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Union des Caisses « JEMENI » : Le tribunal de commerce de Bamako ordonne la liquidation
Publié le mardi 26 novembre 2013  |  Le Procès Verbal




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Plongée dans le coma financier depuis trois longues années, l’Union des caisses mutuelles d’épargne et de crédit Jemeni vient d’être liquidée par le tribunal de commerce en son audience du 22 novembre 2013. Que signifie cette décision ? Quelles seront ses conséquences ? Enquête exclusive….

L’Union des caisses mutuelles d’épargne et de crédit Jemeni est une structure coopérative et mutualiste de microfinance dont le siège social se situe dans l’ACI 2000, à Bamako. Avec 50.000 clients et une centaine de caisses locales réparties sur tout le territoire, Jemeni était naguère le deuxième plus grand réseau de microfinance malien, juste derrière Kafo Jiginew.

Partenariat tripartite

Les malheurs de Jemeni commencent en 2009-2010. Dans le cadre de sa politique de soutien à l’éducation, l’Etat encourage l’ouverture d’écoles privées où, chaque année, il oriente des milliers d’élèves issus des écoles publiques. Moyennant la formation de ces élèves, l’Etat paie aux écoles privées des subventions qui varient selon le nombre d’élèves orientés et le niveau académique d’affectation. Comme l’Etat met habituellement du temps à débloquer les subventions et que ce retard menace de tuer le partenariat avec les écoles privées, l’Etat sollicite le concours de Jemeni pour avancer les fonds annuels nécessaires. Jemeni accepte mais elle exige, en garantie, une convention qui oblige l’Etat à verser les subventions scolaires à Jemeni qui, à après avoir prélevé là-dessus son dû, reversera le reliquat aux écoles bénéficiaires.Les parties tombent d’accord; les conventions tripartites (Etat-Jemeni- Ecoles privées) sont signées.Et tout marche sur des roulettes pendant de nombreuses années.

Jemeni trahie par l’Etat

En 2009, patatras ! Jemeni découvre, à sa grande stupeur, que les agents payeurs du trésor public dans de nombreuses localités ont versé, sans passer par elle, les subventions scolaires directement aux écoles privées. Il en coûte à l’entreprise plusieurs milliards de FCFA. Comment réagir ? Attaquer en justice les agents du trésor et l’Etat lui-même? Poursuivre les écoles privées pour violation des conventions ? Sur les conseils de ses administrateurs, qui tiennent à la paix sociale et aux bonnes relations avec l’Etat, le directeur général de Jemeni, à l’époque Ibrahima Keno Traoré, opte pour un règlement à l’amiable avec le ministère des Finances qui, de manière informelle, promet de rembourser à Jemeni ce qui lui est dû et de veiller, à l’avenir, à ne pas payer les subventions directement aux écoles. Comme chacun le sait, les promesses de l’Etat malien n’engagent que ceux qui y croient. Jemeni n’arrivera jamais à récupérer ses sous.

Un malheur ne venant jamais seul, le projet de Jemeni Motors prend eau de toutes parts. Il s’agissait d’importer des véhicules de fabrication iranienne, de les donner en location-vente aux conducteurs de taxis maliens et de développer, par ce biais, une activité de montage et de vente de voitures au Mali. Une affaire industrielle et une grande première. Mais alerté par des indiscrétions sur la situation financière préoccupante de Jemeni, le partenaire iranien se retire d’un projet où Jemeni avait déjà investi des centaines de millions en termes d’études de marché, d’expertises, de commissions et de frais notariés.

Au même moment, le bruit court que Jemeni va bientôt mettre la clé sous le paillasson. On assiste par conséquent à une ruée générale des clients aux guichets pour retirer intégralement leurs dépôts. C’est le pire cauchement pour une entreprise financière. Ses caisses subitement vidées et privée de la main secourable de l’Etat, l’entreprise périclite. Plus personne n’y dépose un franc. Or Jemeni avait, deux ans auparavant, puisé dans les dépôts pour financer son siège flambant neuf de quatre niveaux à l’ACI 2000. Ses charges salariales étaient élevées en raison de sa prospérité. Jemeni perd vite la capacité de restituer leur argent aux petits déposants (ménagères, vendeuses ambulantes, enseignants); quant à ses gros créanciers (BRS, BMS, INPS, Ecobank, etc.), ils accourent eux aussi, attirés par l’odeur du… sang, et demandent à être réglés rubis sur l’ongle. Journellement, des manifestations, parfois violentes, de déposants ruinés se produisent au siège et aux alentours de l’entreprise. Ce que voyant, le ministère des Finances décide de dissoudre les instances de gestion (Conseil d’Administration, Direction Générale, Inspection Générale) et de confier les rênes de Jemeni à un administrateur provisoire nommé par le ministre.

