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Méchage: ils ne sont pas qualifiés
Publié le vendredi 16 juin 2023  |  La Nouvelle République
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Il était très en verve le Assimi. A Ségou, il était comme déchaîné. Dans un stade plein à moitié (pour être gentils nous ne disons pas vide à moitié) Assimi Goïta s’est fait plaisir. Lui que certains qualifient de taiseux voire presque muet, il s’est laissé aller. Nous ne voulons désobliger personne, mais les sujets qu’il a abordés sous les applaudissements et les youyous du public ne sont pas à son avantage. Dans un populisme qu’on ne lui connaît pas, il étrenne la liste des sociétés qu’il a sauvées des griffes des prédateurs. « Nous avons trouvé que la vente de la CMDT était presque bouclée, nous avons mis le pied dessus. L’UMPP devait être vendue, or rien que le prix du terrain est inestimable et dépasse le prix de vente estimé, nous avons mis le pied dessus. Nous avons trouvé que le dossier de vente des aéroports était bouclé, nous avons mis le pied dessus. Pour la COMATEX, n’en parlons pas ». A chaque fois, le public applaudit. Lui, pour ne pas bouder son plaisir, marque une petite pause et jette un regard un peu circulaire parce que n’oublions pas que le stade était plein à moitié seulement . Le ton était ferme. Le ton était martial. Le ton était de campagne, de?campagne électorale et pas que pour le référendum. Franchement nous nous demandons encore l’intérêt de telles déclarations dès lors qu’il ne dit pas que c’est illégal ou qu’il ne dénonce pas les indélicats en donnant leur nom. Pour ceux qui auraient tendance à l’oublier ou qui ne le savent pas du tout, nous sommes dans un régime libéral. Les sociétés dont le président Assimi a parlé sont propriétés de l’État. L’État peut décider de vendre tout ou partie de ses parts dès lors qu’il n’a plus les moyens ni techniques, ni financiers d’en assurer la gestion. L’État peut faire appel à des capitaux frais pour renflouer les caisses et améliorer la gestion. C’est valable pour la CMDT comme la COMATEX, l’UMPP et les Aéroports du Mali (dans le cas des Aéroports, il s’agissait d’une mise en concession). Et c’est aussi valable pour les sociétés dont il n’a pas parlé par exemple. Prenons le cas des Chemins de fer. Le spectacle des trains quittant Korofina pour ne plus dépasser Mahina était devenu gênant même pour les supporters fieffés des autorités. Et comme le train refusait de siffler, certains avaient commencé à persiffler sur les réseaux en le comparant à un nos illustres ancêtres qui a mis beaucoup de temps à retrouver ses jambes. Mais l’autre jour, la propagande étant un puissant levier, le train a sifflé, mais pour combien de temps. Tout le monde sait que l’État n’a pas les moyens d’offrir des services de qualité avec l’outil actuel. En faisant appel à des capitaux privés, nous aurons peut-être être des locomotives autres que celles qui semblent tout droit sorties d’un film d’horreur ou qui ressemblent à des reliques de la deuxième guerre mondiale. Ce qui est valable pour les Chemins de fer l’est également pour EDM. Il est clair que l’État qui aujourd’hui propriétaire unique de EDM n’a pas les moyens financiers pour faire face aux défis de l’heure et les défis à venir. En ouvrir le capital pour accueillir des capitaux frais ne ferait d’aucun responsable un apatride.

Ils ne sont pas qualifiés pour parler de certains sujets. Nous pouvons rester sur le registre des sociétés vendues. Nos autorités actuelles adorent parler de souveraineté retrouvée. Elles aiment faire appel à Modibo Kéita. Elles ont volontairement limité leur horizon de grille de lecture aux dernières 30 années, le message subliminal étant que toutes les misères du Mali émanent de la démocratie. Ceux qui nous dirigent aujourd’hui sont les héritiers politiques et biologiques de ceux qui ont fait le coup d’État contre Modibo Kéita. Celui-ci avait doté le Mali de dizaines de sociétés et entreprises d’État et d’industries dans presque tous les domaines. Les putschistes de l’époque les ont vendues les unes après les autres. Sans rendre compte à personne parce que c’était le règne de la baïonnette et de la matraque. Ceux qui ont voulu « vendre » les sociétés sous la démocratie avaient qualité pour cela parce que le peuple les a investis de sa légitimité en votant pour eux. Le peuple a voté et pour le Président de la République et pour les députés. Nous demandons au président Assimi de nous rassurer, ce n’est pas pour mettre le pied sur la vente des sociétés qu’il a fait le double coup d’État. Nous avons encore en mémoire le tout premier discours lu par le colonel Wagué au nom du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP). Grosso modo, il parlait de respect de la Constitution, de l’intégrité du territoire, de l’insécurité, de la mauvaise situation de l’école et de la santé, etc. Sur ces points et sur tous les autres dont nous n’avons pas parlé mais qui figurent dans le discours, il y a à dire et à redire. En faisant un coup d’État, les membres du CNSP ont violé la constitution qui dit clairement que tout coup d’état est un crime imprescriptible. Malgré les astuces et les circonlocutions, c’est bien un coup de force qu’ils ont fait. Qu’ils ne veuillent pas l’assumer ouvertement, c’est leur droit mais les psychanalystes diraient que nous sommes en face d’un acte manqué. L’insécurité s’est métastasée et aujourd’hui même Bamako se trouve dans une situation d’encerclement de fait. Nous n’avons pas besoin de dire que la santé est très mal en point quand on voit les grèves qui paralysent les hôpitaux ; ou parler de l’école quand les bacheliers de l’année dernière ne demandent qu’à démarrer leurs cours de l’année académique 2022-2023 alors même que les nouveaux bacheliers seront connus dans quelques jours. Il aurait été intéressant pour les Maliens de savoir que nos autorités ont mis leurs pieds à Farabougou pour permettre aux populations de vivre dans la dignité; à Kidal pour ne pas donner l’impression qu’il y a deux Mali et que les populations se sentent vraiment maliennes ; à Niono pour que les cultivateurs puissent s’occuper de leurs champs sans la hantise d’être attaqués ou de voir leurs récoltes brûlées après; à Banadiagara, etc. Nous pouvons multiplier les zones à souhait.

