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La Tanzanie de Julius Kambarage Nyerere : Un carrefour d’échanges pour les dirigeants africains
Publié le mercredi 23 octobre 2013  |  Le Reporter




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La Tanzanie est un immense pays de l’hémisphère Sud couvrant une superficie de 947 087 Km2 avec plus de 44 millions et demi d’habitants, essentiellement composés de Bantous. Elle est située en Afrique de l’Est. Ses frontières naturelles sont l’Océan indien à l’Est, le Kilimandjaro et le lac Victoria au Nord, la rivière Kagera au Nord-Ouest, le lac Tanganyika à l’Ouest, et le fleuve Rovuma au Sud. Elle a des frontières terrestres avec le Kenya et l’Ouganda au Nord ; à l’Ouest avec le Rwanda, le Burundi et la République Démocratique du Congo ; au Sud-ouest avec la Zambie et le Malawi et au Sud, avec le Mozambique.

Ma première découverte fut Dar Es Salaam, ville peuplée de plus de 4 millions d’habitants. Elle a été tout au long des luttes de libération et d’Indépendance du continent africain un carrefour d’échanges entre les dirigeants africains qui s’y rendaient ou qui y résidaient : Edouardo Mondlane et Samora Machel du Mozambique, Agostino Neto et Lucio Lara du Mpla (Angola), Nelson Mandela, Gowon Beki d’Afrique du Sud, Amilcar Cabral de la Guinée-Bissau, Laurent-Desiré Kabila de la République Démocratique du Congo, Sam Nujoma de la Swapo (Namibie).

Le président Modibo Keïta y envoya des instructeurs militaires maliens parmi lesquels un nommé Moussa Traoré pour entraîner des combattants de différents pays. En 1961, il se rendit lui-même auprès de son homologue tanzanien pour lui réaffirmer son engagement pour la libération du continent. Un geste hautement salué par ce dernier qui effectuera, en retour, une visite officielle historique au Mali.


C’est aussi à partir de la Tanzanie qu’Ernesto Che Guevara, avec le soutien actif du président Julius Nyerere, avait organisé son expédition au Congo pour venir soutenir la rébellion dirigée par le Mzee Laurent Désiré Kabila. À son arrivée à Dar Es Salaam, sa présence fut entourée du plus grand secret. Le Che qui était accompagné de deux de ses plus fidèles lieutenants, avait emprunté le swahili pour leur baptême du feu : Victor Dreke s’appelle Moja (chiffre 1 en Swahili), José Martinez Tamayo M’Bili (2) et le Che lui-même Tatù (3). Le 24 avril 1965, accompagné de quatorze combattants cubains tous noirs à l’exception de lui-même, le Che fit la traversée du lac Tanganyika à bord d’une barque à moteur pour accoster à Kibamba dans la région de Fizi-Baraka. Plus tard, d’autres dirigeants s’installeront dans ce pays comme Paul Kagamé, Yoweri Museweni, respectivement président du Rwanda et de l’Ouganda.

Ce pays compte plus de 500.000 réfugiés essentiellement en provenance du Burundi et de la République Démocratique du Congo. Le dernier acte historique d’une grande portée symbolique de la période Nyerere, dont la photo trône dans tous les édifices publics du pays, fut la guerre victorieuse contre le Maréchal Idi Amin Daddah. Après avoir essuyé de lourdes pertes au départ, Nyerere réussit à changer le rapport de force grâce à l’appui chinois et à chasser du pouvoir Idi Amin qui ne supportait plus que la Tanzanie serve de base-arrière à ses opposants. Nyerere s’est aussi activement impliqué dans le règlement du conflit au Burundi dont il était le négociateur désigné par les Nations-unies, les pays des Grands lacs et l’Union africaine.


Julius Nyerere, le Baba Wai Taifo (qui veut dire le père de la Nation), est mort en 1999, mais son souvenir reste gravé dans la mémoire collective des Tanzaniens qui continuent à l’admirer pour son combat pour l’indépendance et l’unité du pays avec le Chama Cha Mapindouzi (le parti de la révolution).


Entre les Piki-Piki (moto-taxis), les Dala-Dala (version bamakoise des Sotramas) et les Bajaj (tricycles importés d’Inde), je découvre un monde bigarré qui grouille comme dans une termitière. Dar Es Salaam est une ville vivante, gaie, élégante et à l’allure imposante. On dirait qu’elle se réveille à minuit ! Elle ne ressemble pas à Dodoma, la capitale qui se trouve à l’intérieur des terres. Ici, c’est le poumon économique, le centre des affaires, la colonne vertébrale du pays. La ville qui a été conçue entre la fin du 19ème et le début du 20ème siècle, croît à une vitesse vertigineuse. Les populations rurales qui quittent les campagnes, viennent s’y entasser massivement. Cependant, les touristes restent très peu dans cette ville. Ils préfèrent se rendre dans le pays profond pour découvrir le parc de Cherengeti, les chutes de N’Gorongoron, le Mont Kilimandjaro ou encore l’île de Zanzibar.


