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L’Indépendant N° 3429 du 31/1/2014

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Le président par intérim du PDES, Amadou Abdoulaye Diallo à propos d’une éventuelle inculpation d’ATT pour » haute trahison » : « L’union sacrée, qui se construisait autour du président IBK, s’est évanouie ».
Publié le vendredi 31 janvier 2014  |  L’Indépendant




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Depuis le coup d’Etat du 22 mars 2012, suivi du départ en exil du président du PDES, Ahmed Diané Séméga, aucun dirigeant du parti n’avait cru devoir s’exprimer dans les médias. Quand on sait que les responsables de cette formation politique étaient tous plus ou moins des personnalités proches du président déchu ATT, le silence de cimetière qu’ils continuaient d’entretenir avait fini par susciter moult interrogations. Cela, de la part d’une opinion publique plutôt habituée aux revirements spectaculaires. Mais, depuis la saisine par le gouvernement de l’Assemblée Nationale pour actionner la Haute Cour de Justice contre l’ancien président de la République, celui qui fait désormais office de président par intérim du PDES, l’ancien ministre Amadou Abdoulaye Diallo, a accepté de répondre à nos questions.
L’’Indépendant : Depuis le coup d’Etat de mars 2012, les dirigeants du PDES observent un silence de cimetière. L’ex-président du parti, Ahmed Diané Séméga, avait lui aussi suivi le mentor ATT dans son exil dakarois. Les autorités actuelles viennent de demander à l’Assemblée Nationale d’actionner la Haute Cour de Justice en vue de faire comparaître devant elle l’ancien président de la République pour » haute trahison « . Après cela, le PDES n’a pas réagi. Y a-t-il une raison à cela ?
Amadou Abdoulaye Diallo : Il faut rappeler que le coup d’Etat, d’après notre Constitution, est un crime imprescriptible. Rien ne justifie le coup d’Etat. Surtout que nous étions à quelques encablures des élections générales et que l’ex-président ne se représentait pas. Ceci dit, après le communiqué du gouvernement relatif à une éventuelle saisine de la Haute Cour de Justice, le PDES a bien réagi. Il a publié un communiqué par voie de presse pour exprimer sa surprise et sa désapprobation. Nous considérons la saisine non seulement inopportune mais injustifiée.
Pourquoi est-elle inopportune ? Vous savez, aujourd’hui, le problème numéro un du Mali, c’est la situation de la région de Kidal. Où il faut nécessairement que la souveraineté nationale s’exerce. Et nous savons tous que les négociations sont au point mort. Compte tenu de leur complexité et des enjeux qu’elles recouvrent, le président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta a besoin d’une union sacrée autour de sa personne pour être en position de force. Tous les Maliens aujourd’hui, sur l’ensemble du pays, doivent se souder comme un seul homme sur lequel le président de la République et le gouvernement doivent s’appuyer pour mener ces négociations. Avec cette saisine, cette union sacrée s’est évanouie, s’est brisée.
C’est pourquoi nous disons que cette saisine est inopportune. Pourquoi, elle est aussi injustifiée ? Parce que la résurgence de l’irrédentisme de quelques Touaregs a servi de marchepied à l’invasion de notre pays par une horde de criminels qui prétendent mener un jihad à l’échelle planétaire. Cette horde a des capacités militaires de vaincre n’importe quelle armée des pays de la bande sahélo-saharienne prise isolement. C’est pourquoi, le Président ATT, pendant tout son second mandat, a appelé la communauté internationale à concevoir, planifier et mettre en œuvre une riposte globale. Hélas ! Il a fallu attendre que cette horde envahisse Konna pour que la solution préconisée par le Président ATT cinq ans auparavant soit enfin adoptée dans l’urgence. Or, en planification stratégique, quand il est urgent, il est déjà tard. C’est pourquoi nous disons que cette saisine est injustifiée.
Avez-vous des nouvelles d’ATT ?
