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Justice : l’allergie à la critique cache un malaise profond qui ronge l’appareil judiciaire malien
Publié le vendredi 5 mai 2023  |  La Nouvelle République
Conférence
© aBamako.com par AS
Conférence de presse du procureur du pôle économique et financier
Mamoudou Kassogué, nouveau procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III et procureur du pôle économique et financier de Bamako, a animé une conférence de presse le Jeudi 22 Août 2019, pour dévoiler sa stratégie de lutte contre la corruption.
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Allergiques à la moindre critique sur le dysfonctionnement d’un appareil judiciaire, dont l’équilibre de la balance dans notre pays date sans doute de Mathusalem, les magistrats se sont livrés ces dernières semaines une bataille mettant à nue les profondes divisions nées sans doute d’intérêts divergents. Malheureusement, cela n’engage que nous, l’indépendance de la Justice n’a pas été la principale préoccupation lors de tirs nourris entre les clans de la magistrature malienne.

Plus de 81 % de détenus en détention préventive à la Maison centrale d’arrêt et de Bamako (MCA). Comme le souligne si pertinemment un confrère, l’exception est devenue la règle. Et au même moment, des magistrats sont déterminés à se crêper le chignon reléguant au second plan les vrais problèmes de la justice malienne.

Autant dire que le chemin de la rédemption de notre justice sera très long voire incertain. Et cela parce que ses acteurs sont cachés derrière leur confort personnel, leurs intérêts financiers et politiques. Et, pis, ne souffrant pas de critiques, quelle que soit leur pertinence et leur objectivité, ils brandissent à tout bout de champ le carton rouge de «l’outrage à magistrat» pour faire taire les critiques. Mais, la justice peut-elle ou doit-elle se soustraire aux critiques ? Doit-elle réellement échapper au contrôle du citoyen, donc le justiciable dont la vie peut être sauvée ou compromise à jamais par ses décisions ? La justice peut-elle ou doit-elle rester indépendante de opinion publique ?

Pour des spécialistes, ces questions posent en réalité de multiples problèmes. Dans le cas spécifique malien, il traduit un profond malaise qui ne cesse de creuser un fossé énorme entre le citoyen lambda et l’appareil judiciaire du pays. Ce dernier (le Malien lambda) s’est rarement retrouvé dans une décision de justice, ces trois dernières décennies. Pour un juriste chevronné, «le moins important n’est pas de savoir distinguer entre l’opinion publique et l’attente des citoyens, entre le sentiment diffus de gens excités par la chose judiciaire, souvent dans sa forme criminelle, et le désir profond et légitime dune société impatiente de contrôler l’exercice dune fonction essentielle pour la démocratie».

Ce qui est le plus important c’est que, à l’usage, «la justice accepte plus la dépendance, pourtant discutable, à l’égard de l’opinion publique, quelle ne tolère le droit de regard du citoyen sur l’institution qu’elle incarne». C’est le contraire qui serait souhaitable car privilégierait l’indépendance et, sur le plan politique, exigeant «une relation forte et confiante entre la justice et ceux au nom desquels elle est rendue».

Eviter d’enfermer l’acte juridictionnel dans une forteresse comme pour le préserver des miasmes de la rumeur publique
Pour les spécialistes de la question, il serait aussi intéressant de confier aux médias une «pertinente mission d’intercession» entre le citoyen et la justice. Et cela d’autant plus que, ont-ils prévenu, «prétendre vouloir enfermer l’acte juridictionnel dans une solitude technique absolue, comme dans une forteresse qui le préserverait des miasmes de la rumeur publique, relèverait dune mission impossible». Surtout que, dans son fonctionnement quotidien médiatisé ou non, cette institution est contrainte de baigner dans «la vaste structure du monde et de la société qui lui donne sens et utilité».

Toutefois, cette immersion ne peut la dispenser d’emprunter ses propres chemins pour aboutir à la seule vérité qui lui soit demandée et qui est perçue à différents niveaux comme le socle de son indépendance : celle qui se rapporte au singulier sur lequel elle a en charge de statuer, en toute indépendance ! «Ni aveugle ni sourde, la justice n’a pas à répudier les embarras et les difficultés de sa tâche, dans tous les contentieux qui lui sont soumis, au bénéfice du jugement, dune opinion publique que sa force quantitative ne qualifie en rien», nous rappelle un praticien. Et d’ajouter que, sur le plan judiciaire, «elle se doit d’être indépendante du sentiment collectivement exprimé, en se gardant aussi bien dune adhésion mécanique que dune provocation qui la conduirait à des oppositions paradoxales».

Le plus important, pour de nombreux interlocuteurs, c’est que le magistrat ou son institution puisse percevoir (sans y être contrainte) «l’absolue nécessité de faire du citoyen l’alpha et l’oméga de son action». Et cela d’autant plus, ont-ils argumenté, «sans la satisfaction rapide et efficace des attentes de ce dernier, l’institution de la justice est condamnée à tourner en rond, enivrée par la prétendue perfection formelle de ses démarches juridiques, mais en réalité figée dans un monde qui n’accepte pas d’être soumis au regard de tous».