Historiquement, les colonisateurs allemands avaient conçu Dar Es Salaam sur la base d’un schéma raciste d’exclusion, en la classant en trois zones distinctes : la zone Nord-est avec de larges avenues bordées de luxueuses résidences appartenant aux colons ; le centre, occupé par les commerçants venus du sous-continent indien et de l’Ouest, attribué aux populations locales qui sont recluses dans un espace délimité appelé Mnazi Mmoja. Ce quartier était une sorte de cordon sanitaire volontairement érigé pour bloquer toute possibilité de contact avec les populations des deux premières zones et empêcher le métissage.


Après la parenthèse allemande, l’occupation britannique n’a fait que renforcer cette politique de séparation raciale. Au lendemain de l’indépendance, le président Julius Nyerere change progressivement le visage de Dar Es Salaam en engageant une politique d’urbanisation qui consiste à étendre la ville le long de la côte, plutôt que vers l’intérieur des terres et en faisant de Dodoma le centre du pouvoir. Une mission qui n’arrive toujours pas à se concrétiser, car malgré les nombreuses professions de foi, la présidence et les ministères restent à Dar Es Salaam, de même que les ambassades. C’est seulement le Parlement tanzanien qui siège à Dodoma. Dans le Nord-est de la ville, se trouve State House, siège de la présidence de la République. Plus loin, tout au long de Coco Beach, on découvre les quartiers huppés comme Masaki, Oyster Bay ou Adaca Estate. C’est là que vivent les diplomates, les expatriés, les hommes d’affaires et les membres du Gouvernement. Les pieds dans l’eau, à l’ombre des manguiers et des cocotiers, d’insolentes villas cachées par de hauts murs s’étirent dans un décor d’une beauté impressionnante. Des gardés de l’armée font la ronde de manière discrète pour assurer la protection des habitants. La zone a de l’électricité de jour comme de nuit, de l’eau et des parkings soigneusement alignés où l’on gare aisément les rutilantes Mercédès et autres 4X4 qui abondent tant dans la ville.

Les ministères, eux, sont situés dans le centre historique au bord de l’eau entre Sokoine Drive et l’Avenue Samora Machel (ancien président mozambicain).Quant au quartier commercial qui est le cœur de la ville, il n’a pas subi de modifications particulières, à part quelques tours qui surgissent. C’est un architecte tanzanien du nom de Beda Jonathan Amuli qui l’a conçu en 1970. On y voit partout de petites échoppes, une foule d’acheteurs et de revendeurs. Quelques vendeurs à la sauvette qui s’y introduisent, surveillent du coin de l’œil le mouvement de la Police pour ne pas être dépouillés de leurs marchandises et rudement malmenés de surcroît. Ils préfèrent se rendre plus à l’Ouest, au-delà de Mnazi Mmoja, dans le bouillonnant bazar de Kariakoo. L’activité commerciale s’estompe tard dans la nuit, quand l’heure de rentrer à la maison approche. Des scènes de bousculade, comme on n’en voit au Rail Da de Bamako, redoublent d’intensité autour des Dala-Dala et Bajaj. Chacun voulant rejoindre son domicile situé soit au quartier de Sinza, Mlimani City ou encore dans les coins dangereux de Manzese et de Tandale. Le trajet est épuisant et peut prendre plus d’une heure.


Dar Es Salaam s’est donc étendue le long des routes qui s’enfoncent dans le pays profond, sans jamais véritablement franchir le bras de mer qui sépare le centre historique du quartier de Kigamboni dans le Sud-est. Un Ferry assure la traversée, mais ne résout pas fondamentalement la problématique d’une urbanisation harmonieuse de la ville en rapport avec son histoire, ses valeurs culturelles, son mode de vie et ses traditions. C’est pourquoi d’ailleurs, un groupe d’architectes se bat en ce moment pour contrer la destruction programmée de ce qui reste de ce patrimoine architectural riche.


Pour régler l’épineuse question de la surpopulation, les autorités du pays veulent construire une ville moderne afin d’attirer davantage les investisseurs. Cette ville moderne s’appelle Kigamboni City. Un nouveau quartier d’affaires va surgir de terre dans quelques années. C’est une entreprise sud-coréenne, Land and Housing Corporation, qui a conçu ce projet futuriste. La nouvelle ville aura ses luxueux hôtels, ses tours de verre, ses avenues, ses zones industrielles et résidentielles. Pour y parvenir, le gouvernement doit faire déguerpir les populations de Kigamboni. Certes, la terre appartient à l’Etat qui peut à tout moment s’en approprier pour réaliser des programmes sociaux ou des infrastructures, mais, il doit en retour, pour conjurer des conflits sociaux préjudiciables au bon démarrage du projet, imaginer un programme attractif qui consiste à offrir des compensations financières aux familles ou les reloger dans des appartements.

Aujourd’hui, le projet de construction de cette ville moderne reste suspendu à la création de deux ponts enjambant le bras de mer et d’un tunnel. À ce jour, seul un pont est en construction par les Chinois. Mais pour autant, les problèmes de Dar Es Salaam seront-ils réglés ? La réponse viendra sans doute d’un consortium de consultants sollicités à cet effet. Il s’agit de revoir le système de transport en commun, la pénurie d’eau et les nombreuses fosses septiques qui sont rejetées dans la mer. Sans oublier que les effets du réchauffement climatique qui pourraient constituer, à terme, une menace pour certains hôtels situés en bordure de mer.

De Dar Es Salaam, la correspondance particulière de Nouhoum KEÏTA

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