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L’Indépendant N° 3400 du 11/12/2013

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Le porte-parole de la CPI Fadi El Abdallah à propos du Charnier de diago » Le bureau du procureur peut se saisir du dossier si le procès n’est pas sérieux ou s’il est fictif»
Publié le mercredi 11 decembre 2013  |  L’Indépendant


© Autre presse par DR
Le porte-parole de la CPI Fadi El Abdallah


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A la faveur d’une formation des journalistes maliens à Abidjan sur la CPI (son mandat et ses opérations) les 7 et 8 décembre derniers, le porte-parole de la juridiction internationale, le Libanais Fadi El Abdallah, s’est prêté aux questions des journalistes. Les questions ont, entre autres, porté sur les enquêtes de la CPI au Mali, l’affaire Sanogo, la levée des mandats d’arrêt contre certains responsables des groupes armés par Bamako et la libération des prisonniers rebelles. S’y ajoute le bras de fer qui oppose les dirigeants africains et la CPI.
L‘Indépendant : Sur quoi portent les enquêtes de la Cour pénale internationale ?

Fadi El Abdallah : Le bureau du procureur suite à la saisine par les autorités maliennes a annoncé l’ouverture d’une enquête. Les enquêtes de la CPI en règle générale portent sur les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et crimes de génocide. En particulier à propos du Mali, le bureau du procureur a indiqué que ces enquêtes porteraient notamment sur les incidents qui auraient pu avoir lieu dans les trois régions du nord. C’était ça la première étape indiquée par le bureau du procureur sur la base de laquelle, il a demandé l’autorisation d’ouvrir une enquête. Et notamment à propos des crimes de guerre consistant en meurtres constitutifs de crimes de guerre, des condamnations et exécutions en dehors de toute procédure régulière sur les incidents de tortures cruelles ainsi que des attaques intentionnellement dirigées contre des objets protégés, de même que des pillages et viols.


Ce sont sur ces éléments que le bureau du procureur a trouvé qu’il y a une base raisonnable pour commencer une enquête. Naturellement, ces éléments ne sont pas nécessairement exhaustifs. Le bureau du procureur après l’ouverture d’une enquête déterminera les crimes les plus graves sur lesquels il entend enquêter. Suivant les éléments de preuve réunis, le procureur demandera aux juges de délivrer des mandats d’arrêt ou des citations à comparaitre pour les personnes suspectées d’être les principaux responsables de ces crimes.


Vous avez ouvert une enquête censée couvrir l’ensemble du territoire national. Très récemment, un charnier a été découvert dans le cercle de Kati, il y a eu des exécutions extrajudiciaires. Quel regard, la CPI jette sur ce cas de figure ?
Fadi El Abdallah : Il y a lieu de rappeler que je ne parle pas au nom du bureau du procureur mais au nom de la cour de la CPI. Le bureau du procureur est un organe indépendant. Donc, je ne suis pas autorisé à parler en son nom. Selon la saisine du Mali, le bureau du procureur a ouvert une enquête sur les crimes qui auraient été commis depuis janvier 2012 sans limitation de temps. Si le procureur estime que certains crimes relèvent de la compétence de la Cour et auraient été commis après ou depuis janvier 2012, il lui revient de décider s’il y a lieu ou non d’ouvrir une enquête en fonction de la nature des crimes.
Est-ce que ce sont des crimes de guerre, des crimes de génocide ou des crimes contre l’humanité. Cela en fonction de la date de leur commission mais également de l’existence ou non de poursuites au niveau national contre les auteurs de ces crimes.


Est-ce -à dire que la CPI n’a aucune opinion sur ces faits graves ?
Comme je viens de le dire, le bureau du procureur est un organe indépendant, le bureau du procureur n’est pas la Cour. La Cour est une institution judiciaire qui peut se déterminer sur des accusations portées par le procureur. Les enquêtes du bureau du procureur ont été lancées. Elles continuent. En fonction des éléments de preuve, le procureur présentera des demandes aux juges pour délivrer des mandats d’arrêt ou des citations à comparaitre.


