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Gestion du pouvoir : IBK entre le marteau et l’enclume
Publié le jeudi 3 avril 2014  |  L’aube




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Plus de six mois après sa prise de fonction, Ibrahim Boubacar Keïta semble faire du pilotage à vue sa règle de gouvernance. Les Maliens sont désemparés et, de plus en plus, en proie à des incertitudes.

Désemparés par le marasme économique et financier qui frappe le pays, ainsi que l’inflation généralisée des produits (alimentaires et d’hydrocarbures), surtout ceux de première nécessité.

Incertains de la situation sécuritaire au nord (où les villes de Gao et Tombouctou sont permanemment sous la menace d’obus et d’attentats-suicide) et même de l’intégrité du territoire, avec Kidal dont le contrôle échappe TOUJOURS à l’Etat malien.
Si l’on y ajoute le cafouillage qui encadre les négociations avec les groupes armés et la sentinelle de la communauté internationale, ainsi que le blocage dans le remaniement du gouvernement, on en déduit aisément que le président de la République est à l’épreuve du pouvoir. Coincé entre le marteau du Nord et l’enclume du Sud, IBK l’est assurément. Mais, jusqu’à quand ?

Où va le Mali ? La question revient sans cesse au sein d’une opinion malienne inquiète face à la situation actuelle du pays. Un pays toujours confronté à une insécurité résiduelle au nord et à une grave crise économique généralisée.

Lors de l’élection présidentielle du 28 juillet 2013, la majorité des Maliens étaient unanimes que IBK était l’homme providentiel ; celui qui détenait la solution miracle pour libérer Kidal et rétablir ce que lui-même promettait aux Maliens : leur honneur et leur dignité perdus.
Si le scrutin présidentiel de juillet 2013 a marqué la fin d’une transition chaotique, il devrait être le début de la fin du cauchemar pour les populations des régions au nord. Et lors de la campagne présidentielle, IBK n’a cessé de jouer sur la fibre patriotique des Maliens concernant le dossier du nord et d’autres questions d’intérêt national.

Aujourd’hui, les Maliens se rendent compte qu’ils ont naïvement cru aux discours populistes et autres promesses électoralistes. Nos compatriotes ont été trompés sur toute la ligne.


Kidal nous échappe !
De l’accession d’IBK au pouvoir à ce jour, qu’est ce qui a changé au nord ? Absolument rien ! Kidal est toujours sous le contrôle des bandits armés (Mnla, Hcua et Maa). Ceux-ci se sont même renforcés avec le retour de leurs complices djihadistes qui avaient trouvé refuge à l’extérieur pour échapper aux opérations militaires.
L’armée malienne est à présent soumise à des restrictions concernant non seulement ses effectifs, mais aussi ses missions à Kidal. Il en est de même pour les forces de sécurité : police, garde et gendarmerie.

Plus grave : Kidal est actuellement une cité interdite aux autorités maliennes. Le premier ministre et une forte délégation gouvernementale n’ont pu s’y rendre, l’année dernière. Des manifestations hostiles, organisées sous l’instigation du Mnla, ont contraint la délégation à rebrousser chemin. Du jamais vu !

Devant un tel affront, l’exécutif a répondu avec des discours conciliants, là où il fallait plutôt faire preuve de fermeté. Vous avez dit aveu d’impuissance ?

Par ailleurs, à Gao, le retour massif des djihadistes n’est plus un secret. C’est connu à la fois des autorités de Bamako, de la Minusma et des forces françaises. Conséquences : Une pluie d’obus qui visent la cité des Askia, des attaques sporadiques contre les populations civiles…

Devant le pourrissement de la situation sécuritaire, les populations s’interrogent sur l’utilité des forces étrangères (Minusma et Serval).

Et, de plus en plus, les signaux d’une confrontation intercommunautaire jaillissent. Les communautés peulhs, exaspérées par les attaques des bandits, sont sur le pied de guerre. Ils menacent de contre attaquer… Il s’agit là, d’un nouveau foyer de tension sur fond de divergences communautaires. « Doit-on laisser ces bandits agir impunément ? Ils volent nos bétails et nos biens sans que les militaires n’interviennent », se lamente un vieux peulh.

Négociations : le cafouillage
« Avons-nous voté pour cela ? ». A Bamako, la résignation est exprimée par cette question. Et l’impuissance du pouvoir à gérer la question du nord est bien réelle. « On ne me trimbale pas…Je ne négocierais pas avec un groupe qui détient les armes… ». Ces propos sont de IBK. Il tenait ce langage de fermeté surtout à l’adresse de son électorat. Or, la réalité est tout autre. Le chef de l’Etat fait preuve d’un manque total de visibilité dans la gestion de ce dossier du nord. D’où le flottement qui entoure actuellement les négociations.

