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Le 22 Septembre N° 285 du

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IBK devant les députés sénégalais : «Nous avons trop payé des meurtrissures des viols et des amputations, de l’humiliation des flagellations et de l’exil de braves producteurs chassés de chez eux par des fauteurs de guerre en mal d’aventures»
Publié le jeudi 17 avril 2014  |  Le 22 Septembre




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En visite d’Etat de 48 heures en République sœur du Sénégal, les 13 et 14 avril 2014, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, a prononcé un discours devant le parlement sénégalais. Dans cette importante allocution, le Chef de l’Etat malien a rendu un hommage au père de la nation du pays de la Teranga, Léopold Sédar Senghor, aux infatigables combattants de la démocratie sénégalaise, citée en exemple sur le continent africain.

IBK a également rendu hommage aux soldats sénégalais tombés pour la défense de l’intégrité territoriale du Mali. Ensuite, il a réitéré sa ferme volonté à négocier avec les groupes armés. Il n’a pas manqué de dénoncer la duplicité du MNLA et d’interpeller la communauté internationale sur la question. Auparavant il avait expliqué les souffrances que notre peuple a endurées au cours de l’occupation.
Nous vous proposons in extenso le discours prononcé par Ibrahim Boubacar Kéïta à Dakar.

Bismillahi Rahman Rahim,
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Messieurs les Présidents des Institutions de la République du Sénégal,
Messieurs les Ministres,
Honorables députés,
Distingués invités,

Fierté et honneur : voilà les sentiments qui sont sincèrement miens en cette heure.
Fierté et honneur, parce que je suis au Sénégal, pays stable et vitrine méritoirement saluée des démocraties africaines en construction.

Fierté et honneur, parce que je foule le sol de la grande nation du «djom» et de la «teranga», de la retenue et de l’hospitalité.

Fierté et honneur, parce que je suis l’hôte d’un grand peuple, grand dans chacune de ses filles, grand dans chacun de ses fils, et grand par les hommes et femmes d’exception qu’il a donnés au monde.
Je dis Léopold Sedar Senghor, le père de la négritude, le poète enseigné dans toutes les universités du monde, l’essayiste lumineux de la civilisation de l’universel.

Je dis Cheickh Anta Diop, le pionnier audacieux de l’égyptologie, le savant qui a rétabli la vérité historique de manière irréfutable contre la pensée dominante de l’époque et contre le courant hégélien pour lequel l’Africain n’a pas d’histoire.
Mais je dis aussi tous ces fiers écrivains qui ont marqué les jeunesses scolaires de mon pays et d’ailleurs.

Janjo donc pour Birago Diop et son art du conte !
Janjo pour Abdoulaye Sadji et ses portraits saint-louisiens !
Janjo pour Ousmane Socé Diop et son rapport à la société lebou !
Janjo pour Cheikh Hamidou Kane et ses angoisses face à l’Afrique sommée, dans cette profonde aventure ambigüe, comme il dit, de «porter le bleu de chauffe en mettant son âme en lieu sûr».

Je pourrais continuer l’exaltation, car les mérites du Sénégal sont multiples, par la manière magistrale et experte dont mon jeune frère, le Président Macky Sall, conduit aujourd’hui le plaidoyer pour le développement du continent à travers sa présidence du NEPAD.
Je pourrais continuer à saluer l’apport du Sénégal à la démocratie africaine, notamment pour les alternances pacifiques et l’élégance d’Abdou Diouf en 2000 et celle d’Abdoulaye Wade en 2012.

Et dans ce chapitre, vous m’approuverez sans aucun doute si je salue, d’un élan sincère, mon aîné Moustapha Niasse, pour les positions équilibrées et justes qui furent toujours les siennes, pour son combat sans lassitude en faveur de la démocratie et pour l’estime personnelle qu’il a toujours eue à mon endroit. Cher aîné, merci pour les conseils, merci pour l’accompagnement, merci pour la sollicitude.

Je pourrais continuer à citer la place particulière du Sénégal dans la construction des élites africaines d’antan, issues de véritables centres d’excellence pour être les premiers leaders de notre sous-région : William Ponty, pépinière à nulle autre pareille, où des promotions de futures élites tissèrent des liens d’amitié dont nous fûmes parmi les heureux bénéficiaires. Ainsi, la belle fraternité qui lia feu mes pères Professeur Assane SECK et Boubacar KEÏTA. Qu’Allah les accueille parmi les bienheureux.
Rufisque, où nos mères, sous la houlette de Madame Le Goff, grande dame de cœur, dédiée à la promotion des africaines, apprirent le beau métier d’institutrices.

