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Dr. Etienne Fakaba Sissoko, économiste : « En cas de sanctions économiques, le Mali n’a pas plus de 15 jours d’autonomie
Publié le samedi 8 janvier 2022  |  Mali Tribune
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© aBamako.com par FS
Point de presse de la plateforme Debout sur les Remparts
La plateforme Debout sur les Remparts a animé un Point de presse de le Mercredi 7 Février 2018 à la Maison de la Presse. Photo: Etienne Fakaba Sissoko
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Dimanche prochain, la Cédéao organise un sommet extraordinaire sur le Mali. Il s’agira, pour les Chefs d’Etat de la Cédéao, de se prononcer sur la demande de prorogation de 5 ans pour la transition au Mali. La Cédéao ne serait pas seule. Elle serait avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa). De probables sanctions sont à envisager. L’économiste, Dr. Etienne Fakaba Sissoko, relate les risques et conséquences d’une sanction économique pour les populations maliennes.
« La Cédéoa a deux fonctions. Elle peut jouer une fonction politique mais aussi une fonction économique. Quand elle joue une fonction économique, elle s’appuie sur des organisations qui ont cette vocation. Dans notre zone, c’est l’Uémoa en tant qu’institution qui le fait. Parce que tous les pays utilisent la même monnaie. S’il y a de probables sanctions, comme c’est le cas qui se profile, comme l’on se souvient lors du dernier sommet des chefs d’Etat, il était question de prendre des sanctions contre le Mali. Si toutefois, il n’y avait pas d’avancée significative dans la définition d’un chronogramme. Donc, aujourd’hui, c’est ça la question. C’est que la posture de la Cédéao change totalement. Et l’Uémoa va jouer un rôle important dans les sanctions économiques si elles sont appliquées à travers les accords commerciaux. Il y a le marché de libres échanges. Mais aussi le marché commun que nous partageons avec les pays de l’Uémoa qui nous offrent des facilités en termes de transaction avec les autres pays. Deuxième élément, c’est sur un plan purement monétaire. C’est l’Uémoa qui peut donner des instructions à la Bcéao. Si sanction économique y est, ça dépend du degré des sanctions. S’il y a fermeture du compte unique de trésor ou fermeture des canaux de la Bcéao au Mali, cela va créer énormément de problème. La présence de l’Uémoa va conforter la mise en œuvre d’une telle disposition.

Le troisième aspect, c’est le marché sous régionale qui est géré par la bourse des réseaux immobiliers de l’Afrique de l’Ouest (BRVM). Là où les entreprises sont dotées en bourse. Il y a également des obligations. Quand il y a un déficit budgétaire, souvent il y a des dons, des prêts, des emprunts ou l’appui des institutions internationales. Dans la plupart, c’est aussi l’emprunt sur des marchés obligataires. Souvent, on lève des fonds sur ce marché et c’est l’Uémoa qui contrôle ce marché. Si jamais une telle sanction doit être prise dans ce domaine, c’est de fermer carrément la porte des marchés internationaux au Mali. C’est-à-dire qu’on ne peut pas se ravitailler sur ce marché.

La présence de l’Uémoa s’explique tout simplement par le fait qu’il y a des probables sanctions qui doivent être prises contre le Mali. S’il y a des sanctions économiques la mise en œuvre incombe plus sur l’Uémoa qui est un instrument chargé des politiques qu’à la Cédéao qui est un organe politique qui impulse mais qui ne suit pas la mise en œuvre concrètement.

Il y a deux grands types de sanctions. Les sanctions économiques allégées comme le cas de 2012 et 2020. C’est-à-dire qu’il y a un embargo qui est imposé mais dans cet embargo, on fait des exceptions. On dit par exemple que les produits pharmaceutiques, les denrées de premières nécessité, ne sont pas touchés par les sanctions. Ce qui fait qu’il peut y avoir circulation des produits de première nécessité et dans le cas du Mali, le carburant. On suppose que le ravitaillement des militaires, la chaîne des hiérarchies a besoin de carburant pour fonctionner. Donc pour des raisons humanitaires et pour des raisons de souveraineté, on peut dire tel aspect ou secteur ne sont pas touchés par les sanctions économiques. Ça c’est ce qu’on appelle les sanctions économiques allégées.

Si on veut aller plus loin, dans le cas des sanctions économiques globales, là en ce moment, c’est l’isolement total du Mali. A titre d’exemple, si la Bcéao doit entrer en jeu, les banques secondaires ne pourront pas se ravitailler auprès de la Banque centrale. Autant nous, nous avons des comptes au niveau des banques secondaires, les banques secondaires aussi ont des comptes au niveau de la Banque centrale. S’il y a sanction, c’est ce canal qui va être interrompu. Le processus interbancaire est carrément interrompu aussi. On ne peut non plus se ravitailler au niveau du marché international. On ne peut pas importer les produits dont l’économie surtout l’hydrocarbure qui est indispensable pour le fonctionnement. Il se trouve qu’on n’a pas plus de 15 jours d’autonomie. S’il y a sanction économique, il ne faudrait pas que ça dépasse 15 jours. Si ça dépasse 15 jours, il y aura pénurie. Sans oublier toutes les conséquences psychologiques que peut avoir une sanction économique. Si on annonce une sanction économique aujourd’hui, la première des choses, les gens vont courir vers le marché et se ravitailler. La demande sur le marché va augmenter sans que les besoins réels des agents économiques augmentent.

En économie, plus il y a de demande, plus les producteurs doivent s’adapter à la demande. Et s’il n’y a pas de production à la hauteur de ce qui est en train d’être acheté, c’est ce qui va créer la hausse des prix. C’est la hausse des prix qui créent l’inflation. Et l’inflation qui crée la hausse du pouvoir d’achat. C’est le pouvoir d’achat qui amène les crises économiques et autres choses. Donc il faut prier qu’on n’ait pas de sanction économique. On est dans une économie mondialisée et interconnectée. Ce qui fait qu’autant une sanction peut avoir des conséquences réelles sur le Mali, autant les pays qui nous entourent vont ressentir les effets de cette sanction. C’est indéniable. Mais il faut relativiser les sanctions pour ne pas entamer un bras de fer avec les organisations sous régionales ou les pays de la sous-région. Nous n’avons pas les épaules larges pour cela. Nous n’avons pas créé les conditions d’une économie autosuffisante. Le mieux pour nous, c’est de respecter les règles de droit, les règles en matière de démocratie, de gouvernance politique et institutionnelle que nous-mêmes avons prises dans nos différentes institutions pour échapper aux sanctions. On n’est pas prêt pour se prendre en charge de cette façon-là et vivre indépendamment des autres ».

Propos recueillis par

Koureichy Cissé
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