Bien sûr. Le parti a ses nouvelles. Les responsables du parti également ont de ses nouvelles. Vous savez, l’exil est difficile. Même doré il est invivable. Mieux vaut vivre dans sa case chez soi que dans un palais doré en exil. Chacun de vous peut imaginer les conditions morales dans lesquelles l’ancien président Amadou Toumani Touré vit. Comme si l’exil en soi ne suffisait pas, il y a eu cette saisine par laquelle le gouvernement demande à l’Assemblée Nationale d’ouvrir une éventuelle information judiciaire en l’encontre du président ATT pour » haute trahison « . C’est quelque chose que je regrette personnellement. Vraiment, c’est léger ce qu’on reproche à l’ancien président de la République. Vous allez voir la difficulté à établir des éléments de preuve. Mais ce qui est encore plus regrettable, c’est qu’on considère la presse nationale comme une source de droit. Que cache vraiment l’intention de ceux qui ont rédigé ce document adressé à l’Assemblée Nationale. L’union sacrée qui devait être autour du président IBK a été fissurée voire brisée. Et si cette saisine devrait prospérer, je vous assure que tous les présidents qui vont se succéder en République du Mali répondront soit devant la Haute Cour de Justice (HCJ) soit devant la Cour Pénale Internationale (CPI). Pourquoi ? Si la CPI considère que vous vous êtes comporté correctement, il sera tout à fait loisible au plan intérieur de convoquer la Haute Cour de Justice pour dire que vous n’avez rien fait. Et quand ce n’est pas ce scénario, c’est le scénario inverse. Cela signifie que tout président qui sera élu dans notre pays sera condamné soit à être traduit en justice devant la HCJ soit devant la CPI. Et, dans les deux hypothèses, c’est regrettable. C’est pour cette raison que je dis que cette procédure ne doit pas prospérer. Elle crée une insécurité au niveau de la première institution de notre pays qui est l’institution « président de la République « .


Certains pensent que le PDES doit se sentir responsable dans le pourrissement de la situation qui a précédé la chute du régime d’ATT. Partagez-vous cette appréciation ?
Je crois que les termes dans lesquelles vous avez libellé votre question ne me semblent pas correspondre à la réalité. Parce que nous ne nous reprochons absolument rien du tout. De 2002 au 21 mars 2012, date du coup d’Etat, je pense que le travail qui a été réalisé par les gouvernements successifs du président Amadou Toumani Touré, est un travail de qualité qui a été salué par l’ensemble de la communauté nationale et l’ensemble des partenaires techniques et financiers du Mali.

C’est dire que vous assumez le bilan d’ATT…
Absolument. Nous en sommes extrêmement fiers. Dans quelques années, vous allez vous rendre compte que les dix ans que le président ATT a passés au pouvoir sont les dix meilleures années que la République du Mali a connues depuis son indépendance. Si vous comparez ce qui a été réalisé pendant les dix ans de mandat du président ATT avec n’importe quelle période décennale antérieure, la différence est frappante. Nous sommes extrêmement fiers d’avoir appartenu au gouvernement d’ATT.
Je vais vous rappeler quelques repères. Pendant cette période décennale, à part la première année qui est celle du déclenchement de la crise en Côte d’Ivoire et qui a fortement impacté notre économie, toutes les autres années, nous avons eu des taux de croissance économiques positifs, de l’ordre de 5% en moyenne. Et, les dernières années d’ailleurs, nous avons été les premiers parmi les pays membres de l’UEMOA du point de vue de l’importance du taux de croissance économique. Pendant cette décennie, le Mali a eu un taux de croissance économique supérieur à la moyenne des pays membres de l’UEMOA, supérieur à la moyenne des pays membres de la CEDEAO, supérieur à la moyenne des pays membres de l’Union Africaine. Sur le plan international, nous avons eu des taux de croissance supérieurs à la moyenne mondiale observée. Et pour vérifier ces affirmations, je vous renvoie aux différents rapports du Fonds Monétaire International (FMI).

Cela n’a pas été ressenti sur le panier de la ménagère….
Le second point, c’est qu’on a eu les taux d’inflation les plus bas de la sous-région. Je dois vous faire observer qu’il y a des produits de consommation courante, à savoir le riz, le sucre, l’huile, le lait, les produits pétroliers dont le gaz, dont nous surveillions en permanence l’évolution des prix, de façon concertée avec les partenaires sociaux dans le cadre de ce que nous avons appelé le Conseil National des Prix. Et, curieusement, nous avions des prix plus bas que ceux pratiqués par le Sénégal et la Côte d’Ivoire alors que nos produits de consommation transitent par les ports de Dakar et d’Abidjan. C’est vous dire à quel point nous avions su prendre des mesures de subvention à la consommation, soit de la subvention directe soit de la subvention indirecte.