Je pourrais continuer, mais les éloges épuiseraient mon temps de parole.

Vous me permettrez alors, en pensant à tous ses acteurs, de saluer le Sénégal du talent, le Sénégal du génie créateur, le Sénégal des victoires, le Sénégal de nos fiertés.

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Chers députés,
Je suis fier et honoré d’être ici en terre africaine du Sénégal, je l’ai dit.
Mais je suis encore plus fier d’être dans cette enceinte prestigieuse, symbole de la démocratie, du débat démocratique dont votre pays est un des pionniers en Afrique.
Car si elles se sont déroulées ailleurs que dans les locaux actuels du parlement, les joutes épiques qui ont opposé Blaise Diagne et Galandou Diouf n’en préfiguraient pas moins la maîtrise du réflexe démocratique et la vitalité de la vie politique sénégalaise.

En m’adressant à vous, dignes héritiers du débat contradictoire dans lequel ce pays a toujours excellé, je pense à Lamine Coura Guèye, Iba Mar Diop, Valdiodio Ndiaye, Mamadou Dia, ainsi que les autres orateurs brillants, tel Majhemout Diop avec son historique essai, Histoire des classes sociales en Afrique de l’Ouest, qui ont fait les lettres de noblesse de la politique au Sénégal.

Je suis fier et honoré de vous apporter ici les salutations du peuple malien qui vous est reconnaissant, à votre président Macky Sall, à votre gouvernement, à vous les parlementaires et au peuple frère du Sénégal.

Le peuple malien vous est reconnaissant d’avoir été à ses côtés quand il a eu besoin de vous, au cours de la crise qu’il a subie de 2012 à 2013.

Les Djambars, vos valeureux soldats, sont chez nous aux côtés de l’armée malienne et de soldats de la communauté internationale.

Ils bravent le soleil, ils bravent les vents, ils bravent la soif et la faim, ils veillent nuit et jour sur le peuple malien, et l’intégrité du Mali.

Votre armée a payé le prix du sang. Mais vos vaillants soldats, Ousmane Fall et Cheikh Tidiane Sarr, tombés sur le Champs de l’honneur le 14 décembre 2013, ne sont pas morts dans une guerre frontale. Ils ont été fauchés par un attentat lâche et la lâcheté de ceux que Césaire appelle les assassins de l’aube.

Je m’incline ici, une fois de plus devant leur mémoire.
Mes pensées vont aussi vers ma fille, Fatou Seck Gningue, élève-officier à l’École militaire interarmes de Koulikoro, malheureusement décédée lors d’un exercice militaire, en octobre 2011. Que son âme repose en paix. Le Mali ne l’oubliera jamais.

A leurs familles, au président Macky Sall et à vous tous et toutes ici, je réitère mes condoléances et celles du peuple malien.

Et je vous prie qu’ensemble, en mémoire de ces héros morts pour le Mali et pour la défense de nos communes valeurs sacrées, nous observions une minute de silence.
Merci.

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Honorables députés,

Il ne s’agit ici, ni de faire l’économie de la grave crise que notre pays a traversée, ni de faire l’inventaire des efforts déployés par le gouvernement de transition et par nous-mêmes depuis notre investiture le 4 septembre 2013, pour que le Mali se remette debout.
Il suffira que je vous dise ceci :
Le Mali a été la victime d’une crise multidimensionnelle qui l’a ébranlé dans tous ses fondements. Et il y aurait sombré, sans l’assistance prompte et sans calcul de ses partenaires et voisins : la CEDEAO, l’Union africaine, les Nations-Unies, la communauté internationale dont l’Union Européenne, notre irremplaçable partenaire dans la reconstruction de l’armée malienne.
L’action volontariste, opportune et hautement décisive de François Hollande, qui a levé sans attendre l’armée française pour sauver notre pays, mérite d’être singularisée ici.
Le Mali ne remerciera jamais assez la France, pour ce devoir de solidarité effective.

Nous savons et saurons nous souvenir. Nous connaissons la valeur du sacrifice.

Nous savons les implications de la solidarité, surtout celle massive et prompte dont nous avons bénéficié au plus fort de nos désarrois. C’est dire que nous savons ce que nous devons faire tout de suite, aujourd’hui et demain.

Nous savons ce que légitimement, en vertu des accords et des résolutions passées, la CEDEAO et la communauté internationale attendent de nous.

