSE n’a aucune qualité pour interpeller d’éventuels suspects », tranchent les trois juges de la Chambre d’accusation. Selon eux, « les fonctionnaires et agents de la DGSE n’ont pas qualité d’Officiers de police judiciaire ou d’Agents de police judiciaire limitativement énumérés par les articles 33 à 46 du Code de procédure pénale et seuls habitués à procéder à des interpellations dans le cadre d’une enquête préliminaire».
Les interpellations effectuées sont illégales aux yeux des juges de la Chambre d’accusation. Ce qui est de nature à rendre nuls et la procédure et les procès- verbaux d’audition. Mieux, les « procès-verbaux ne portent pas toutes les mentions permettant à la Chambre d’accusation de contrôler le respect des droits de la défense relativement à l’information du Procureur de la République du début de la mesure de garde à vue, à la durée de celle-ci et à la notification aux inculpés de leurs droits », précise la Chambre d’accusation.
Les juges de la Chambre d’accusation avancent une référence jurisprudentielle (crim. 24 mai 2016 n°16-80-564 P : actu-17 juin 2016), selon laquelle « si aucun élément de la procédure n’établit une circonstance insurmontable justifiant la décision de différer tant la notification de ses droits à l’intéressé que l’information du Procureur de la République, un délai d’une demi heure à trois quarts d’heure entre le placement de la personne en garde à vue et le respect de ces formalités est excessif et justifie l’annulation de la garde à vue et de la procédure subséquente».
Dépassement du délai légal de garde à vue, l’absence de notification de la prolongation de la garde à vue aux intéressés
Si le début de l’heure de la mesure de garde à vue a été notifié à tous les inculpés, l’heure de la fin n’est indiquée sur aucun procès-verbal. La Chambre d’accusation évoque la violation de l’article 77 du Code de procédure pénale qui fait obligation à l’Officier de police judiciaire de mentionner sur le procès-verbal d’audition de toute personne gardée à vue le jour et l’heure à partir desquels elle a été gardée à vue ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été libérée, soit amenée devant le magistrat compétent. L’absence de la mention de notification de la fin de garde à vue aux inculpés laisse présumer le dépassement du délai légal de garde à vue, avancent les trois juges de la Chambre d’accusation.
L’autorisation de prolongation du délai légal de garde à vue donnée par le Procureur de la République près le Tribunal de Grande instance de la commune III en date du 26 décembre 2020 pour 24 heures n’apparaît sur aucun procès-verbal d’audition d’aucun des inculpés.
La Chambre d’instruction du second degré sort une référence jurisprudentielle (crim 30 janvier 2001, n°0087-155), selon laquelle l’absence de notification de la prolongation de la garde à vue à l’intéressé constitue une cause de nullité. Les inculpés ont été placés sous mandat le 31 décembre 2020 par le juge d’instruction, soit quatre jours après l’autorisation de prolongation de la garde à vue. Selon une autre jurisprudence citée par les trois juges de la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Bamako, le dépassement du délai de garde à vue porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’inculpé et constitue une cause de nullité. (Crim. 5 mars 2004 n°1003-87-739 P). Les conseils des inculpés et l’avocat général dans son réquisitoire oral lors des débats ont mis sur la balance un autre motif pour demander la nullité de la procédure en application des dispositions de l’article 613 du Code de procédure pénale. Selon cet article, «les ministres susceptibles d’être inculpés à raison des faits qualifiés de crimes ou délits dans l’exercice de leurs fonctions ainsi que leurs complices en cas de complot contre la sureté intérieure de l’Etat sont justiciables de la Haute Cour de Justice ».
Ni compétent à exercer les poursuites ni requérir l’ouverture d’une information
La loi n°97-001 du 13 janvier 1997 fixant la composition et les règles de fonctionnement de la Haute Cour de Justice ainsi que la procédure suivie devant elle, est encore plus explicite dans son article 15, aliéna 2 et 3. « Lorsqu’un ministre est susceptible d’être inculpé à raison des faits justifiés de crimes ou délits commis dans l’exercice de ses fonctions, le Procureur de la République compétent, transmet le dossier au Procureur général près la Cour Suprême, chargé de l’acheminer au Président de l’Assemblée nationale. La Procédure s’applique également aux ministres et à leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’Etat ».
Selon les juges de la Chambre d’accusation, les faits reprochés à Sékou Traoré qualifiés de crimes de complot contre la sûreté de l’Etat dans le réquisitoire introductif du Procureur de la République ont été commis dans l’exercice de ses fonctions de ministre secrétaire général de la Présidence de la République. « Que dès lors la procédure le concernant ainsi que ses co-inculpés de complot contre la sûreté intérieure de l’Etat devrait être orientée conformément aux dispositions légales précitées…. », précise l’Arrêt. Pour la Chambre d’accusation, « le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III n’était pas compétent à exercer les poursuites ni requérir l’ouverture d’une information par un juge d’instruction dont l’incompétence entraine la nullité des actes posés (interrogatoire de première comparution, inculpation notamment les mandats de dépôt délivrés contre les inculpés ».
Elle a prononcé l’annulation de la procédure d’information ouverte par le Procureur de la République. Elle a rejeté les réquisitoires écrits du Procureur général qui sont mal fondés. Elle annule la procédure et les mandats décernés contre Mahamadou Koné, Souleymane Kansaye, Vital Robert Diop, Aguibou Tall et Mohamed Youssouf Bathily le 31 décembre 2020. Elle ordonne leur mise en liberté s’ils ne sont pas détenus pour autre cause. Et si ce lundi 19 avril, les magistrats de la Chambre criminelle de la Cour Suprême prenaient leur courage en main comme leurs collègues de la Chambre d’accusation, les personnes inculpées retrouveraient dès aujourd’hui la liberté. Une telle option conforterait l’indépendance et la crédibilité de la justice.
Chiaka Doumbia
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