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Comment l’armée américaine pénètre t-elle en Afrique ?
Publié le jeudi 30 aout 2012  |  Theatrum-Belli




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Voici une drôle de question : est-il possible que l’armée américaine soit présente dans plus de pays et dans plus d’endroits maintenant qu’au faîte de la Guerre froide ? Il est vrai que les Etats-Unis réduisent leurs forces et le nombre de leurs bases géantes en Europe et que ses troupes sont sorties d’Irak (à l’exception de cette gigantesque ambassade militarisée à Bagdad).
D’autre part, il y a cette installation terrestre, aérienne, navale massive dans le Golfe Persique, le largement médiatisé « pivot » vers l’Asie de l’administration Obama (qui inclut des troupes et des navires), ces nouvelles bases pour drones dans la région orientale de l’Océan Indien, quelque retour en Amérique latine (y compris une nouvelle base au Chili), et sans oublier l’Afrique, où moins d’une décennie en arrière, les Etats-Unis n’avaient quasiment aucune présence militaire. Maintenant les forces spéciales américaines, les troupes régulières, les sociétés militaires privées, et les drones s’étendent à travers le continent avec une rapidité remarquable, pour autant qu’elle soit remarquée.

Rassembler les morceaux sur l’Afrique n’est pas aisé.

Par exemple, rien que l’autre jour, il a été révélé que trois commandos de l’armée américaine dans un Toyota Land Cruiser avaient fait une embardée sur un pont au Mali. Ils sont décédés tous les trois, ainsi que trois femmes identifiées comme des « prostituées marocaines ». C’est ainsi que nous savons que les forces spéciales américaines opéraient dans un Mali chaotique, précédemment démocratique, après qu’un coup d’Etat orchestré par un capitaine entraîné par les Etats-Unis a accéléré l’effondrement du pays, menant plus récemment à son démembrement virtuel par les rebelles touaregs et les insurgés islamistes.

Il s’agit d’un échantillon de la « course pour l’Afrique » des Etats-Unis dans une coquille de noix louche et nimbée de secrets.

Alors voici une autre question : qui a décidé en 2007 que le commandement américain en Afrique devrait être mandaté pour commencer un processus de transformation de ce continent en un réseau de bases américaines et d’opérations diverses ?

Qui a décidé que chaque groupe rebelle islamiste en Afrique, peu importe son implantation locale, était une menace pour les Etats-Unis nécessitant une réaction militaire ? Certainement pas le peuple américain, qui n’entend rien à cela, à qui on n’a jamais demandé si l’extension de la mission planétaire militaire américaine en Afrique était quelque chose qu’il approuvait, qui n’a jamais entendu le moindre débat, ou même un seul mot de Washington sur le sujet.

Guerre secrètes, bases secrètes, et la « Nouvelle Route des Epices » du Pentagone en Afrique. Ils appellent cela la nouvelle route des épices en référence au réseau médiéval de commerce qui reliait l’Europe, l’Afrique et l’Asie, même si la « route des épices » d’aujourd’hui n’a rien à voir avec la cannelle, les clous de girofle et la soie.

A la place, il s’agit de la super-autoroute d’une superpuissance, sur laquelle des camions et des bateaux transfèrent du carburant, de la nourriture et de l’équipement militaire par le biais d’une infrastructure de transport terrestre et maritime vers un réseau de dépôts de fourniture, minuscules campements, et terrains d’aviation, censés être au service d’une présence militaire américaine en Afrique grandissante.

Peu aux Etats-Unis connaissent cette super-autoroute, ou les douzaines de missions d’entraînement et les exercices militaires interarmées conduits dans des pays que la plupart des Américains ne pourrait situer sur une carte.

Encore moins savent que les militaires invoquent les noms de Marco Polo et de la reine de Saba, alors qu’ils établissent une empreinte militaire plus grande en Afrique. Tout cela se produit dans les ténèbres de ce qui était connu comme le « Continent Sombre » d’un âge impérial antérieur.

