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Méchage: « Ils veulent qu’on se taise… »
Publié le vendredi 14 avril 2023  |  La Nouvelle République
Meeting
© aBamako.com par AS
Meeting des enseignants des écoles privées du Mali
Bamako, le 09 Juillet 2020, les enseignants des écoles privées du Mali ont organisé un meeting au monument de l`indépendance pour dénoncer leur situation.
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« Ils veulent que nous nous taisons mais nous ne nous tairons pas ». Oumar Mariko, aujourd’hui en exil, qui l’eut cru dans le Mali démocratique, aimait bien utiliser cette phrase au plus fort des débats et des joutes oratoires. Pendant les campagnes électorales du temps de ATT, il sortait fréquemment cette phrase pour se donner plus de libertés afin de dénoncer tous les travers et manquements ou perçus comme tels. Disons quand même que le régime de ATT n’est en rien Comparable à ce qui se fait actuellement, malgré quelques dérives (on se rappelle de l’enlèvement de Dragon de la radio Klédu qui a été battu et laissé pour, presque mort sur la route de Kati; tout comme on se rappelle de l’arrestation et de l’emprisonnement de 6 journalistes dont 5 directeurs de publication). Ce qui se passe actuellement couvre un large spectre qui va de la simple intimidation aux enlèvements en passant par la case bastonnade ou la maison d’arrêt ou même les deux à la fois. Le dernier événement en date dans ce registre concerne l’enlèvement et la disparition pendant cinq jours, de notre confrère Aliou Touré. Ha la belle frayeur ! Inconsciemment, tous, nous avons pensé à notre autre confrère, Touré lui aussi, disparu sans laisser de traces. Il s’agit de Birama Touré. Fort heureusement, après une forte mobilisation de la corporation, il est réapparu vivant et en bonne forme. Selon lui, ce sont des hommes armés et encagoulés qui l’ont enlevé à la sortie de ses bureaux le jeudi en fin de journée. Il ne sait pas qui ils sont ni où il avait été conduit. Quand ils se sont débarrassés de lui, c’est le même modus operandi, ils étaient armés, encagoulés et le pauvre Aliou avait un sac sur la tête. On peut se satisfaire de ce dénouement heureux et d’un épilogue enchanteur. Mais ça ne devrait pas être la fin de l’histoire. Tout le monde a entendu le gouvernement dans un silence assourdissant. Pas un mot, pas même de notre ministre de tutelle, pas même du ministre de la Justice, pas même du ministre de la Sécurité, rien de rien. Comme si enlever un être humain qui plus est un journaliste en plein jour est un non événement. Nous avons espéré même qu’un des nombreux procureurs de Bamako fassent un communiqué pour prendre acte et annoncer qu’il ouvrirait une enquête, rien de ce côté-là aussi où pourtant les braillards ne manquent pas. Ils sont tellement occuper à se battre comme des chiffonniers que les menaces qui pèsent sur la société les intéressent à peine. Puisque personne ne veut s’occuper de nous, nous allons-nous intéresser à nous-mêmes selon le bon vieux principe de la charité bien ordonnée qui commence par soi-même. Cela passe par porter plainte contre X. Une fois que Aliou aura fait ce premier pas, la justice sera bien obligée de s’intéresser à l’affaire. Enfin c’est ce que nous croyons. Mais ce n’est pas l’objet et nous y reviendrons in sha allah.

Si Mariko avait été présent, il y a des situations devant lesquelles il n’aurait jamais gardé le silence.