Ne peut pas percevoir où accepter cela crée un risque d’arrogance et d’abus de pouvoir chez tel ou tel acteur de l’appareil judicaire. Les spécialistes vous rappelleront sans doute ceux qui a été classée «Affaire d’Outreau» (une affaire pénale concernant des faits d’agression sexuelle sur mineurs entre 1997 et 2000 ainsi qu’une affaire d’erreur judicaire liée notamment à une détention provisoire entre 2001 à 2004) et qui a malheureusement illustré les dérives en mettant en exergue le ridicule d’un comportement judiciaire prétendant faire le bonheur des justiciables contre eux-mêmes.

Des errements qui sèment le doute sur les principes sacrés dune justice saine et transparente
Au-delà, a aussi mentionné une source documentaire, «ce qui est infiniment plus choquant, c’est la stupéfaction courroucée du magistrat lorsque l’opinion publique ose le mettre en cause ou questionner la justice sur ses erreurs, ses lenteurs et ses catastrophes».

Cette amère impression que la justice malienne nous donne ces dernières années, ou du moins depuis les arrestations opérées dans le cadre du dossier dit de l’acquisition de l’avion présidentiel des équipements et des équipements militaires. Une affaire dont l’instruction s’éternise curieusement (privant des cadres de leur liberté) et qui a malheureusement coûté la vie à un présumé innocent, Soumeylou Boubèye Maïga !

Au-delà du débat entre magistrats sur la capacité de la Cour suprême a jugé les personnes citées dans cette affaire, il y a beaucoup de zones d’ombre qui suscitent des débats sur la transparence de la procédure et l’impartialité et l’objectivité dans les arrestations. Des accusés civils ont été ou sont derrière les geôles (et on a demandé à deux d’entre eux de payer 500 millions de caution pour leur liberté provisoire). Mais, au même moment, des responsables militaires indexés dans le dossier sont promus à des postes de responsabilité.

A quand le procès pour établir la vérité ? Peu de gens sont prêts à parier sur une tenue rapide à cause de ses implications politiques. En effet, si elle est jugée comme il se doit, cette affaire va mettre à nue la gestion chaotique de l’armée (utilisée comme une vache laitière aux dépens de sa mission hautement stratégique et patriotique) par des officiers et des cadres civils depuis l’avènement de la démocratique.

Et selon nos investigations, le dossier de l’avion présidentiel et des équipements militaires risque de ne devenir qu’une partie visible de l’iceberg. «Si cette affaire est sérieusement instruite et jugée dans la rigueur du droit, la République va exploser car même des morts vont se retrouver interpellés par l’histoire», nous a confié un magistrat à la retraite. Comme certains de ses collègues en activité qui ont ouvertement dénoncé l’attitude de la Cour suprême dans cette affaire, il est convaincu que ce dossier a été ouvert juste pour neutraliser SBM qui en savait trop sur tout le monde et qui pouvait faire plonger et briser la carrière de n’importe qui (militaire, magistrats, technocrates) sil le voulait.

Revenant aux équations posées au début de cet article, les professeurs de droits consultés sont convaincus que les magistrats voire la justice doit «accepter cette contestation et la vivre comme une chance». Et cela d’autant plus qu’il sera de nature à créer un cadre de dialogue «forcément constructif et éclairant entre le juge et le citoyen». A leur avis, cest une condition sine qua non pour sortir le «service public de la justice de sa vanité institutionnelle et de sa médiocrité fonctionnelle».

Moyen d’expression de l’opinion publique pour que sa voix soit reprise et consacrée, les médias sont attendus comme des intercesseurs entre le citoyen qui veut savoir et comprendre, et l’univers judiciaire qui, trop souvent, désire occulter et ne pas expliquer. Et pour les juristes, «cette mission capitale impose une compétence, une rigueur et une lucidité quon ne retrouve pas toujours et dont l’absence conduit à des jugements expéditifs et à des appréciations sommaires».

En effet, le plus souvent, des magistrats sont blâmés et d’autres célébrés en dépit du bon sens. Mais, si le journaliste sait à la fois aussi reconnaître et accepter ses limites (il n’est chargé que de rendre compte) et la grandeur de sa mission (il doit éclairer les citoyens sur ce dont la démocratie a besoin pour vivre pleinement), son rôle ne pourra que grandir dans l’amélioration de cette relation souhaitable et souhaitée entre le secret et la révélation, l’institution et la société.

Et de toutes les manières, chacun (citoyen, journaliste, magistrat) doit toujours avoir à lesprit cette réalité irrévocable : la justice ne sappartient pas tant quelle est rendue au nom des justiciables, des organismes, des institutions Et comme nous la rappelé notre magistrat retraité, «la magistrature ne demeurera un métier respecté que dans la mesure même où, exerçant son légitime pouvoir, elle saura en faire preuve dune manière qui l’honore» !

Moussa Bolly

Source : La Nouvelle République

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