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Affaire des charniers : A visage découvert, les parents de victimes font des révélations fracassantes
Publié le vendredi 7 mars 2014  |  Le Zenith Bale




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L’affaire dite des bérets rouges prend des tournures bien compromettantes pour Amadou Haya Sanogo et ses hommes du boulevard de la mort de Kati. Autant le nombre hallucinant de charniers fait sursauter, autant les déclarations des membres de l’association des femmes et parents de bérets rouges disparus enfoncent le clou contre les célèbres prisonniers venus tout direct de l’escadron de la mort de Kati.

Tout a commencé avec la découverte, dans la nuit du 03 au 04 décembre 2013, du charnier situé dans la Commune rurale de Diago.

Ensuite, dans la nuit du 16 décembre 2013, le Juge d’Instruction du 2ème Cabinet du Tribunal de Première Instance de la Commune III du District de Bamako, a fait procéder avec l’aide de la Police scientifique du Service d’Investigation Judiciaire de la Gendarmerie Nationale, en présence du Procureur Général près la Cour d’Appel de Bamako, à l’exhumation, au cimetière de Hamdallaye, Bamako, de quatre corps, dont celui d’une femme.

S’y ajoute la découverte d’un charnier derrière le Daral de Kati sur la route de Bemasso le 24 février 2014 où cinq (5) corps avaient également été exhumés.

La dernière en date de ces découvertes, c’est l’exhumation dans la nuit du samedi 1er mars 2014 d’un corps en décomposition, avec des galons de colonel, dans un puits de 50 m de profondeur à Kati, près de Bamako. Ce sont des militaires arrêtés dans le cadre des enquêtes qui ont indiqué l’endroit aux enquêteurs. La maison où le corps a été retrouvé est une concession sise au quartier Malibougou de Kati, appartenant à un important membre de l’ex-junte militaire. Le puits avait été obstrué à l’aide de cailloux après l’ensevelissement du corps. Le Juge d’Instruction du 2ème Cabinet du Tribunal de Première Instance de la Commune III du District de Bamako, a fait procéder avec l’aide de la Police scientifique du Service d’Investigation Judiciaire de la Gendarmerie Nationale, en présence du Procureur de Kati et des responsables de la Police et de la Gendarmerie nationales, à l’exhumation du corps.

Ces exhumations ont été ordonnées dans le cadre du dossier Ministère public contre » x « , Issa TANGARA, Amadou Haya SANOGO et autres pour enlèvement de personnes et complicité consécutif aux évènements du 30 avril 2012 survenus à Bamako. L’information judiciaire se poursuit en vue d’identifier ces corps et de situer les responsabilités.

Sans aucun doute, il y a déjà matière à prononcer une très lourde condamnation contre ceux qui seront retenus dans le lien de ces accusations. Mais ce n’est pas tout. Notre confrère L’enquêteur a fait parler des membres de l’association des femmes et parents de bérets rouges disparus, notamment la présidente Sangara Bintou Maïga, Mlle Aminata Diarra, petite sœur du caporal Malamine Diarra, Madame Diallo Aminata Fall, mère de M’Bouye Diallo, Madame Maïga Zenabou Touré, mère de Aliou Boncana et Issiaka Keïta, père d’Abdoul Karim Keïta.

Selon Sangara Bintou Maïga, aucun des militaires interpelés aujourd’hui ne l’est injustement, étant donné ce qu’ils ont fait pour mériter aujourd’hui la prison. » Ils ont même fait des documents attestant que nos époux et enfants ont été tués lors de l’attaque de Konna, ou lors de la bataille de Tessalit. Mais Dieu merci, nous avons eu toutes ces informations et nous connaissons ceux qui ont signé tous ces faux documents. Leur but, c’était de faire croire aux gens qu’ils sont morts au front, alors qu’ils étaient dans des charniers éparpillés dans les environs de Kati. Ils ont oublié qu’ils ont présenté nos enfants à la télé. Kola Cissé a été présenté à la télé, ça nous avait rassuré parce que pour nous, on ne peut montrer quelqu’un à la télé et le tuer après. Nous avons ces images, nous avons les communications téléphoniques de nos enfants ; nous avons les images des tortures. Nous avons les preuves qu’on leur a bandé les yeux avant de les tuer. Nous avons des documents irréfutables contre Haya et son groupe« .