« Ils veulent que nous nous taisons, mais nous ne nous tairons pas ». Nous voudrions nous taire, nous ne le pourrions pas quand on voit par exemple ce que la ministre de l’Education veut faire de l’école avec le projet de constitution. N’ayons pas peur de le dire, avec le zèle qui la caractérise, madame la ministre voudrait faire ce qui ressemble à une véritable profanation de l’espace scolaire. Rappelons qu’à la date d’aujourd’hui personne ne sait si le projet de constitution sera soumis à référendum. Hormis les déclarations d’intention, rien ne nous dit que cela va se faire. La première date de convocation du référendum, le 19 Mars, a été annulée. Dans tous les cas, les Maliens n’avaient pas attendu le gouvernement pour savoir qu’il était techniquement impossible de tenir le référendum. Hormis les discours grandiloquents tenus à Bamako, sur le terrain rien n’avait été entrepris. Et jusqu’à présent aucune nouvelle date n’a été communiquée. Nous ne parlons même pas du fait que des franges importantes de la scène sociale et politique sont vent debout contre le projet. C’est vrai que le gouvernement a mis en place une commission de coordination pour la vulgarisation du projet. Mais nous n’avons pas encore entendu quelque action menée dans ce sens. Alors d’où lui vient l’idée d’investir l’espace scolaire entre le 15 avril et le 31 mai. Personne, avant elle et par ricochet avant la Transition n’avait osé pareille transgression. Et comme visiblement, ils sont le sens de l’humour au ministère de l’Education, ils essayent d’expliquer qu’il n’y aura pas de leçon modèle, mais quelques articles vont être expliqués aux élèves pendant les heures creuses. Quels sont ces articles qu’il faudrait expliquer aux bambins de la maternelle parce que le ministère de l’Education couvre les jardins d’enfants aussi. Qui a dit à madame le ministre que le projet va être soumis au peuple malien dans les conditions actuelles ? Qui lui a dit que les Maliens ne rejetteraient pas le projet si on devait le leur soumettre ? Les élèves qu’on voudrait stresser, même en temps normal ils sont plutôt du genre distraits avec des résultats que tout le monde connaît à plus forte raison vouloir capter leur attention au moment des heures creuses. Quand on a de l’humour ce n’est pas pour 24 heures. Mais dans cette histoire visiblement tirée les cheveux, nous espérons que les motivations ne sont pas seulement d’ordre pécuniaires. Au nom de la vulgarisation du projet de constitution, les autorités ne se refusent rien, elles font des incursions dans des espaces qui ne sont plus les mêmes depuis l’avènement de la démocratie, depuis que les Maliens ont acquis le droit de choisir leurs dirigeants et de pouvoir choisir leur parti et/ou association. Nous savons comment les chefs de villages et les chefferies traditionnelles ont été convoyés à Bamako, à l’appel du président de la Transition. Avec quelques médailles épinglées sur la poitrine, eux aussi ont été mis en mission pour vulgariser le projet de constitution. En procédant ainsi, les autorités risquent de fragiliser ces chefs de villages et chefferies traditionnelles et leur autorité pourrait être sapée à jamais. En effet, les temps sont révolus où un chef de village peut voter pour tout le village. Aujourd’hui dans chaque village, presque tous les partis politiques sont représentés. Autant à Bamako il y aura des partisans du Oui et des partisans du Non, autant dans les villages, ce sera la même configuration. On peut vouloir caporaliser les chefs de villages et les chefferies traditionnelles mais ils ne pourront pas embrigader leurs populations.