Je répète ici solennellement qu’Ibrahim Boubacar Keita n’est pas contre la négociation avec les groupes en rébellion, encore moins, comme le stipule l’Accord Préliminaire de Ouagadougou dans son article 21, avec toutes les communautés du Nord du Mali, car le gouvernement, le parlement et le peuple du Mali n’aspirent qu’à la paix.

La paix partout au Mali. A Kidal. A Gao. A Tombouctou. A Mopti. A Ségou. A Sikasso. A Koulikoro. A Kayes. A Bamako. Partout, sur tout le territoire national. Partout, dans les pays voisins du Mali. Partout au monde.

Nous avons trop payé à la guerre pour sous-estimer le salut que peut-être un processus de négociation, de surcroît entre compatriotes, fils et filles de la même nation.
Nous avons trop payé des meurtrissures des viols et des amputations, de l’humiliation des flagellations et de l’exil de braves producteurs chassés de chez eux par des fauteurs de guerre en mal d’aventures.

Alors, je suis pressé. Pressé de signer des deux mains tout accord pouvant déboucher immédiatement sur une paix durable. Pressé de rendre possible le retour de la confiance et de la cohésion entre les communautés.

La négociation était mon objectif hier. Elle l’est encore plus aujourd’hui.
Et de la tribune que vous m’offrez, égard suprême, dont je mesure l’honneur, le privilège et la signification, je renouvelle mon appel aux groupes rebelles, ainsi qu’à toutes les communautés du Nord du Mali.

Que tous viennent et qu’on parle ! Qu’ils viennent et qu’on construise le Mali ensemble ! Qu’ils viennent et qu’on se mette d’accord, chacun devant accepter de concéder, mais tous d’accord pour la préservation totale et sans équivoque de notre intégrité territoriale.
Seul doit prévaloir le Mali, divers mais uni, décentralisé et transférant aux collectivités et à l’initiative citoyenne les compétences qui ne peuvent et ne doivent plus être celles de l’Etat central, en ces temps où, à juste raison, l’Etat jacobin est partout remis en cause.

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale
Honorables députés,
Tel est le tableau du Mali d’aujourd’hui.
Il a saigné mais le monde a été son garrot, et notre gratitude est infinie.
Il a vacillé. Mais il se remet debout.


Il saura compter sur vous.
Il saura compter sur le Sénégal qui est une autre patrie des Maliens autant que le Mali l’est pour les Sénégalais.

Le Sénégal nous inspire et nous rassure.
Autant que le Président Macky Sall, je ne vois pas d’autre salut que la conception d’un plan ambitieux et méthodique, pour réussir l’émergence au bénéfice de nos populations. Là encore, bravo à l’enfant de Joal qui a été le chantre de l’organisation et de la méthode. Longue vie au « BOM » !

C’est pourquoi, pour la première fois de l’histoire institutionnelle de mon pays, existe un ministère en charge de la prospective et de l’anticipation, pour mener la réflexion stratégique et le travail de planification nécessaires à ce projet de sursaut national.

Hier, le Mali et le Sénégal ont eu l’admirable projet de mutualiser leurs efforts au sein d’une fédération que les vicissitudes de l’Histoire ont condamné à la brièveté.
Aujourd’hui, les enjeux de la globalisation exigent une dynamique d’intégration qui va au-delà de deux pays.

Le Mali et le Sénégal se retrouvent dans plusieurs organisations sous-régionales et au sein de l’Union africaine qui symbolise notre désir d’une seule nation africaine.
Dirigeants d’un temps de défis, le président Macky Sall, d’autres leaders du continent ainsi que moi-même, sommes conscients des enjeux.

Senghor, dans son allocution prémonitoire à Africa Hall en 1963, nous prévient certes que, je cite « l’union n’est pas l’addition de nos faiblesses ».

Mais Cheickh Anta Diop, a mis en relief le rôle incubateur que l’Afrique a joué dans le rayonnement de la civilisation humaine.

Nous ne sommes donc pas damnés.

Il faut tirer les leçons certes de cinquante ans d’indépendance, recentrer ce qui doit l’être et accepter le labeur qui a permis à des continents plus ambitieux d’être aujourd’hui parmi les nouveaux centres du monde.
Le pari n’est pas fou. Il est à notre portée. Et plaise au Ciel que nous le relevions ensemble ! Inch’Allah !

Vive le Sénégal,

Vive le Mali,

Vive l’intégration africaine,

Vive l’amitié et la fraternité indéfectibles et toujours fécondantes entre les peuples sénégalais et maliens !
Je vous remercie.

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