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33 ans après le 26 mars 1991 : Les acquis en cause, les acteurs en disgrâce
Publié le lundi 25 mars 2024  |  L’aube
Moussa
© AFP par FRANCOIS ROJON
Moussa Traoré
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Le Mali célèbre, ce mardi, le 26 Mars, dans un contexte toujours marqué par l’insécurité, la vie chère, le pilotage à vue des affaires publiques. Et l’élément majeur de cet anniversaire est la dissolution de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), une des associations du Mouvement démocratique, fer de lance de la lutte héroïque du peuple malien contre la dictature du général Moussa Traoré.

Trente-trois (33) ans après la chute du général Moussa Traoré par une insurrection populaire, le 26 mars 1991, l’enthousiasme de voir un Mali réconcilié avec ses valeurs pour rompre avec les pratiques mafieuses cède sa place aux déceptions. Les nouveaux venus se sont montrés plus royalistes que le roi. Ils passent à la vitesse supérieure en confisquant tout ce qui appartient au peuple à leur seul profit. Quelques années de leur gestion ont largement suffi pour que les hommes avertis comprennent qu’il y a eu tromperie sur la marchandise. Ils ont appliqué à la lettre ce proverbe: ”Ôte-toi de là que je m’y mette”.

Les méthodes qu’ils ont dénoncées dans la clandestinité et à visage découvert et qui ont ruiné notre pays durant le règne du général Moussa Traoré ont été une aubaine pour les soi-disant démocrates. Ils les ont industrialisées pour se donner une cure de santé financière: enrichissement personnel, insolent, méprisant et arrogant. Le marché de gré à gré passe de 10 millions de F CFA à 250 millions de F CFA. Ainsi, ils ouvrent la porte à une corruption généralisée et à la course effrénée à l’argent public. C’est ce tableau du déshonneur que les démocrates sincères et patriotes convaincus affichent dès leur prise de pouvoir le 8 juin 1992.

Ainsi, commence le tripatouillage des textes pour qu’une minorité s’accapare et profite des richesses nationales. Des avantages et privilèges faramineux sont accordés à des politiciens de profession. Des nominations fantaisistes sont faites pour que des parents et des militants accèdent sans peine aux biens publics. Et les résultats n’ont pas tardé à tomber. En 1999, une liste de vingt et un (21) milliardaires, dont seize (16) fonctionnaires et cinq (05) opérateurs économiques, tombe comme un couperet sur la tête de ceux qui considéraient encore les démocrates prédateurs comme des messies. Et bien avant cette date, les scandales politico- financiers éclataient partout et impliquaient les «hommes propres d’hier», dit-on, venus laver les larmes du peuple malien de la punition du long règne du général Moussa Traoré. Ainsi, commença la remise en cause des acquis du peuple malien.

Erigés sur le sang des martyrs des événements douloureux qui ont conduit à chasser le général Moussa Traoré et son parti unique du pouvoir, le 26 mars 1991, les acquis et les attentes sont restés au stade de slogan pour le peuple. Alors qu’au même moment, les démocrates prédateurs se la coulent douce. Ils viennent de réaliser leur rêve. Celui d’accéder au pouvoir à tout prix. Et ce qui importe pour eux maintenant, c’est de faire main basse sur le Trésor public pour que la minorité démocratique rattrape son retard financier et de prestige sur le dos des Maliens qui ont blanchi sous le harnais depuis la dictature imposée à la suite du coup d’État de 1968. Ils aspiraient au Kokadjè (assainissement de la vie publique), gage d’un développement durable. Peine perdue. La victoire du peuple a été confisquée par une horde de voleurs et de prédateurs à la solde de l’impérialisme qui se satisfait de la victoire de ses valets. Peu importe le déroulement des élections.



Choguel Kokalla emboite le pas aux acteurs du Mouvement démocratique

Ironie du sort. Les acteurs du Mouvement démocratique accusent les autres de remettre en cause les acquis du 26- Mars, alors qu’ils ont été les premiers à les piétiner. Ils n’ont jamais su incarner le changement pour que le peuple profite des acquis qu’il a obtenus dans la douleur. Et l’État de droit sur lequel tous les acquis devraient s’appuyer pour l’émergence d’un Mali nouveau n’ont jamais vu le jour. Au contraire, les démocrates ont contribué à affaiblir l’État par une gestion désastreuse des ressources humaines. Et l’homme à la place qu’il faut, un des slogans phares du 26- Mars, a été remplacé par le militantisme, le népotisme, le copinage… Par la suite, ceux qui ont bénéficié de ce raccourci se sont constitués en bandes organisées pour piller de fond en comble les richesses nationales.

Ainsi, la bonne gestion, la lutte contre la corruption, la restauration de l’autorité de l’État sont renvoyées aux calendes grecques. Ce qui a contribué à créer un désordre à tous les niveaux de l’administration publique. Bonjour les dégâts ! L’incivisme, l’indiscipline, l’insouciance, l’impunité sont érigés au rang des valeurs. Résultat: le Malien est devenu qui se moque des lois.

Si aujourd’hui, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga met son pied dans le plat de la remise en cause des acquis de soulèvement populaire de 1991, c’est qu’il emboite le pas aux acteurs de mars 1991. Sinon, s’ils avaient préservé les acquis, personne n’oserait les remettre en cause, à plus forte raison Choguel Kokalla Maïga, le premier bénéficiaire des acquis de l’insurrection populaire qui a eu raison de son mentor le 26 mars 1991.

S’il y avait un acquis à préserver, c’était de tout faire pour que le Mali ne tombe plus dans les mains des militaires. Malheureusement, les démocrates ont travaillé pour cela. Deux (02) coups d’État en pleine démocratie. Et après avoir pris acte de ces crimes contre le peuple malien, ils accompagnent les militaires dans la gestion de la transition. Ils sont les premiers à occuper les postes à responsabilité ou se mettre à genou devant les principes du jour pour qu’on ne relève pas leurs cadres. La mèche étant dite. Le peuple n’a que ses yeux pour pleurer.

Ce complot éventré fait qu’aujourd’hui les acteurs du Mouvement démocratique sont en disgrâce. Et après chaque coup de force, ils sont sur le banc des accusés. Il ne reste plus qu’à faire leur procès. Depuis le coup d’État de 2020, leurs voix sont inaudibles. Ils sont accusés d’être les responsables de la déchéance du Mali. Ils se cherchent désespérément aujourd’hui. À qui la faute ? Leur gestion chaotique.

Cette célébration intervient à un moment où l’insécurité, la vie chère et le pilotage à vue des affaires publiques demeurent encore une préoccupation pour les autorités de la transition. Cette situation d’incertitude, doublée de la dissolution de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), le fer de lance de la lutte héroïque contre la dictature du général Moussa Traoré, se transforme peu à peu en grogne sociale. Il est du devoir de la transition de maintenir le contact avec le peuple pour désamorcer le cocktail explosif qui n’est pas loin d’exploser et dont les ingrédients ont été remis par un Premier ministre, animé de la haine, de la vengeance, de la division et qui a su bâtir sa popularité précaire sur les contre-vérités, la falsification et la déformation de l’histoire politique de notre pays.

À beau mentir qui vint de loin. La roue de l’histoire tourne.

Yoro SOW

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