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L’Essor N° 17547 du 31/10/2013

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Kati : ce que l’on sait aujourd’hui sur la mutinerie et les morts
Publié le jeudi 31 octobre 2013  |  L’Essor


© AFP
CAMP DE KATI: l`opération "sanya" neutralise les mutins
Kati, le 03 Octobre 2013 au Camp Soundiata Keita. Une opération conduite par l’état-major général des armées, Dahirou Dembélé a abouti à la neutralisation sans violence des éléments impliqués dans des évènements du lundi dernier au camp Soundiata de Kati


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Trois des cinq corps retrouvés ont été identifiés et si le film de la mutinerie se précise, le mystère plane toujours sur la disparition de quatre militaires. Après s’être maintenu au centre de l’actualité politico-militaire pendant près d’un an et demi, Kati s’impose aujourd’hui au cœur de l’actualité criminelle et judiciaire avec les exécutions sommaires et les disparitions qui ont suivi la mutinerie du 30 septembre dernier. Les rumeurs nombreuses, souvent invérifiables, courent sur les morts et les disparus, tous militaires, des événements de ce début octobre, compliquant d’autant plus les investigations qu’une partie de ceux qui les suscitent sont impliqués plus ou moins gravement et ont intérêt à entretenir la confusion sur ces faits gravissimes. Que sait-on avec certitude ? Au premier chef que 5 cadavres ont été retrouvés, sur lesquels 3 ont été identifiés, et que 4 militaires n’ont plus donné signe de vie depuis la mutinerie. Les 3 morts identifiés sont : l’adjudant-chef Dramane Sissoko, le sergent-chef Ismaël Keïta et le caporal Lassine Keïta. 4 disparus sont officiellement dénombrés : le colonel Youssouf Traoré et 3 sergents-chefs : Ibrahim H. Dicko dit Gandakoy, Siaka Sangaré et M’Pè Goita. L’épisode a aussi fait des blessés dont le plus sérieux est le lieutenant-colonel Mohamed El Habib Diallo, blessé par balles aux jambes par un mutin. En outre, deux des mutins présumés, l’adjudant Ibrahim Sory Berthé et le sergent Abdoulaye Maïga, ont accusé les hommes du général Amadou Aya Sanogo de les avoir séquestrés au domicile du chef de l’ex-junte et de les y avoir torturés. Leur présence en ce lieu a été confirmée par des militaires du camp de l’officier supérieur.

LIGOTE ET DANS UN ETAT PITOYABLE. Hormis le lieutenant-colonel Diallo, toutes les autres victimes et disparus sont des présumés mutins et pour au moins un des morts, l’adjudant-chef Dramane Sissoko, l’enquête met directement en cause des militaires parfaitement identifiés. Différents témoignages recueillis par les enquêteurs militaires établissent en effet que Dramane Sissoko, soupçonné d’être de mèche avec les mutins, a été convoqué pour se disculper à la résidence du général Sanogo, en réalité un camp retranché dans lequel sont postés en permanence plus d’une centaine d’hommes bien armés et des engins blindés. De là, l’adjudant-chef très mal en point, mais sans trace de blessure apparente, a été transporté à la Sécurité d’Etat, puis à la Sécurité militaire. Que lui était-il arrivé pour qu’il soit presque inconscient ? On suppose que redoutant sa force physique et sa supposée expertise dans les arts martiaux, ses geôliers l’auraient neutralisé à l’aide de décharges électriques ou de gaz soporifique.

Quel que soit le moyen utilisé, c’est un Dramane Sissoko ligoté et dans un état pitoyable qui est amené à la Sécurité d’Etat, puis à la Sécurité militaire. Les deux services font remarquer aux quatre militaires qui accompagnent le sous-officier que celui-ci n’est pas en état d’être interrogé, ni incarcéré. Ils leur conseillent de le faire soigner d’urgence. A la Sécurité d’Etat, les geôliers improvisés versent même de l’eau sur leur prisonnier inanimé pour lui faire reprendre conscience et lui ôtent sa chemise et ses chaussures.

N’ayant pu se débarrasser de l’adjudant-chef, le lieutenant qui commande le groupe des gardiens improvisés, décide de revenir à Kati et de remettre Dramane Sissoko à celui qui lui avait confié cette mission, un capitaine, chef d’escorte et officier de sécurité du général Sanogo. Que s’est-il alors passé ? Le capitaine assure que l’homme était déjà mort, qu’il a ordonné que le corps soit déposé à la morgue du CSCOM de Kati et en a informé au moins deux supérieurs. Le capitaine en question semble aussi mêlé à la mort du caporal Lassine Keïta et à la disparition du sergent-chef Siaka Sangaré puisque la liste des affaires confisquées chez le premier et divers documents et un téléphone portable appartenant au second ont été retrouvés dans son véhicule.