Alors si je fais la somme de tout cela, je peux vous assurer que nous avons eu les taux d’inflation les plus bas. Toujours au plan macroéconomique, sur les huit objectifs de l’OMD, le Mali fait partie des rares pays à avoir atteint certains. Ou à être sur un trend permettant en 2015 de les atteindre. Si, toutefois, les pays donateurs respectent leurs engagements de consacrer 0,7% de leur PNB à l’aide publique au développement (APD). Ce qui n’a pas été observé jusque-là.
Nous avons atteint ces résultats parce nous avons réalisé un programme d’investissement assez important dans les secteurs de l’eau, des routes, des transports d’une façon générale, de l’énergie, des télécoms, du développement des ressources humaines notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation. Nous avons aussi conduit beaucoup de réformes dans le domaine de l’amélioration du cadre des affaires. C’est pourquoi en 2010, le Mali a fait partie du Top ten, c’est-à-dire les dix pays les plus réformateurs du monde en termes d’amélioration de l’environnement des affaires. Je renvoie les lecteurs qui le désirent au Rapport Doing Business 2010 de la Banque Mondiale.
La corruption et la délinquance financière se sont amplifiées pendant la même période. N’est-ce pas ?
Sur le plan de la corruption, nous avons fait aussi des réformes. Souvenez-vous que le Bureau du Vérificateur Général (BVG) a été installé par le président Amadou Toumani Touré. Moi-même, j’ai été à l’époque Conseiller économique du président de la République mais je travaillais dans un organisme international, et chaque fois que je partais dans un pays où il existe cette institution, comme au Rwanda ou en Ouganda, j’ai pris de la documentation pour nourrir la réflexion à l’effet de mettre en place le BVG dans notre pays. Parce que c’est une institution qui est de culture anglo-saxonne alors que notre arsenal législatif et réglementaire ne prévoit pas l’existence d’une telle structure. Mais par la volonté politique du président ATT, le BVG a été installé.
Par ailleurs, vous vous souvenez de tous les efforts qui ont été fournis dans le cadre de la réforme du contrôle des services publics. Ce qu’on appelait à l’époque le Contrôle d’Etat. Ensuite, il y a eu la réforme au niveau de la CASCA(Cellule d’appui aux structures de contrôle de l’Administration, ndlr). Il y a eu une amélioration des relations entre la CASCA d’une part,le Contrôle Général des Services Publics (CGSP) et les inspections au niveau des départements ministériels, d’autre part. Toutes ces structures de contrôle ont vu leurs moyens juridiques renforcés et c’est pour cette raison que le Bureau du Vérificateur Général peut aujourd’hui saisir directement le Procureur général. Ce qui n’était pas consacré au départ.
En plus du renforcement juridique des structures de contrôle et d’inspection, il eut une augmentation plus significative des ressources budgétaires qui leur ont été allouées ; une amélioration de leur cadre de travail, notamment par l’édification de bureaux fonctionnels et la sécurité juridique et pécuniaire des cadres qui y travaillent. Le même effort a été consenti à l’Administration Judiciaire en vue d’accroître son efficacité et son efficience. Au même moment, les gouvernements du Président ATT a mené la réforme des marchés publics à la faveur de laquelle fut créée une Autorité indépendante (Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public – CRD/ARMDS, ndlr).Dire donc que le régime d’ATT a croisé les bras face au phénomène de la corruption est une contre-vérité. Aucun Gouvernement n’a fait autant que nous. Aucun pays n’a fait autant que le Mali de 2002 au 21 mars 2012.
Mais la justice n’a pas suivi …
Ah si ! Ah si ! Mais avec moins de tapage…
Pensez-vous que le régime actuel ne pourra pas faire mieux qu’ATT ?
Laissons le temps au temps. Moi, je sais tout l’effort que nous avons déployé. Et vous avez pu constater vous-même que le président ATT, vers la fin de son mandat, était physiquement épuisé tellement il a fait don de sa personne à notre pays.