Et Sangara Bintou Maïga d’ajouter : » Amadou Haya Sanogo, en faisant le coup d’Etat affirmait vouloir mettre le pays sur les rails. Mais, pour nous, il est venu pour s’enrichir. En 7 mois, il a acheté 9 villas à Bamako. Nous savons où se trouvent les 9 villas ; nous avons les images. Nous sommes dans des familles de militaires, nous connaissons les salaires des militaires. On se demande comment il a eu tout cet argent en si peu de temps. Pour tous les membres du groupe de Haya, nous savons où se trouvent leurs parcelles, villas en chantier et villas terminées. Quand tu veux éliminer tout le monde en les mettant dans une grande fosse, réserve t’en une partie, car tu finiras toi-même par les rejoindre. Dire que ce groupe a traité ATT de tous les mots. Mais on voit et comprend maintenant ce qu’ils voulaient en réalité. Après les bérets rouges, Amadou Haya Sanogo avait commencé à tuer certains de ses proches ; tous ceux qui ne répondaient pas à ses appels étaient torturés et tués. Ce n’est pas un mensonge, les preuves existent aujourd’hui ».

Et Mlle Aminata Diarra, petite sœur du caporal Malamine d’ajouter : « Depuis le 30 avril 2012 nous n’avons plus de nouvelles de notre grand-frère. Il est béret rouge, mais il travaillait au génie militaire. C’est après avoir quitté son travail lors des événements que nous n’avons plus de nouvelles de lui. Jusqu’à présent, on ne sait pas où il se trouve. Je suis allée plusieurs fois à Kati pour avoir des nouvelles le concernant. Je pouvais aller à Kati trois fois dans la même journée. Une fois, un policier m’a frappée du côté des cellules des détenus à Kati. C’est après qu’on m’a conduite chez Blonkoro Samaké. Ce dernier m’a montré les différentes listes de militaires disparus : il y avait une liste des détenus, une autre des gens qui sont supposés morts au front et la liste des blessés. Sur aucune des listes ne figurait le nom de mon frère, le caporal Malamine Diarra. Blonkoro Samaké m’a fait tourner en bourrique. Comme mon frère, les 21 disparus n’avaient pas leurs noms sur les différentes listes qu’il m’a montrées. Blonkoro s’est même rendu chez nous pour dire que mon frère avait fuit, sous le prétexte qu’il n’était pas à Kati. Après, il m’a fait plusieurs propositions. Mais j’ai tout refusé même l’argent qu’il me tendait ! Je lui ai dit que ça n’en valait pas la peine ».

Pour Madame Diallo Aminata Fall, mère de M’Bouye Diallo, « J’ai cherché mon enfant partout depuis le début cette affaire. Il est introuvable. Je suis allée chez Amadou Haya Sanogo pour obtenir des nouvelles de mon fils. Ce jour-là, il m’a demandé comment mon fils avait été arrêté. Je lui ai dit que c’est moi qui l’avais réveillé quand des gens prétendant venir de Kati ont frappé à notre porte. Ils m’ont fait comprendre qu’ils sont des amis de M’Bouye. C’est de la cour que j’ai appelé mon fils, bouilloire en main. Il m’a repris la bouilloire pour aller aux toilettes, c’est en ce moment que moi j’ai ouvert la porte aux militaires de Kati. Ils ont envahi notre maison avant de procéder à l’arrestation de M’Bouye, qui est béret rouge, son frère béret vert ainsi que mon mari. Ils ont libéré par la suite mon mari et mon autre fils qui sont tous deux des bérets verts, mais ils ont gardé M’Bouye. Depuis ce jour, j’ai fait tout pour voir mon fils, sans succès. C’est après que j’ai appris qu’ils les ont exécutés avant de les enterrer dans une fosse commune « .


Madame Maïga Zenabou Touré, mère de Aliou Boncana Maïga n’est pas demeurée en reste : « J’ai quitté Mahina pour venir à Bamako parce que mon fils avait été enlevé et déclaré disparu. Il était béret rouge. Il a été arrêté dans une Sotrama quand il rentrait à la maison. C’était le lendemain du 30 avril 2012. Depuis, on n’a plus de nouvelles de lui. Et pourtant, c’est bien vif qu’il a été conduit au Camp de Kati par des hommes armés. Ils l’ont fait descendre d’une Sotrama en plein jour. Ensuite, il a été présenté à la télé comme mercenaire, on lui tirait par les oreilles en lui demandant de regarder la caméra. Je connais le militaire qui a présenté mon fils comme étant un mercenaire.

Lorsque je suis arrivée à Bamako, je suis allée voir Amnesty international, la Croix Rouge, Fatoumata Siré Diakité, Oumou Touré de la Cafo ; de même, je me suis rendue chez les procureurs, les juges, aux camps I et II pour chercher mon enfant. Je me suis rendue à Kati, partout, mais je n’ai eu aucune nouvelle de mon enfant. C’est après que la gendarmerie a pris nos auditions avant de les transmettre au juge Karembé. Nos enfants ne peuvent pas disparaître comme ça entre Kati et le camp para ! Il faut que justice soit faite ! Nous ne demandons que cela ».