INTERROGATIONS SUR LES INSTIGATEURS. La mort violente du caporal Lassine Keïta ne fait aucun doute, car son cadavre enterré à la va-vite par ses assassins non loin de Kati, vers Dougabougou, portait des traces de coups et de larges entailles, notamment à la tête. Ses jambes étaient encore attachées. La mort du sergent-chef Ismaël Keïta aussi a été violente. Il avait visiblement été torturé avant d’être abattu par balles.

Ismaël Keïta, cité parmi les militaires qui ont déclenché la mutinerie, présente la particularité d’être très proche de deux des disparus : le colonel Youssouf Traoré et le sergent-chef Ibrahim H. Dicko dit Gandakoy. Keïta était, en effet, le chauffeur de l’officier tandis que « Gandakoy » faisait office d’aide de camp. Cette proximité suscite des interrogations sur les instigateurs d’une mutinerie aux motivations très matérialistes, dirigée principalement contre le général Sanogo accusé d’accaparer les galons et les subsides. La première ligne des mutinés comportait nombre de proches de Youssouf Traoré, un homme influent dans l’ex-junte, et du capitaine Amadou Konaré, présenté comme le n°2 de l’ex-CNRDRE, mais depuis des mois en froid, sinon en opposition larvée avec Amadou Aya Sanogo. Amadou Konaré, qui a fui Kati dès les premiers moments de la mutinerie, se défend d’en être l’instigateur.

Pourtant, le soldat Moussa Ba Keïta qui a déclenché les hostilités en ouvrant le feu sur le lieutenant-colonel Mohamed El Habib Diallo, est connu pour avoir fait partie du « dispositif » propre de Konaré et avoir même été ordonnance de ce dernier, avant une brouille occasionnée par ce que le soldat présente comme « des promesses non tenues ».

Toujours est-il que le matin du 30 septembre, Moussa Ba Keita est venu réclamer au capitaine Konaré ce qu’il estimait lui être dû. Ayant fait chou blanc, il a juste eu à traverser la Place d’armes pour parvenir aux locaux du Comité de suivi qui abritent nombre d’anciens membres du CNRDRE, tirer une rafale sur El Habib Diallo et le prendre en otage pour contraindre la général Sanogo à venir discuter des primes et des avancements de grade sous peine de se voir attaquer dans l’après-midi.

Retranché dans son périmètre sécurisé, celui-ci a plutôt proposé aux mutins de dépêcher une délégation pour le rencontrer chez lui. Deux officiers qui tentaient une médiation ont joué toute la journée les messagers, faisant la navette entre les deux camps pour rapprocher les points de vue, empêcher l’escalade et sauver l’officier blessé. Pendant ce temps, une autre médiation, menée par les notables de la ville, se fera rembarrer.

LE VENT TOURNE. L’entrevue entre le général Sanogo et 6 délégués des mutins, parmi lesquels Ibrahim H. Dicko dit Gandakoy, a finalement lieu en début de soirée. Les mutins réclament grades, hausse de salaires et l’impunité pour Moussa Ba Keita. Amadou Aya Sanogo exige le désarmement des mutins et conditionne le sort du tireur à celui de sa victime, le lieutenant-colonel Diallo.

La situation n’évoluant pas assez vite aux yeux des mutins qui projetaient aussi de ressusciter « officiellement » la défunte « coordination des sous-officiers et des hommes de rang », ils demandent à rencontrer le ministre de la Défense. Soumeylou Boubèye Maïga qui avait déjà entrepris de mobiliser les troupes qui prendront trois jours plus tard le contrôle du camp de Kati, accepte l’entrevue, car elle lui permet de gagner un temps précieux. La rencontre a lieu en début de nuit au ministère sans que les mutins n’en tirent autre chose qu’une incitation à la patience.

Ils regagnent Kati sans se douter que le vent avait déjà tourné et parfois d’une manière dramatique pour certains d’entre eux. Au matin du 1er octobre, les sergents-chefs Ibrahim H. Dicko dit Gandakoy et M’Pè Goita avaient disparu et restaient injoignables. L’adjudant Ibrahim Sory Berthé a pu, lui, durant la nuit échapper à ce qu’il désigne comme « un escadron de la mort » qui le cherchait. Le caporal Lassine Keita, qui s’était mis à l’abri la première nuit, a ensuite été retrouvé par ses assassins.

Le dossier de ces événements monté par la Sécurité militaire a été transmis au ministère de la Justice puis, semble-t-il, au procureur de la Commune III. Le ministère de la Défense a promis de coopérer pleinement à d’éventuelles enquêtes et de mettre à la disposition de la justice tout militaire qu’elle jugera nécessaire d’entendre. Le temps de l’impunité est bien fini.


Enquête de la Rédaction

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