Revenons au PDES qui traverse une crise depuis la fin du régime d’ATT. Votre parti pourra-t-il se relever quand on sait que plusieurs de ses cadres sont partis se réfugier au sein du parti présidentiel dans l’espoir d’assouvir plus facilement leurs ambitions personnelles ?
Je n’appelle pas cela une crise. Vous savez, la nature des hommes ne changera pas. Autour d’une personne qui est au pouvoir, il y a ceux qui ont une démarche sincère, qui veulent servir l’Etat. Mais il y a aussi les opportunistes de tout acabit qui gravitent également. A la moindre des difficultés, ceux-ci vont prendre le large. C’est la nature humaine. Cela n’est pas spécifique au Mali ni à cette époque.
La société humaine est ainsi faite. Je ne pense pas qu’il y a réellement une crise au PDES. Compte tenu de la situation conjoncturelle aujourd’hui, il a fallu à chacun des partis de l’échiquier politique de déterminer sa position. Soit d’appartenir à la majorité présidentielle, soit à l’opposition.
En ce qui concerne le PDES, nous avons eu de la difficulté à prendre la décision parce que chacun projette ses intérêts personnels. Mais, au fil des débats et des échanges, il est apparu évident pour chacun et tous que notre place naturelle, la place où nous pouvons préserver notre honneur et notre dignité, c’est l’opposition républicaine. Et c’est à l’unanimité et par acclamation que la décision a été prise de positionner le PDES dans l’opposition républicaine. Ce n’est pas par bravade mais parce que c’est là notre place. Nous pensons que nous pouvons contribuer à l’essor de notre pays en étant dans cette position sur l’échiquier politique national.
Le président Ahmed Diané Séméga partage-t-il ce positionnement du parti dans l’opposition ?
Absolument.
Est-il toujours le président du parti ?
Absolument.
Il semble que vos trois députés ne partagent pas la même position que la direction du parti. Qu’en est-il ?
Je dois d’abord préciser que, dans le principe, la ligne politique du parti est définie par la direction du parti, c’est-à-dire le Comité Directeur National. Et l’ensemble des responsables du parti, à quelque niveau qu’ils soient, doivent s’y conformer. Y compris les députés. Ce n’est donc pas aux députés d’en imposer à la direction du parti. Mais c’est plutôt à la direction du parti de prendre une décision à laquelle les députés doivent se conformer. Dans la procédure de maturation de la décision, il faut naturellement engager des débats au cours desquels tous les membres du parti, y compris les députés, peuvent exprimer leurs opinions. C’est se fondant sur l’ensemble de ces avis que la direction du parti prend une décision. Ça, c’est sur le plan des principes et de nos textes.
Et dans les faits ?
Hélas ! Les députés que nous avons sont au nombre de trois seulement. Un qui a été élu à Kayes, un à Douentza et un à Ansongo. Il est vrai qu’au cours des débats, c’est le député élu à Ansongo qui, de prime abord et de façon inconditionnelle, a dit qu’il s’aligne derrière la position du parti et cela quelle que soit cette position. Cela a le mérite de la clarté et du respect inconditionnel de nos textes et des règles de fonctionnement d’un parti normal.
Maintenant, le député de Douentza a bien précisé qu’il est PDES et qu’il ne se sortirait jamais du PDES. Toutefois, compte tenu de certaines réalités locales, il a beaucoup de gêne voire de l’embarras à aller dans l’opposition républicaine. Parce que pendant les élections, le RPM et certains alliés du RPM, en particulier l’ADEMA, l’ont beaucoup assisté. Il se dit redevable à ces partis. Mais je pense qu’il va revenir.
Quant au député élu à Kayes, il est dans une autre démarche tout à fait singulière, qui est très gênante. Vous me permettrez vraiment de ne pas m’étendre là-dessus, mais je ne désespère pas que le parti va le récupérer. Je n’ai pas connaissance qu’il ait démissionné du parti. Sinon j’aurais reçu sa lettre de démission.
