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Mali-France : 2022 : De la tension à la rupture !
Publié le lundi 5 decembre 2022  |  L’aube
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© Autre presse par DR
Le président français Emmanuel Macron et le président de la transition malienne Assimi Goïta.
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De l’expulsion de l’ambassadeur de France au Mali, au retrait de l’opération Barkhane, à la dénonciation de l’accord de défense, en passant par la plainte malienne au Conseil de sécurité de l’ONU contre la France accusée de soutien aux groupes terroristes, les relations entre les deux pays n’ont cessé de se dégrader au cours de l’année 2022. Retour sur les faits marquants de la rupture entre le Mali et la France.

En effet, l’Ambassadeur de France au Mali, Joël Meyer, n’avait eu que 72 heures pour faire ses valises et quitté le Mali. Cette décision du gouvernement malien a été notifiée au diplomate français le lundi 31 janvier 2022. Elle (l’expulsion) était consécutive aux propos tenus par le Ministre français des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, le jeudi 27 janvier 2022. Dans une attaque verbale en règle et dont il était coutumier, il avait traité les Autorités maliennes d’« une junte illégitime », qui prend des « mesures irresponsables ».

Après ces propos trop forts et très peu diplomatiques de Jean-Yves Le Drian, les Autorités de Bamako ont décidé d’expulser l’Ambassadeur de France, le lundi 31 janvier 2022 : «(…) l’Ambassadeur de France à Bamako, Joël Meyer, a été convoqué par le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale [et] qu’il lui a été notifié la décision du Gouvernement qui l’invite à quitter le territoire malien dans un délai de soixante-douze heures », selon les termes d’un communiqué du gouvernement. Précision : cette expulsion, précise le même communiqué, « fait suite aux propos hostiles et outragés du ministre français de l’Europe et des affaires étrangères tenus récemment, à la récurrence de tels propos par les autorités françaises à l’égard des autorités maliennes en dépit des protestations maintes fois élevées ».

Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop avait indiqué que certaines déclarations émanant de Paris ont conduit les autorités maliennes à prendre leurs responsabilités. « Ces déclarations tendent à remettre en cause et la légalité et la légitimité des autorités auprès desquelles l’ambassadeur de France est accrédité (…) Vous ne pouvez pas être accrédité auprès d’autorités que vous-mêmes vous ne reconnaissez pas », a indiqué M. Diop, avant d’avertir : notre pays n’exclue désormais « rien » dans ses relations avec la France !



RFI et France 24 interdites d’émettre au Mali

Avant la dénonciation de l’Accord de défense, les relations entre les deux pays s’étaient encore détériorées avec la suspension des médias français RFI et France 24. Et pour cause : Accusés de campagne pour propagande sur les FAMA, les autorités de la transition ont annoncé leur décision de suspendre les médias français RFI et France 24 le 16 mars 2022. L’information avait été rendue publique par un communiqué du gouvernement. « Le gouvernement rejette catégoriquement ces fausses allégations contre les vaillantes FAMA et engage une procédure (…) pour suspendre jusqu’à nouvel ordre la diffusion de RFI (…) et France 24 », indiquait un communiqué signé du colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement.

Le gouvernement malien avait également « interdit à toutes les radios et télévisions nationales, ainsi qu’aux sites d’information et journaux maliens, la rediffusion et/ou la publication des émissions et articles de presse de RFI et de France 24 ».

Selon le gouvernement, RFI et France 24 participent à une campagne médiatique visant à déstabiliser la transition; « la synchronisation de ce matraquage médiatique, le gouvernement en déduit une stratégie savamment préméditée visant à déstabiliser la transition, démoraliser le peuple malien et discréditer les vaillants FAMA ».

RFI et France 24, interdites de diffusion au Mali depuis le 17 mars, ont été définitivement suspendues dans le pays. Le groupe France Médias Monde a reçu, le mercredi 27 avril 2022, la notification de cette décision par la Haute autorité de la communication du Mali qu’elle “conteste avec force”, entendant faire appel, indique son directeur de la communication Thomas Legrand.
La décision de sanctionner RFI et France 24 est intervenue alors que les autorités de la transition malienne avaient, par ailleurs, accusé, le 26 mai 2022, l’armée française d’“espionnage” et de “subversion” après la diffusion par l’état-major français de vidéos tournées par un drone à proximité de la garnison militaire de Gossi.



Les Accords de défense à la poubelle

En effet, les autorités maliennes ont déclaré « dénoncer » les Accords de statut des forces (Status of Force Agreements, ou Sofa) fixant le cadre juridique de la présence au Mali des forces française Barkhane et européenne Takuba, ainsi que le traité de coopération en matière de défense conclu en 2014 entre le Mali et la France.

Dans un communiqué, le 2 mai 2022, le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga, avait invoqué les « atteintes flagrantes » de la part de la France, engagée militairement dans le pays depuis 2013, à la souveraineté nationale.

Il a cité, entre autres, « l’attitude unilatérale » de la France lorsqu’elle a suspendu en juin 2021 les opérations conjointes entre les forces françaises et maliennes, l’annonce en février 2022, « encore sans aucune consultation de la partie malienne », du retrait des forces Barkhane et Takuba, et les « multiples violations » de l’espace aérien par les appareils français malgré l’instauration par les autorités d’une zone d’interdiction aérienne au-dessus d’une vaste partie du territoire : « Eu égard à ces insuffisances graves ainsi qu’aux atteintes flagrantes à la souveraineté nationale du Mali, le gouvernement de la République du Mali décide de dénoncer le traité de coopération en matière de défense du 16 juillet 2014 », avait-il déclaré. Les autorités maliennes ont notifié cette dénonciation lundi après-midi aux autorités françaises et elle prendra effet six mois après cette notification.