Dans les ports d’Afrique de l’Est d’énormes conteneurs en métal arrivent pleins du nécessaire pour une armée en chasse. Ils sont ensuite chargés sur des camions qui prennent la route pour des bases poussiéreuses et des avant-postes éloignés. Par exemple, sur l’autoroute entre Djibouti et l’Ethiopie, on peut voir la silhouette nue de cette guerre de l’ombre, aux relais routiers où les chauffeurs locaux prennent une pause pendant leurs trajets long-courrier.

C’est également vrai pour d’autres pays africains. Les nœuds du réseau explique en partie l’histoire : Manda Bay, Garissa et Mombasa au Kenya ; Kampala et Entebbe en Ouganda ; Bangui et Djema en République centrafricaine ; Nzara dans le Sud Soudan ; Dire Dawa en Ethiopie ; et la base africaine vitrine du Pentagone, Camp Lemonnier, à Djibouti sur la côte du golfe d’Aden, parmi d’autres.

Selon Pat Barnes, porte-parole du commandement américain en Afrique (Africom), Camp Lemonnier sert de base américaine officielle unique sur le continent. Il a récemment indiqué au site TomDispatch qu’il y a « plus de 2000 personnels stationnés là-bas » et que« l’organisation primaire de l’Africom à Camp Lemonnier est la Combined Joint Task Force – Horn of Africa (CJTF-HOA). Le travail de la CJTF-HOA se concentre sur l’Afrique de l’Est et s’efforce de développer les partenariats avec les pays pour les aider à renforcer leurs capacités de défense ».

Barnes a également noté que des personnels du Département de la Défense sont affectés dans les ambassades américaines à travers l’Afrique, y compris 21 bureaux autonomes de coopération pour la sécurité, chargés de faciliter les activités interarmées avec les « pays partenaires ». Il a identifié les forces engagées comme étant de petites équipes menant des missions précises. Barnes a même admis que dans « plusieurs zones en Afrique, l’Africom dispose d’une présence réduite et temporaire de personnels. En tous les cas, ces personnels militaires sont les invités des entités des nations-hôtes, et travaillent en collaboration et se coordonnent avec les personnels des nations-hôtes ».

En 2003, lorsque la CJTF-HOA était installé là-bas, il était effectivement vrai que le seul avant-poste américain majeur en Afrique était Camp Lemonnier. Dans les années qui ont suivi, de manière tranquille et largement passé inaperçu, le Pentagone et la CIA ont étendu leurs forces sur le continent. Aujourd’hui, toute sémantique officielle mise à part, les Etats-Unis conservent un nombre surprenant de bases en Afrique. De plus, le « renforcement » des armées africaines devient une rubrique véritablement élastique pour ce qu’il en est.

Sous la présidence Obama, en fait, les opérations en Afrique se sont accélérées bien au-delà des interventions plus limitées des années Bush : la guerre de Libye l’année dernière ; une campagne de drones localisée avec des missions menées depuis les bases et aéroports de Djibouti, l’Ethiopie et l’archipel des Seychelles dans l’Océan Indien ; une flottille de 30 navires dans ce même océan qui soutiennent les opérations dans la région.

Il existe une campagne militaire et de la CIA sur de multiples fronts contre les militants enSomalie, y compris des opérations de renseignement, l’entraînement des agents somaliens, une prison secrète, des attaques d’hélicoptères, et des attaques commandos américaines. Cela inclut un afflux massif d’espèces pour les opérations de contre-terrorisme en Afrique de l’Est ; une guerre aérienne conventionnelle possible, menée en douce dans la région qui fait appel à une aviation traditionnelle ; des dizaines de millions de dollar en armes pour les mercenaires et les troupes africaines alliées. Il y a également une force expéditionnaire dédiée aux opérations spéciales (appuyée par les experts du Département d’Etat), déployée pour aider à la capture ou à l’assassinat de Joseph Kony, meneur de l’Armée de résistance du Seigneur, et de ses lieutenants. Et ceci ne fait qu’entamer la surface des projets et activités de Washington dans la région.