En tant qu’élu du PDES, je ne crois pas qu’une autre formation l’accepte dans son groupe sans qu’il n’ait déposé une lettre de démission du PDES. Ce qui n’a pas été fait. Je considère que les trois députés PDES sont dans le giron de notre parti.
N’étant pas en mesure de créer un groupe parlementaire, vous serez des non-inscrits ?
Premièrement, nous sommes dans l’opposition républicaine. Cela est clair et net. Nous allons voir dans les jours à venir ce qui va se passer. Nous savons déjà que l’URD est dans l’opposition républicaine. C’est la deuxième force politique de l’échiquier du point du nombre de députés. C’est d’ailleurs ce qui fait jouer à son leader, Soumaïla Cissé, la responsabilité naturelle d’être le chef de l’opposition. Nous le félicitons pour cela. Il y a le PARENA qui est aussi dans l’opposition, le PDES naturellement et il est possible qu’il y ait d’autres formations dans l’opposition. Nous allons voir car il y a assez de turbulences en ce moment au niveau des familles politiques. Toujours est-il que pendant cette première session de l’Assemblée Nationale, il y aura une clarification et nous allons voir.
S’il y a la possibilité arithmétique de faire un second groupe parlementaire de l’opposition, c’est tant mieux. S’il n’y a pas cette possibilité, nous prenons la seule option qui nous reste. C’est que l’ensemble des députés de l’opposition constituent un groupe parlementaire.
Avez-vous les nouvelles de l’Assemblée Nationale ? Comment se passent les débats ?
Nous avons entendu dire que même au niveau du RPM, M.BokaryTreta, qui a un talent immense, s’est découvert aussi la capacité d’être un stratigraphe. Pour dire, même au niveau du RPM, ceux-ci sont venus les premiers, les autres sont venus après, ainsi de suite. Moins on est ancien, moins on doit être privilégié. C’est de la stratigraphie politique, il en est spécialiste. Je lui laisse la responsabilité de faire ce qu’il fait. Mais si déjà au niveau même du RPM, il y a de telles considérations,que pensez-vous des autres partis alliés qui sont dans la majorité ? Et qui commencent déjà à mâcher du sable entre les dents. Et nous autres alors ? C’est là quelque chose qu’il faut noter pour la regretter, pour la déplorer. Parce que notre pays est dans une situation très difficile, on peut même dire que nous avons les genoux à terre.
Vous voulez dire que le parti présidentiel est trop gourmand ?
Je trouve que les responsables RPM qui s’expriment laissent penser que leur culture politique est une culture politique de parti-Etat. Et ça c’est regrettable. Nous sommes quand même dans une démocratie multipartisane. Il faut accepter la différence.
Depuis cinq mois, IBK est aux affaires. Que pensez-vous de sa gestion ? A-t-il engrangé des résultats ?
Cinq mois, c’est trop peu pour fonder une analyse objective. On peut donner des appréciations factuelles sur certaines décisions qui ont été prises. La première chose, par rapport à Kidal, j’ai l’impression qu’il y a une panne dans les négociations.
J’ai le sentiment qu’il y a une incompréhension entre, d’une part les autorités maliennes, d’autre part, la médiation de la CEDEAO dont le président en exercice, le président Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire, et le médiateur attitré, le président Blaise Compaoré du Burkina Faso, avec en second le président du Nigéria, Goodluck Jonathan. Il y a une incompréhension d’abord sur le principe même des négociations, ensuite sur les modalités pratiques des négociations.
On a aussi l’impression que l’option des nouvelles autorités maliennes, c’est de remettre dans la négociation un pays comme l’Algérie et peut-être même la Mauritanie. Mais ce qui est une bonne chose, c’est que l’accord intérimaire de Ouagadougou doit être respecté. Il faut rester dans cet accord intérimaire grâce auquel on a pu tenir les élections.
Il y aura bientôt une nouvelle équipe gouvernementale. Quelles appréciations faites-vous de l’équipe actuelle du Premier ministre, Oumar Tatam Ly ?