De Nouakchott à Ouaga, en passant par Alger, Rabat, Paris, Moscou et Rome, ça va dans tous les sens. Finalement, l’on se demande : à qui profite ce cafouillage ?

Se rendant compte du manque de vision qui prévaut à Bamako, les responsables des mouvements multiplient les initiatives à l’étranger. Objectif ? Maintenir le statu quo à Kidal ou obtenir l’autonomie pour cette région. Deux cas de figure qui feraient l’affaire d’une poignée d’individus dans cette localité.

Et, contrairement aux apparences, et aux propos qu’il tenait, IBK n’a aucun contrôle sur la situation de Kidal. Un agenda international est désormais déroulé pour cette partie du Mali. Parallèlement, l’instabilité perdure dans les autres régions du nord (Gao et Tombouctou) pour quel objectif ? Détourner l’attention des Maliens.

Bamako : ça gronde !
Mais à ce jour, ce n’est pas Kidal qui est une déception, voire une grosse source de colère pour les Maliens. Ils sont nombreux à exprimer leur ras-le-bol à cause de la mauvaise gestion et du népotisme qui sévissent au sommet de l’Etat. « Nous avons voté pour IBK, mais il nous a déçus…Les politiciens sont tous les mêmes ; dès qu’ils prennent le pouvoir, ils oublient leurs promesses… », entonnent les citoyens, visiblement au regret d’avoir voté pour IBK. Et les plaintes fusent de partout à propos de ce début de mandat chaotique du président Keïta.

« Depuis qu’il est au pouvoir, rien n’a changé. Au contraire, le pays connait actuellement une crise financière sans précédent », se plaint un jeune employé de commerce.
Au marché, les prix des produits augmentent, ceux des hydrocarbures enregistrent sans cesse des fluctuations à la hausse…L’inflation s’est installée, sans doute pour la durée.
En cette période de chaleur, les coupures fréquentes d’électricité alourdissent une atmosphère bamakoise, très surchauffée à cause d’une crise financière qui n’épargne que les nantis du régime IBK.

L’argent est rare, voire introuvable. D’aucuns expliquent cette crise financière par l’incapacité du gouvernement à mettre en route une véritable politique économique susceptible de favoriser le décollage économique et financier après la grave crise sécuritaire et politique que le pays a connue.

En fait, au-delà du gouvernement, c’est surtout l’absence d’un programme de gouvernement d’IBK qui se manifeste aujourd’hui. En lieu et place d’un véritable projet de société, le candidat a proposé aux Maliens un slogan « Le Mali d’abord », qui s’est avéré vide. Et qui a tourné au ridicule lorsque les Maliens se sont vite rendu compte que la famille se confond à la République.

Le culte du chef
Au gré des nominations, des pratiques népotistes du pouvoir sont apparues au grand jour. Alors que le culte du chef se renforce chaque jour. Tapi rouge déployé dans les hameaux de culture et autres localités du pays pour accueillir « l’homme du changement », commande d’avion présidentiel, voyages incessants à l’étranger, et autres dépenses de prestiges. Autant d’actes qui laissent des traces au sein d’une population désespérée et qui a surtout besoin que le pouvoir se penche sur les vraies préoccupations du pays.

Mais, le peut-il réellement, si l’on sait que ce « Sur place » est engendré par le blocage évident au sein du gouvernement ? Un gouvernement qui fonctionne ( ?) sur la base d’un Programme d’action gouvernemental (PAG) concocté par le Premier ministre en lieu et place de la traditionnelle Déclaration de politique générale (DPG).

La raison invoquée à l’époque : il n’y avait pas d’Assemblée nationale devant laquelle présenter la DPG.

A présent, l’Assemblée est installée depuis trois mois, mais point de DPG jusque-là. Pour la simple raison que le président Ibrahim Boubacar Kéïta retarde sciemment l’échéance de la mise en place du gouvernement post-législative. A quelle fin ?

La Déclaration de politique générale étant le gouvernail du gouvernement, en son absence, celui-ci tangue forcément, créant une paralysie généralisée aussi bien au sein de l’administration que de la population (qui grogne).

Le président IBK est-il conseillé ? Entend-t-il les échos de la fronde montante au sein de la population ? Des questions se posent. Mais, Ibrahim Boubacar Kéïta semble faire fi de ces nombreux signaux qui traduisent l’état désastreux du pays. Au lieu de procéder à une analyse objective de ce début de mandat, IBK a opté pour la politique de l’autruche. Il préfère accorder plus de crédit à ces faux sondages et/ou à des déclarations opportunistes qui lui font croire que tout va bien. Entre conseillers occultes et opportunistes de tous bords, il est difficile pour le président Kéïta de se retrouver et de se remettre en cause. Au même moment, le Mali se dirige droit dans le mur. IBK le sait-il ?

C H Sylla

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