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L’Indépendant N° 3470 du 1/4/2014

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Ligne de force : Une sale affaire pour IBK et pour le Mali
Publié le mardi 1 avril 2014  |  L’Indépendant




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N’allons pas trop vite en besogne. Ne jetons pas la pierre à notre très estimé et adulé président de la République. Ne l’accablons pas de tous les péchés d’Israël. Ne le couvrons pas de tous noms d’oiseaux. Ne le vouons pas aux gémonies.

IBK n’est pas en accusation devant la justice française. Du moins pas encore. C’est une information judiciaire qui est ouverte contre Michel Tomi. Ce dernier, pour ceux qui ne le savent pas, est un Français, un Corse pour être précis. L’homme est à la tête d’un empire financier pesant plusieurs dizaines de milliards de FCFA bâti principalement sur les jeux, à un moindre degré l’hôtellerie et le transport aérien. Il est propriétaire d’une chaine de casinos dont une partie est implantée dans la douce France, l’autre dans l’Afrique tropicale sous son obédience. On le décrit volontiers comme » le parrain des parrains » français. La formule est loin d’être élogieuse puisqu’elle renvoie plutôt au lexique mafieux. Dans le collimateur de la justice française depuis plusieurs années, Michel Tomi a écopé d’une condamnation pour «corruption active» en 2008 dans une affaire politico-financière en France.


L’article du journal « Le Monde « qui a mis en ébullition le landernau politique malien, évoque de récentes rencontres dans l’Hexagone entre Tomi et le président IBK, les largesses posées par le premier en direction du second, les écoutes téléphoniques dans lesquelles le nom de notre président » revient souvent « la présence discrète de l’homme d’affaires corse à la cérémonie de prise de fonction d’IBK, le 19 septembre 2013, à Bamako.


En réalité les relations entre les deux hommes remontent à une vingtaine d’années lorsque l’actuel président du Mali était ambassadeur au Gabon. Feu Omar Bongo aurait établi le lien entre eux. Nommé Premier ministre, sous Alpha Oumar Konaré, c’est IBK qui a permis à son « ami « Tomi d’ouvrir un casino à Bamako. Le projet initial prévoyait plusieurs casinos dans le pays mais a dû être circonscrit à la seule capitale en raison du tollé qu’il a soulevé pas seulement dans les milieux islamiques, mais à l’intérieur même de l’ADEMA, le parti majoritaire de l’époque où il était perçu par certains hauts responsables comme un » outil d’appauvrissement » des salariés déjà à bout de souffle.


L’article du journal « Le Monde » évoque en outre la possibilité que IBK soit actionnaire au Fortune’s club de Bamako. Peut-être. Ce qui est sûr, c’est que Tomi, une fois installé dans la capitale malienne, a rendu de fiers services au gouvernement. Par exemple, il a participé à l’opération sauvetage des élections de 1997 en faisant transporter gracieusement par deux de ses avions le matériel et les documents électoraux dans les régions du nord et celle de Kayes. Pour que les délais électoraux puissent être tenus. Il est vrai que dans la hâte, des listes destinées à Gao se sont retrouvées à Tombouctou, celles de Tombouctou à Yelimané. Mais au moins les délais constitutionnels ont été respectés.


Un détail : lorsque le président de l’ADEMA, IBK, s’est rendu à Nara pour prêter main forte à Dioncounda Traoré fortement menacé par ses concurrents de l’opposition, ce fut à bord d’un avion affrété par Michel Tomi.


Y a-t-il véritablement des accointances entre les deux hommes dans le domaine des affaires? Peut-on sérieusement évoquer une implication d’IBK dans » le blanchiment aggravé en bande organisée« « l’abus de biens sociaux « , « le faux en écriture » toutes choses qui valent à Tomi l’ouverture d’une information judiciaire à son encontre par le parquet de Paris?
Difficile d’y répondre en l’état actuel des enquêtes.


Il reste, cependant, que cette affaire porte un coup sévère à IBK et, par ricochet, au Mali.
IBK a été élu – ou plutôt plébiscité – (le mot est de lui-même) par plus de 77% des électeurs parce qu’ils avaient foi en son intégrité. A la création du RPM, le 30 juin 2001, le doigt ponté sur le palais de Koulouba alors occupé par le président Alpha Oumar Konaré, l’homme avait lancé sur un ton de défi : « Je jure devant Dieu de n’avoir jamais soustrait un sou du Mali pour mon usage personnel « . Ce contrat de confiance entre lui et le peuple malien est désormais atteint. Il est certes prématuré d’affirmer dans quelle mesure il l’est, mais le fait est là, indéniable. Un homme comme IBK ne peut entretenir des liens très suivis, presque intimes (à en juger par l’article de nos confrères Gérard Davet et Fabrice Lhomme) avec un personnage aussi décrié comme Michel Tomi (il a déjà été condamné pour « corruption active « rappelons-le) sans s’exposer à une perte de son intégrité auprès du public.

D’autant plus que cette affaire « Tomi « survient deux mois à peine après celle du marché d’acquisition d’accessoires pour les forces de défense d’un montant de près de 70 milliards de FCFA, attribué dans des conditions douteuses à une petite SARL dont le promoteur se verra propulsé, peu de temps après, » conseiller spécial « du président de la République.
Assurément, il y a comme quelque chose de pourri au Mali sous le règne débutant d’IBK comme jadis au royaume du Danemark à l’époque de Hamlet.

Le porte-parole du gouvernement malien, Mahamane Baby, a réagi en invoquant » les valeurs d’intégrité et de rigueur morale (d’IBK) qui n’ont jamais été remises en cause par qui que ce soit « . Il faut plus qu’une incantation pour prouver aux Maliens que lesdites valeurs, reconnues chez IBK un certain temps, sont demeurées intactes et inviolées.
Ce qu’il faut, c’est une déclaration publique du président de la République sur l’honneur affirmant qu’il n’entretient pas des relations d’affaires ni pécuniaires avec un personnage douteux, de surcroit condamné pour «corruption active» et que si les enquêtes en cours établissaient le contraire, il quitterait la charge suprême de l’Etat malien. Pour « l’honneur du Mali « .

Là oui, avec un tel argument, IBK pourrait espérer conserver encore l’estime voire la confiance de ses concitoyens, profondément choqués par la révélation de cette affaire assurément inattendue.

Quant à affirmer que l’article du journal « Le Monde « « au-delà de la personne du chef de l’Etat, veut jeter le discrédit sur les efforts inlassables de toute une nation pour sortir d’une crise sans précédent » ce type d’argutie, usé jusqu’à la corde, ne trompe plus personne. Nous sommes devant une affaire de droit commun dans laquelle il s’agit de savoir qui a fait quoi. Un point, c’est tout. La politique n’a rien à y voir.


Pour le Mali, les dégâts pourraient être incommensurables. En effet, si les preuves de la collusion entre le président du Mali et un homme présumé appartenir à la mafia corse étaient formellement démontrées, les partenaires techniques et financiers pourraient être plus regardants sur l’opportunité et la manière de dépenser l’argent de leurs contribuables dans notre pays. Quant aux investisseurs de tous bords, ils préfèreraient sans doute se rendre sous d’autres cieux où leurs ressources seraient mieux sécurisées.
Au total, et IBK et le Mali gagneraient à ce que les soupçons, qui pèsent désormais sur le président, soient levées. Et que toute la lumière soit faite sur cette affaire dont le Mali n’avait nullement besoin en cette période de sortie de crise qui s’écrit en pointillé. Et le plus tôt serait le mieux.

Par Saouti Labass HAIDARA

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