« Ils veulent que nous nous taisons mais nous ne nous tairons pas ». Ceux qui dirigent le pays entendent bien le scepticisme des Maliens quant à leur volonté d’organiser des élections dans les délais qu’eux-mêmes ont donnés; ils sentent bien le doute des Maliens quant à leur volonté de partir. Et la vérité c’est qu’ils voudraient rester le plus longtemps possible à défaut de s’éterniser. C’est ainsi qu’on entend ici et là des théories qui cachent mal cette volonté de rester. Sans aucun mandat électif, ils ne veulent pas organiser les élections. Dernièrement, c’est l’un des membres du CNT qui a déclaré qu’il faudrait donner du temps afin d’éviter d’organiser des élections bâclées. Les Maliens auront remarqué que le bonhomme est devenu luisant, son front brille de mille feux. Il parait clair pour tout le monde que la fin de la Transition risque d’être un moment de grand déchirement pour tous ceux qui n’ont aucun mandat et qui voudraient faire le bonheur des Maliens malgré eux. Or, chaque chose a une fin. Le compte à rebours a bien commencé et sauf à être spécialiste de non respect de sa parole, la Transition doit prendre fin dans un an, en mars 2024. Mais connaissant l’homme en question, on peut penser que ses paroles ont dépassé sa pensée; on peut penser mais tout est possible y compris que ce soit le fond de sa pensée. Là où le doute n’est pas permis c’est quand l’autre a déclaré que la sécurité prime sur la démocratie. Il y a certes cette volonté de durer à un poste qu’aucune élection ne lui aurait permis d’avoir mais la démocratie ne l’intéresse que quand il peut en tirer un bénéficie personnel. Et avec lui, il y a de fortes chances qu’on n’ait pas la sécurité et qu’on perde la démocratie.

« Ils veulent que nous nous taisons, mais nous ne nous tairons pas ». Tout le monde voit bien que la situation est plus que critique. Mais gare à ceux qui oseraient le dire ou même le penser parce qu’il y a des gens qui lisent dans les pensées maintenant. Il ne faut pas critiquer ceux qui nous dirigent. Ils sont sans aucun défaut, ils sont parfaits, comme dirait l’autre, c’est Dieu himself qui leur parlent. Celui qui ose dire le contraire est forcément un agent de la France. Voyons seulement ce qui se passe dans la région de Ménaka. Ces deux jours, un média international a évoqué en boucle la prise de la région de Ménaka par l’EIGS en-dehors de la ville qui constitue une sorte d’enclave où vivent les FAMa, les populations et la Minusma dans une sorte de hantise tous les jours renouvelée. Bien entendu ça la fiche mal. Quand on s’est gargarisé il y a quelques semaines en fêtant notre souveraineté retrouvée avec des leçons modèles à l’appui, on préfère fermer les yeux sur Ménaka. Or, il n’y a rien de nouveau concernant Ménaka. En effet, la zone change juste de « maîtres » dans la mesure où c’est le JNIM de Iyad qui contrôlait cette partie du territoire. Il faut rappeler que depuis le deuxième coup d’Etat ou disons quand Bah Nd’aw a été mis hors de ses prérogatives, l’une des premières décisions prises par les autorités a été d’abandonner toute cette partie des Trois frontières. Cela a créé un appel d’air pour tous les bandits dont l’intention d’avoir un territoire, un califat, rencontre enfin un no man’s land. Mais la présence de Barkhane a longtemps contrarié leurs velléités. Il a suffi qu’au nom de notre souveraineté on mette Barkhane à la porte pour que la zone tombe entre les mains des terroristes et des assassins. Des centaines de populations civiles ont été massacrées. Des milliers de civils ayant tout perdu ont été déplacés. Et cela fait des mois. Les autorités n’en parlent pas et elles ne voudraient pas que d’autres personnes en parlent. Comme motif principal du coup d’Etat initial contre IBK, on nous avait vendu la nécessité de ramener rapidement la sécurité. Force est de reconnaître qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Les localités au centre du pays où il y a un semblant de calme ont dû négocier avec les djihadistes, sans l’Etat. Il serait fastidieux de citer toutes les localités qui sont aujourd’hui sous la coupe des islamistes.

Le jeune capitaine Ibrahima Traoré qui a fait le deuxième coup d’Etat au Burkina Faso, avait demandé d’être jugé sur pièce notamment sur le terrain de la restauration de la sécurité. Il promettait une lutte implacable contre les terroristes. Le bilan n’est pas très fameux. Nous venons d’apprendre qu’il a interdit le port des minijupes et des mini robes aux filles âgées de 12 ans et plus. Pour quelqu’un qui promettait une lutte contre les soutanes longues, se retrouver contre les minijupes, ça ressemble à un comble.

Tiégoum Boubèye Maïga

Source : La Nouvelle République
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