« Informée, le 2 mai, de la décision unilatérale des autorités de transition maliennes de dénoncer» ces accords, la France « considère cette décision injustifiée et conteste formellement toute violation du cadre juridique bilatéral qui serait imputable à la force Barkhane », a indiqué la porte-parole de l’Elysée dans une déclaration…

En plus de l’affaire Wagner, toute cette agitation des autorités françaises est intervenue au moment où les autorités maliennes avaient manifesté leur intention de procéder à une relecture de l’accord de défense entre les deux pays. A ce sujet, le Colonel Assimi Goïta, dans son discours à l’occasion de la fête de l’armée, le 20 janvier 2022, a été on peut claire : « Par une analyse objective du contexte actuel et en tenant compte des intérêts vitaux de notre pays, nous avons demandé la relecture de certains accords de coopération militaire. Dans le même temps, de nouveaux accords ont été signés, toujours avec comme objectif essentiel, la sécurisation des Maliens et de leurs Biens ».

C’est ainsi qu’en fin décembre 2021, le Mali a officiellement demandé à la France la révision des Accords de défense qui lient les deux pays… Dès lors, l’on assista à un Acharnement polico-diplomatico-médiatique des autorités françaises sur le Mali. Cependant, malgré les pressions les autorités maliennes affichent leur détermination à réécrire une nouvelle page des relations entre la France et le Mali.



Plainte malienne contre la France pour duplicité, d’espionnage et de déstabilisation

Le dernier épisode de ce feuilleton entre Paris et Bamako aura été à l’occasion de l’examen par le Conseil de sécurité du rapport du Secrétaire général de l’ONU sur la situation dans notre pays, le mardi 18 octobre 2022, Abdoulaye Diop, ministre de Affaires étrangères et de la Coopération internationale, a une nouvelle fois dénoncé des «actes d’agression d’une extrême gravité» de la part de la France. Avant de renouveler la demande d’une réunion spécifique du Conseil de sécurité sur la plainte déposée par le Mali contre la France pour examiner des faits d’espionnage et de soutien aux groupes terroristes.

En effet, la session du Conseil de sécurité, à New York, a été le théâtre d’une nouvelle passe d’armes entre le Mali et la France, le mardi 18 octobre 2022. Au cours de la réunion trimestrielle consacrée au suivi de la Mission des Nations-Unies au Mali (Minusma), le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a dénoncé frontalement «les actes de duplicité, d’espionnage et de déstabilisation de la France à l’encontre du Mali». Des accusations qu’il avait déjà formulées dans une lettre adressée au président du Conseil de sécurité le 15 août, jour du départ du dernier soldat français de nitre sol. Bamako reproche notamment à l’armée française des violations de son espace aérien, ainsi que des «largages de matériels de guerre» et du «partage de renseignements» au profit « d’organisations criminelle » qui opèrent dans le Nord du Mali.

Devant les membres du Conseil de sécurité, Abdoulaye Diop a d’abord attiré leur attention sur une omission (?) plus ou moins troublante de la part du secrétariat général de l’ONU. Le ministre Diop a, en effet, déclaré que “le rapport du secrétaire-général a passé sous silence la saisine du Conseil de sécurité par le Mali, le 15 août 2022, pour ce qui concerne les tentatives de déstabilisation et les violations répétées de l’espace aérien par les forces françaises.(…) C’est pourquoi le gouvernement renouvelle sa demande d’avoir une réunion spécifique du Conseil de sécurité qui lui donnera l’occasion de présenter des preuves concrètes des actes de duplicité, d’espionnage et de déstabilisation de la France à l’encontre du Mali”. Simple omission ? Silence volontaire ? Les membres du Conseil de sécurité ont certainement leur religion. Au-delà, les précisions apportées par le chef de la diplomatie malienne ont eu le mérite d’informer la communauté internationale.

Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale a réaffirmé qu’il ne faut pas ignorer ces actes d’agression extrêmement graves, constituent une violation de la Charte des Nations Unies et du droit international. C’est pourquoi le Gouvernement du Mali renouvelle sa demande d’une réunion spécifique du Conseil de sécurité, qui lui permettra de présenter des preuves concrètes des actes français de duplicité, d’espionnage et de déstabilisation contre le Mali, notamment l’échange d’informations et le déversement de matériels militaires au profit des organisations criminelles, qui sont la source de l’insécurité et de la violence contre les populations civiles.

Nicolas de Rivière, l’ambassadeur de France auprès de l’Onu, avait auparavant déclaré que la Minusma était « en danger », et appelé le Mali à « renouer des relations de coopération et de confiance avec ses partenaires de la sous-région ».

Nicolas de Rivière a réagi aux accusations du chef de la diplomatie malienne en déclarant : « Je tiens à rétablir la vérité après les accusations mensongères et diffamatoires du gouvernement de transition malien, telle que contenue dans la lettre transmise au Conseil de sécurité le 15 août et répétées à l’instant devant ce conseil par le ministre des Affaires étrangères du Mali ». Avant de poursuivre : « Je regrette profondément les accusations graves et infondées portées contre la France de manière répétée par les autorités de la transition au Mali », a dénoncé Nicolas de Rivière au Conseil de Sécurité. « La France n’a jamais violé l’espace aérien malien », a déclaré l’ambassadeur français.

« La prise de parole du représentant de la France justifie la session demandée par le Mali », a rétorqué Abdoulaye Diop. Si la France n’a rien à cacher, a estimé le ministre Diop, qu’elle donne alors son accord pour que la session sur la plainte du Mali se tienne. Notre pays, a assuré Diop, n’a pas lancé « à la légère ses accusations, car il y va de la crédibilité du Mali ».

Mohamed Sylla
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