Ils ne sont pas qualifiés pour parler du référendum et de la nouvelle constitution. À Ségou, le président Assimi a appelé les Maliens à voter Oui au motif que la nouvelle Constitution est la volonté des Maliens et qu’elle a été écrite par les Maliens exclusivement. Bon, nous lui laissons son argumentaire même s’il semble un peu court. Nous n’évoquerons pas le fait que c’est une recommandation des Assises Nationales de la Réfondation. Personne ne nous dira qu’elles étaient représentatives des Maliens. Mieux, même ceux qui y ont participé ont vu leur recommandation concernant la nouvelle constitution quelque peu travestie. Le président Assimi sait mieux que quiconque que toute la démarche ayant abouti à levant-projet puis au projet de constitution n’a pas été inclusive. C’est lui seul qui a désigné les hommes et les femmes qui ont écrit la constitution. Les commissions qu’il a mises en place pour les deux étapes n’ont rendu compte qu’à lui et à lui seul. Ce, malgré les alertes de ceux qui sont contre la démarche et qui, sur la base de la constitution, estiment qu’il n’a pas qualité pour rédiger une constitution. Et c’est la vérité, Assimi n’est pas élu, il n’est pas président de la République comme stipulé dans la Constitution. Donc il ne peut pas. En le faisant, il opère un passage en force. Ceux qui combattent le projet se fondent majoritairement sur le fait que le socle du processus même est illégal et anticonstitutionnel. Et c’est là que de nombreux Maliens regardent du côté des juridictions saisies pour trancher cette question. La Cour constitutionnelle et la Cour suprême ont été saisies. Les hommes et les femmes qui siègent dans ces deux institutions doivent dire la loi, dire la vérité de la loi. Qu’ils oublient ceux qui les ont nommés ou confirmés ou qui leur ont accordé une prolongation indue, qu’ils disent le droit en invoquant leur droit d’ingratitude. Ils savent mieux que nous la théorie de la séparation des pouvoirs de Montesquieu qui vise à séparer les différentes fonctions de l’État, afin de limiter l’arbitraire: « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Nous osons croire que les juges saisis auront aussi en tête l’article 118 de la Constitution: « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Comme commentaire, nous ajoutons que les militaires n’ont pas pu voter à Kidal le 11 juin dernier et que pour les civils tout porte à croire que le statu quo sera maintenu.

Ils ne sont pas qualifiés, et les Maliens ne sont pas dupes. Ils font semblant d’être avec eux. Mais le réveil pourrait être brutal. Pour le lancement de la campagne référendaire, le camp du OUI a voulu frapper fort en organisant un meeting au stade du 26 Mars. Le flop fut total , total et retentissant. Et il s’est passé ce qui se passe toujours en cas de défaite, on cherche les boucs émissaires à défaut de trouver les coupables. Visiblement ils n’avaient pas tiré les leçons. En effet, lors de la visite du président Assimi à Ségou, ce fut la même chose. Un meeting tiré par les cheveux devait permettre au Président de s’adresser aux Maliens dans l’allégresse et devant une foule des grands jours. Sauf à venir nous dire que c’est pour des raisons de sécurité que la foule a été empêchée de remplir le stade, le spectacle était un peu gênant. Pour faire une sorte de séance de rattrapage, un meeting de clôture annoncé lui aussi géant est prévu aujourd’hui toujours au stade du 26 Mars. Qu’ils n’oublient pas cette phrase de David Swanson, un ingénieur américain : « nous n’avons pas une deuxième chance de faire une bonne première impression ».

Tiégoum Boubèye Maïga

Source : La Nouvelle République
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