Une procédure est en cours contre le capitaine général Amadou Haya Sanogo, est-ce que cette procédure est à même d’entraver toute saisine de la CPI ?
La CPI a été saisie, une enquête est ouverte depuis janvier 2012. C’est lorsque le bureau du procureur demande et reçoit de la chambre des mandats d’arrêt ou des citations à comparaitre pour des personnes déterminées que l’on peut se prononcer sur certaines décisions qui pourraient avoir un impact sur les procédures devant la CPI. Nous ne pouvons pas commenter encore cette procédure en cours au Mali. On n’a pas pour habitude de refaire un procès après que les tribunaux nationaux aient rendu leur verdict.


Et si le procès au niveau national ne donnait pas satisfaction, y a-t-il une possibilité de saisine de la CPI pour les victimes?
Si le bureau du procureur constate que le procès n’est pas sérieux et que c’est un procès fictif, il mène ses propres enquêtes et peut se saisir du dossier.


Comment se déroulent précisément ces enquêtes en cours ?
Lorsqu’une enquête est ouverte, le bureau du procureur va d’abord décider sur quels crimes l’enquête portera en fonction de la gravité de ces crimes, de leur nature. Est-ce que ce sont des crimes de génocide, de guerre ou des crimes contre l’humanité et en fonction de l’existence ou non de poursuites au niveau national.


Une fois les crimes déterminés, le bureau se met aussitôt à enquêter. Il réunit les éléments de preuve qui peuvent être de tous ordres et proviennent de diverses sources. Le procureur mène les enquêtes en envoyant des enquêteurs sur le terrain. Il est aussi possible de ne pas envoyer des enquêteurs sur le terrain. Il peut rencontrer des témoins en dehors de la zone où le conflit a eu lieu. Il peut s’agir des témoins oculaires, des experts, ou encore des témoins qui peuvent aussi faire partie des auteurs ou des victimes. Il peut aussi demander des renseignements qui sont à la disposition des autorités locales. Donc, le procureur cherche des informations quelle que soit la source. Mais il n’est pas lié par les résultats, rapports de ces enquêtes. Le procureur est la seule autorité pour décider sur quels éléments de preuve, il entend se baser pour demander des mandats d’arrêt ou des citations à comparaitre. Tout en vérifiant les différents éléments d’information à savoir s’ils sont crédibles. S’ils sont corroborés, il identifie les suspects et demande à la chambre préliminaire des poursuites. C’est aux juges de décider de la crédibilité des éléments de preuve pour ces poursuites.


Que prévoit la CPI pour la réparation des violences physiques ou sexuelles ?
En règle générale, pour qu’une personne soit condamnée, il y a tout un processus à suivre. Si après procès, les juges estiment qu’il n’y a aucun doute sur la culpabilité de l’intéressé, c’est seulement en ce moment là qu’on peut commencer à penser à la question de réparation. Les réparations peuvent être de nature financière, matérielle ou symbolique. Elles peuvent être individuelles comme elles peuvent être collectives. Au niveau de la chambre préliminaire on prévoit d’engager un débat au niveau national afin que la société, la communauté affectée, les victimes elles-mêmes informent les juges de ce qu’elles considèrent comme les meilleures mesures de réparation. On peut imaginer beaucoup de mesures de réparations y compris pour des personnes qui auraient subi des violences sexuelles, des viols ou grossesses non désirées. J’insiste sur le fait qu’il est important d’écouter d’abord les victimes avant de décider des mesures de réparation.