Par rapport à la composition de ce gouvernement nous le savons pléthorique avec une mauvaise architecture et c’est pour cette raison du reste que le décret portant répartition des services publics entre les différents départements ministériels a été repris plusieurs fois. Et cela tellement il y a des chevauchements d’attributions, de compétences. Imaginez, pour vous l’illustrer, les attributions du ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Commerce que j’assumais seul en 2008 sont aujourd’hui réparties entre cinq ministères, à savoir Economie et Finances ; Plan et Prospective ; Industrie et Mines ; Commerce ; Investissements et Promotion du Secteur Privé.
De toute évidence, il y a un besoin de rationalité et de cohérence de l’architecture du Gouvernement. En outre les Conseils de ministres ne se tiennent pas avec la sacro-sainte régularité que les Maliens connaissent depuis toujours. En lisant les communiqués qui en sortent, à part les mesures individuelles, l’ordre du jour est bien maigre et l’on se rend compte que cela n’est pas susceptible d’impulser la relance de l’économie.
Pour le prochain gouvernement, je présage, si l’on s’en tient aux propos du président de la République lors de la présentation des vœux, que le Premier ministre sera confirmé dans ses fonctions et qu’il va proposer une nouvelle équipe. Je voudrais recommander à Monsieur le Premier ministre de tenir compte que nous devons, dans le cadre de la loi de programmation militaire, faire beaucoup d’efforts financiers en direction des forces de défense et de sécurité. De ce fait, il nous faut une équipe beaucoup plus resserrée.
Combien faudrait-il de ministres selon vous ?
Une vingtaine de portefeuilles, ça suffit largement. D’autre part, c’est vrai qu’il faut maintenir la dose juvénile, mais j’ai l’impression qu’avec l’équipe actuelle on est parti dans des doses infantiles. Il y a quand même des ministres extrêmement jeunes, sans expérience avérée et qui ne connaissent pas l’administration d’Etat ni le pays.
Le gouvernement, ce n’est pas pour apprendre ; c’est pour travailler, surtout dans un pays en crise. Si vous les envoyez à Diondiori et que vous leur donniez une lampe tempête, ils ne savent même pas comment l’allumer parce qu’ils ne s’en sont jamais servis. Vous leur montrez un puits, pour dire prenez de l’eau dedans, ils ne savent pas puiser.
Ces ministres ne connaissent pas la différence entre une ordonnance et une loi. Ou bien comment traduire en décisions opérationnelles une volonté politique exprimée par le président de la République. 99, 99% des jeunes du même âge qu’eux, qui ont des références académiques comparables, qui ont la même ancienneté professionnelle, mais qui n’ont pas de pedigree familial particulier, sont à peine des chefs de section dans les Administrations publiques. C’est quand même troublant. De temps à autre, un coup de pouce, OUI. Mais tout le temps, des coups de grue. NON. Il nous faut un gouvernement digne de ce nom, digne d’un pays qui est en crise.
Quelles analyses faites-vous de la situation économique de notre pays?
Ce qui est sûr, nous sommes dans une crise mondiale. Les pays membres de l’OCDE, qui sont nos principaux partenaires commerciaux, sont en crise. Rares parmi eux sont ceux qui affichent un taux de croissance de 1%. Dans ces dernières notes, le FMI craint même une déflation dans certains pays membres de l’OCDE. Ce qui est quand même très grave. Cela signifie qu’il y a une crise économique internationale.
A l’intérieur du pays, nousfaisons face également à une crise, à savoir la dette intérieure qui est colossale. On n’est pas parvenu encore à dégoupiller ça.
Quel est le sort des 3 milliards d’euros promis par la communauté internationale ?
Je pense que nous devons recourir à des professionnels pour faire en sorte que ces intentions de financement puissent se concrétiser. On a besoin de ces montants pour irriguer l’économie nationale d’argent frais.
Parlant de l’ancien président de la République, qui est le parrain du PDES, est-il prêt à revenir au bercail pour répondre éventuellement devant la Haute Cour de Justice?
J’espère que le président Ibrahim Boubacar Kéïta, homme d’expérience qu’il est, homme de sagesse qu’il est, prendra, à mon avis, la bonne décision au bon moment. Ce qui permettra au président ATT de rentrer au bercail avec les honneurs dus à son rang. Ce jour-là, nous considérerons au niveau du PDES qu’un pas de géant a été accompli. J’espère que ce jour n’est pas lointain.
Réalisé par Mamadou FOFANA

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