Issiaka Keïta, père d’Abdoul Karim Keïta déclare : « Je suis un ancien militaire. Mon fils Abdoul Karim Keïta fait partie des 21 disparus. Je vis à Markala. Le jour des événements, c’est un de mes parents qui m’a appelé de Bamako pour me dire que mon fils sortait à la télé et qu’on le traitait de mercenaire. Il était 5 heures du matin. Je suis venu de ce pas à Bamako. Dès mon arrivée, j’ai été obligé de rester à la maison, parce que la ville était en ébullition. Mais le deuxième, sous les balles, j’étais à Kati. Ce jour, il y avait du monde devant le bureau de Haya. J’ai été conduit par un lieutenant devant le bureau de l’adjudant chef Seyba Diarra. Je me suis présenté en tant qu’ancien militaire ; je lui ai dit que je venais chercher mon fils. Il m’a dit qu’en tant qu’ancien du régiment des commandos parachutistes, que c’est moi qui avais poussé mon enfant à faire de tels actes.

En effet, je suis un ancien du camp para, j’y ai fait 20 ans, puis trois ans à Kidal, une année à Tombouctou. Je suis revenu à la Base avant d’aller à la retraite. Mais de là à me rendre responsable de quelque chose que j’ignorais, c’est trop osé ! J’ai continué mes recherches jusqu’au jour où Cheick Modibo Diarra a demandé aux parents des victimes d’aller s’inscrire. C’est ainsi que je suis allé au camp I, sinon à Kati, Seyba Diarra ne voulait même pas m’entendre parce qu’il avait commencé à m’accuser. Après avoir fait ma déposition au camp I, comme tous les autres parents, je suis resté sans suite. Un jour, j’ai décidé de prendre contact avec un avocat du nom de Karembé qui a son cabinet à Daoudabougou, il travaille à « Avocat sans frontière Mali », afin qu’il puisse m’aider. Surtout que tous ceux qui étaient à Kati ont été par la suite mis à la disposition de la gendarmerie.

Mais je n’ai pas pu voir mon enfant, ni parmi les blessés encore moins sur la liste de ceux qui étaient au Camp I. L’avocat Karembé et moi avons été obligés d’aller à Kati pour savoir ce qui s’est passé avec les autres détenus. Dès notre arrivée à Kati, on nous a dit d’aller voir l’adjudant chef Seyba Diarra qui était en réunion. Nous l’avons attendu jusqu’à 14 heures. Après la réunion, il nous a dit qu’ils n’ont plus de détenus à Kati, qu’ils les ont tous mis à la disposition de la gendarmerie. Mais Seyba s’est trahi en disant ceci : « ancien, quelqu’un qui prend un fusil contre toi, si ce n’est pas en démocratie quel sort peut-il lui être réservé ? ». Sur le champ, mon avocat lui a demandé de répéter ; il a refusé catégoriquement. Il nous a dit d’aller voir les autorités si on veut savoir le sort des autres détenus.

Ce jour, avant de quitter Kati, il y avait un autre avocat qui venait de sortir du bureau de Haya, qui a dit à Karembé, mon avocat, que Haya vient de l’informer de l’existence d’une fosse commune à Diago, mais qu’il était incapable de dire si mon fils s’y trouvait. C’est donc depuis ce jour que j’ai appris l’existence d’une fosse commune. C’était quelques jours après les événements. Nous sommes rentrés à la maison. Par la suite, nous avons tous changé de lieu de logement, parce qu’ils avaient commencé à arrêter les gens qui parlaient trop et ou cherchaient à connaître ce qu’ils ont fait. Après tout cela, j’ai appris que mon fils avait été muté à Sévaré pour rejoindre les troupes maliennes. Ça m’a soulagé un moment, mais en réalité, c’était une manière de noyer le poisson dans l’eau. Mais Dieu ne dort pas : la réalité est connue aujourd’hui avec la découverte des charniers. Nous avons même reçu des documents de répartition de nos enfants dans les différentes unités de compagnie, alors qu’ils avaient été tués.

Tout avait été planifié, mais Dieu ne dort pas : la vérité a éclaté. Tous ceux qui ont été arrêtés par le juge Karembé ont posé des actes d’une manière ou d’une autre. Cependant, seul le jugement peut prouver la véracité des actes des uns et des autres. Si certains pensaient que Haya est venu ouvrir les yeux aux Maliens et l’appréciaient pour cela, il faut quand même reconnaître que les actes qu’il a posés n’ont jamais été posés par un putschiste au Mali. Quand il y a eu la découverte du charnier, ma femme a été hospitalisée 6 fois à la maternité de Markala ; elle ne pouvait pas supporter cela. Haya avait un peloton d’exécution. Aucun militaire n’a fait ce qu’il a fait au Mali, donc, il faut un bon procès pour que cela ne se reproduise plus au Mali ».

De ce qui précède, il découle que le peloton d’exécution de Kati est face au procès de tous les dangers. Autant les faits incriminés sont graves, autant les parents et épouses des disparus ne se laissent pas faire. Alors qui règne par les armes, périra par les armes, le visage couvert de larmes.

Mamadou DABO

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