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L’Indépendant N° 3474 du 7/4/2014

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Ligne de force : Moussa Mara, un choix à très hauts risques
Publié le lundi 7 avril 2014  |  L’Indépendant




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En recevant fin décembre 2013 les vœux du gouvernement par la voix de son chef, Oumar Tatam Ly, le président IBK avait été péremptoire : » Monsieur le Premier ministre, vous avez toute ma confiance ! « . Prononcée peu de temps après les législatives qui ont assuré une large victoire au RPM (70 sièges sur les 147 que compte l’Assemblée nationale) cette petite phrase a fait l’effet d’un blanc-seing au Premier ministre pour continuer à piloter l’activité gouvernementale.

Le 5 avril, soit quelque trois mois plus tard, patatras ! Dans un » flash spécial » de la télévision nationale diffusé vers 22 heures, le Secrétaire général de la présidence de la République, Toumani Djimé Diallo, annonce que le Premier ministre a démissionné et qu’il est remplacé par Moussa Mara, chargé de former un nouveau gouvernement.

A l’évidence, cette démission ne s’est pas faite dans la symbiose entre les deux têtes de l’exécutif. C’eût été le cas, Oumar Tatam Ly aurait eu droit aux « sincères félicitations » et un hommage appuyé du président IBK pour « le remarquable travail abattu » en un laps de temps aussi bref, comme il sied en pareille circonstance lorsque le chef de l’Etat et son chef de gouvernement se séparent en bonne intelligence et sans acrimonie.

Qui est-ce qui a donc pu conduire à une situation aussi inattendue ?

Plusieurs facteurs, nous semble-t-il.
D’abord, le peu d’empressement mis par IBK à conférer à la tacite reconduction de Oumar Tatam Ly dans sa fonction primatoriale la forme consacrée par la tradition républicaine. Une démission du gouvernement dès la proclamation des résultats définitifs des législatives, suivie d’une nouvelle nomination du Premier ministre sortant à son poste, puis de la mise en place d’un nouvel attelage, le tout couronné par une déclaration de politique générale adoptée, après un débat non feint retransmis en direct à la télévision, par l’Assemblée nationale. Un exercice indispensable qui tient lieu d’examen de passage pour le Premier ministre, à l’issue duquel, en tout cas, il est mieux à l’aise pour conduire sa mission, parce que désormais investi de la confiance des élus du peuple.
On peut comprendre que Oumar Tatam Ly se soit lassé d’attendre de son patron le geste qui lui aurait apporté cette consécration. D’autant plus que dans certains milieux politiques et la presse, les critiques se faisaient de plus en plus vives sur son incapacité à produire un programme de gouvernement et à faire «bouger les choses».

Second facteur qui a pu contribuer à la rupture entre IBK et son désormais ex-Premier ministre. Le premier voyage trop. Tout le monde en a fait le constat. Or, non seulement ces voyages interminables coûtent cher au trésor public, lui rapportent peu en retour mais, au surplus, ils impactent négativement l’action gouvernementale. En effet, à l’allure épisodique où se tiennent les conseils des ministres, des dossiers de première urgence sont renvoyés de semaine en semaine sans pouvoir être examinés et adoptés au risque de causer des dommages irréparables. Forcément, c’est le Premier ministre qui fait les frais des critiques de lourdeur voire d’incurie avérée de la machine gouvernementale.

Enfin, troisième facteur qui a pu déterminer Oumar Tatam Ly à jeter l’éponge : la guerre sourde mais implacable que lui livraient les caciques du RPM au motif qu’il était un intrus, un rallié de la vingt-cinquième heure venu leur ravir le fruit de treize années de lutte opiniâtre, ponctuée d’écueils et de sacrifices de toutes sortes. A la place de l’ex-conseiller spécial du Gouverneur de la BCEAO à Dakar, ils eussent préféré Dr Bocar Tréta, le fidèle qui a claqué la porte de l’ADEMA pour suivre IBK dans sa démission spectaculaire de la présidence de ce parti. Membre co-fondateur du Rassemblement pour le Mali (RPM) il fut, semble-t-il, l’un des trois hommes commis auprès de IBK dans son exil ouagalais pour le convaincre de regagner le bercail et de prendre la présidence du parti en gestation.
Considérant que l’une de ses responsabilités de secrétaire général du parti du tisserand est de promouvoir les cadres de cette formation politique aux postes stratégiques de l’administration pour mieux garantir les actions entreprises et, par là-même, renforcer l’influence du RPM, Dr Bocari Tréta a vite fait d’empiéter sur les plates-bandes d’Oumar Tatam Ly dont l’une des prérogatives constitutionnelles est d’être «le chef de (cette) administration». De surcroit, ce dernier n’est pas spécialement ce qu’on appelle » un homme aux ordres « . Aussi, les relations entre les deux personnages sont-elles passées rapidement de la méfiance réciproque à une hostilité à peine voilée.
Les nombreuses tentatives de Oumar Tatam Ly pour obtenir du président IBK son feu vert pour «doter le gouvernement de compétences accrues» n’ayant pas abouti, il s’est résigné à rendre le tablier.
Pour combler le vide créé par son retrait précipité, IBK a porté Moussa Mara au poste de Premier ministre. Un choix qui pourrait se révéler un pis-aller. En effet, à la différence de son prédécesseur (un banquier inoffensif venu prêter main forte à son tonton devenu président) Moussa Mara est un leader politique qui possède son propre agenda : se hisser à la plus haute charge de l’Etat malien. IBK vient de lui en fournir l’occasion inespérée. Son succès dans sa nouvelle mission sera comptabilisé à son propre actif. Tréta et son clan, qui ne se sentent pas pour le moment assez forts pour désavouer une initiative même jugée malheureuse d’IBK, n’en ignorent rien et ne lui en laisseront pas la latitude. Il lui rendront la tâche plus difficile qu’à son prédécesseur.

Le plus urgent pour eux sera de réparer le tort criard que le Grand Manitou IBK leur a causé dans le gouvernement sortant : le RPM n’y contrôlait aucun des cinq portefeuilles dits de souveraineté : Affaires étrangères et coopération internationale, Défense, Administration territoriale, Economie et Finances, Justice. Comble du mépris dans lequel ils ont été tenus : Tréta, qui y gérait le département de l’agriculture, n’arrivait qu’en septième position dans la hiérarchie gouvernementale.

La promotion faite à Mara fera aussi grincer les dents au sein des autres composantes de la majorité présidentielle. Au sortir des législatives de décembre 2013, son parti Yelema s’est trouvé au bas de l’échelle avec un seul siège alors que l’ADEMA en a conquis 15, la CODEM 5, le CNID 4, le MPR et l’ASMA (3 chacun) le MIRIA et l’UMRDA (2 chacun). Ces alliés ne peuvent comprendre que le moins représentatif d’entre eux soit hissé au poste le plus élevé du gouvernement. C’est une négation de la démocratie, une insulte au vote des électeurs, entend-on déjà dire. IBK est accusé d’être un émule d’ATT dans le peu de cas qu’il faisait des suffrages sortis des urnes pour former des gouvernements fantaisistes, à la limite de l’absurde. Toutes choses ayant contribué à affaiblir la démocratie malienne et à lui imprimer une image caricaturale.

Assurément Moussa Mara à la primature, c’est un risque accru pour la stabilité, la cohésion et lefficacité de la majorité au pouvoir.
Par Saouti Labass HAIDARA

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