Les rapports entre les dirigeants africains et la CPI sont de plus en plus tendus. On rapproche à la CPI un acharnement sur les Africains, à l’avenir beaucoup de pays ne vont-ils pas se retirer de cette juridiction internationale ?
C’est un droit souverain pour chaque Etat membre du statut de Rome de se retirer de la CPI s’il le décide. C’est son droit en tant qu’Etat souverain. C’est réglementé dans le statut de Rome qui dit qu’un retrait du statut n’a d’effet que pour le futur et n’entre en vigueur qu’un an après que le retrait est notifié au Secrétaire général de l’ONU et non pas avant. Cela signifie que c’est tout à fait son droit mais cela n’a aucun impact sur les affaires déjà en cours devant la CPI, ni aux obligations de tout Etat partie de coopérer avec la CPI concernant les affaires déjà en cours.


Une telle décision n’a d’autre effet que de priver la CPI de porter assistance aux victimes. Je ne crois pas que c’est le message que les autorités politiques de n’importe quel Etat aimeraient communiquer à leurs populations. Pour ce qui concerne l’Afrique, il n’y a pas une décision concernant le retrait du statut de Rome ni au niveau des Etats, ni au niveau de l’union africaine. Je crois que nous avons une divergence de vue sur certaines affaires déterminées. Les Etats partie du statut de Rome, l’Union africaine, et la CPI partagent les mêmes valeurs qui sont la lutte contre l’impunité, la protection des victimes et la conviction ferme qu’on ne peut pas parler d’une vraie réconciliation, d’une paix durable sans que la justice ne soit rendue aux victimes. C’est sur la base de ces valeurs communes que nous continuerons la coopération et nous espérons que cette coopération sera plus solide dans le futur.


Quelles sont les difficultés que le bureau du procureur rencontre dans le cas du Mali ?
Je crains de ne pas pouvoir vous répondre sur cette question. Les enquêtes sont confidentielles.
Les populations du nord ont subi des viols, des amputations, des lapidations, pendant combien de temps, ces populations vont attendre pour que justice leur soit rendue. Doit-on réellement continuer à croire à la CPI ?

Dans chaque pays, il y a des défis spécifiques. Dans certains cas, des éléments de preuve ont été rapidement réunis, dans d’autres cas, il a fallu du temps avant que les éléments soient réunis. Ça dépend de la nature des crimes, de la situation sécuritaire et politique. Il faut examiner cela au cas par cas. Le procureur ne traine pas dans ses enquêtes. Nous ne parlons pas du crime ordinaire, il s’agit des crimes de masse, des crimes suffisamment graves de façon à ce que la CPI doit intervenir. Donc, c’est le niveau et l’ampleur des preuves qui sont requises avant que le procureur ne présente une demande à la chambre préliminaire. Il ne faut pas attendre de la CPI, le même rythme que celui exercé par la justice locale. Parce que les critères appliqués sont différents, la nature des crimes est aussi différente. Il faut que la population croit à l’impartialité des juges de la CPI, du bureau du procureur.

La CPI est là pour rendre justice mais son rythme n’est pas celui des medias et des hommes politiques.
La justice doit suivre son propre rythme afin de s’assurer que la procédure sera équitable dans l’intérêt non pas seulement de la défense mais dans l’intérêt aussi des victimes.
Sur le même sujet, il n’y a pas très longtemps le gouvernement malien a libéré des prisonniers et levé les mandats d’arrêt lancés contre certains responsables des groupes armés du nord. Quelle appréciation faites-vous de cette décision ? Est-ce qu’une telle décision n’enfreint pas toute procédure de la CPI ?

La CPI de façon générale ne se prononce pas sur les décisions relevant de la justice nationale ou de la vie politique au niveau national. C’est uniquement si la CPI avait délivré un mandat d’arrêt international ou une citation à comparaitre qu’elle s’intéresse aux personnes contre lesquelles un mandat d’arrêt ou une citation à comparaitre ont été délivrés. C’est en ce moment qu’on pourrait examiner l’impact des décisions prises au plan national sur la procédure devant la CPI. Mais en l’état actuel, il n’y a pas encore eu rien de tel, les enquêtes sont en cours et n’ont rien à voir avec celles des autorités locales.

Réalisé par Abdoulaye DIARRA

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