Administration provisoire

Le premier administrateur provisoire, Sadio Samassékou, un cadre détaché de la BNDA, et son successeur, Dominique Traoré, autre cadre de banque détaché au chevet de Jemeni, constatent le paysage de ruines. Malgré les actions initiées pour recouvrer les créances de Jemeni, le dégraissage du personnel, la réduction des salaires et les poursuites pénales lancées contre trois anciens dirigeants de l’entreprise, le diagnostic clinique ne varie point : il faut des liquididés fraîches (au moins 4 milliards de FCFA) pour renflouer Jemeni, assurer les services de guichet, restaurer la confiance du public et reprendre les activités de crédit, seules à même de produire des intérêts et de relancer l’entreprise. L’Etat ne prend pas, hélas, ses responsabilités; il laisse à son sort Jemeni. Le petit milliard de FCFA qu’il débloque après moult tractations sert à peine à désintéresser, tous les 15 jours, quelques-uns des petits déposants. Mais un rémède insuffisant produit le même effet qu’un défaut de rémède.« Si l’Etat avait fait une intervention massive en débloquant les 4 milliards requis, Jemeni aurait retrouvé l’équilibre comme, avant elle, la BIM SA et la BHM SA secourues par l’Etat alors qu’elles se trouvaient dans la tourmente, note un fin connaisseur du dossier; mais l’Etat a cru que Jemeni était une affaire strictement privée et qu’il risquait de s’attirer les foudres du FMI en injectant des fonds publics dans Jemeni. C’était là une grave erreur car, quoique privée, l’entreprise gérait la fortune de 50.000 Maliens et employait un bon millier de Maliens. De plus, elle était la seule entreprise de microfinance à accepter de financer les écoles privées à coups de milliards. C’est dire que Jemeni jouait un rôle éminemment social. Quand une entreprise de cette taille menace de tomber, c’est le devoir de l’Etat de lui venir en aide. Même des pays hautement capitalistes comme les Etats-Unis ont mis de côté leurs théories libérales pour voler financièrement au secours d’entreprises privées (Général Motors, Ford, etc.) qui frôlaient la faillite suite à une crise mondiale. Notre gouvernement, lui, a fait la sourde oreille, au détriment de ses propres intérêts.« . Le putsch du 22 mars 2012 n’arrange rien: il contraint le gouvernement de Transition à serrer à quadruble tour les cordons de la bourse et à consacrer ses maigres ressources aux seules dépenses d’urgence, celles relatives à la guerre, à l’alimentation, à l’électricité et à l’eau courante.
Faute de liquidités, Jemeni se laisse tenter par les propositions de rachat émises par deux partenaires étrangères. La première est une entreprise sénégalaise dénommée CCMAO (Confédération des caisses mutuelles d’Afrique de l’Ouest). Elle s’engage à reprendre Jemeni et à rembourser les déposants à condition que l’Etat malien émette à son profit une lettre de reconfort, c’est-à-dire une sorte de promesse d’accompagnement administratif et politique des investissements qu’elle projette. L’Etat refuse. Quant à l’entreprise américaine « 3B Holdings Corporation », elle se dit prête à reprendre Jemeni et à apurer ses dettes à la condition que l’Etat malien permette à Jemeni d’effectuer des activités bancaires. L’Etat, une fois de plus, ne veut rien entendre. Pourtant, les documents et autorisations qu’on lui demande n’engagent pas ses finances ! La frilosité étatique condamne Jemeni à mort.

Liquidation judiciaire

En août 2012, Jemeni obtient du tribunal de commerce de Bamako une ordonnance de suspension des poursuites individuelles dans le cadre d’une demande de règlement préventif. En vertu de cette ordonnance judiciaire, les créanciers sont tenus d’interrompre leurs actions judiciaires individuelles contre Jemeni en attendant qu’un expert-comptable désigné par le tribunal évalue les possibilités de redressement de l’entreprise. Le rapport de l’expert conclut à une évidence: sans liquidités nouvelles, Jemeni ne peut survivre car elle détient des actifs d’une valeur de 5 milliards de FCFA contre des dettes de 9 milliards et demi. Et puisque l’Etat ne veut rien faire pour l’aider ni encourager des repreneurs à s’y engager, Jemeni n’a aucune possibilité de renaître de ses cendres. Le tribunal de commerce, présidé par Fatoma Théra, décide donc de frapper.

Par jugement en date du vendredi 22 novembre 2013, le tribunal ordonne la liquidation des biens de Jemeni. Il désigne un expert et un magistrat (juge-commissaire) pour récenser et vendre les actifs de l’entreprise en vue de rembourser les dettes qui peuvent l’être.Si le tribunal a ses raisons, force est de reconnaître que tout le monde ne gagnera pas dans l’affaire de liquidation. En effet, quand les liquidateurs auront rassemblé les actifs de Jemeni, ils devront rembourser les créanciers dans l’ordre établi par la loi. Les premiers à être remboursés seront les créanciers hypothécaires (les banques qui détiennent en garantie l’immeuble abritant le siège de Jemeni). La seconde catégorie privilégiée rregroupe les travailleurs de Jemeni, l’Etat (INPS, impôts et autres) et les émoluments des liquidateurs eux-mêmes. Le plus gros cointingent de créanciers, formé des déposants individuels, risque fort de se retrouver le bec dans l’eau. Puisqu’ils sont plus de 40.000 créanciers dans ce lot et qu’aucun d’eux ne comprend un mot des règles juridiques de liquidation, il y a lieu de craindre des émeutes populaires. En ce cas, l’Etat devra leur payer ce qu’il a toujours refusé de payer pour sauver Jemeni...


Tiékorobani

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