Pour soutenir ces missions florissantes, ses opérations d’entraînement presque permanentes, et ces exercices interarmées servant à construire des alliances, des avant-postes de toutes sortes poussent sur tout le continent, reliés par un réseau logistique expansif fantôme. Beaucoup de bases américaines en Afrique restent petites et austères, mais grandissent et se pérennisent en apparence. Par exemple, des photos de Camp Gilbert en Ethiopie datant de l’année dernière examinées par TomDispatch, montrent une base couvertes de tentes climatisées, de conteneurs en métal, et de fûts de 200 litres et d’autre matériel sanglé à des palettes, mais aussi des installations de divertissement avec des téléviseurs et des jeux vidéo, et un gymnase bien équipé avec des vélos d’appartement, des poids libres et d’autres équipements.

Après le 11 Septembre, l’armée américaine s’est installé dans trois grandes régions de manière significative : l’Asie du Sud (l’Afghanistan en premier lieu), le Moyen-Orient (l’Irak en particulier), et la Corne de l’Afrique. Aujourd’hui les Etats-Unis se retirent d’Afghanistan et a largement quitté l’Irak.

L’Afrique, toutefois, reste une opportunité de croissance pour le Pentagone. Les Etats-Unis sont maintenant engagés, directement ou par procuration, dans des opérations militaires et de surveillance visant une liste étendue d’ennemis régionaux. Cela inclut Al-Qaïda dans le Maghreb islamique en Afrique du Nord ; le mouvement islamiste Boko Haram au Nigeria ; des militants possiblement proches d’Al-Qaïda dans la Libye post-Kadhafi ; la meurtrière Armée de résistance du Seigneur (ARS) de Joseph Kony en République centrafricaine, au Congo et dans le Sud Soudan ; les rebelles islamistes d’Ansar Dine au Mali, Al-Shabaab en Somalie ; et les guérillas d’Al-Qaïda dans la péninsule arabo-persique par le golfe d’Aden au Yémen. Une enquête récente du Washington Post a révélé que l’aviation de surveillance gérée par une SMP installée à Entebbe, Ouganda, écume par ordre du Pentagone le territoire fréquenté par l’ARS de Kony, et que 100 à 200 commandos américains partagent une base avec l’armée kenyane à Manda Bay.

Par ailleurs, des drones américains sont envoyés depuis l’aéroport éthiopien d’Arba Minch et depuis les Seychelles dans l’Océan Indien, tandis que des drones et des bombardiers F-15 ont opéré hors de Camp Lemonnier dans le cadre des guerres de l’ombre menées par l’armée américaine et la CIA au Yémen et en Somalie. Des avions de surveillance utilisés pour des missions d’espionnage au-dessus du Mali, de la Mauritanie et du désert saharien partent également en mission depuis Ouagadougou au Burkina Faso, et, d’après certaines informations, des projets sont à l’œuvre pour une base similaire dans pays nouvellement né du Sud Soudan.

Les forces des opérations spéciales américaines sont stationnées à l’orée de postes opérationnels avancés sur le continent, y compris un à Djema République centrafricaine et d’autres à Nzara au Sus Soudan et Dungu en République démocratique du Congo. Les Etats-Unis ont aussi des troupes déployées au Mali, bien qu’ils aient officiellement suspendu leurs relations militaires avec ce pays à la suite d’un coup d’Etat.

Selon une étude de TomDispatch, la marine américaine dispose également d’une base opérationnelle avancée, principalement habitée par le génie (Seabees), des personnels des affaires civiles, et des troupes de protection, comme à Camp Gilbert à Dire Dawa en Ethiopie.

Les documents militaires américains indiquent qu’il pourrait y avoir d’autres installations américaines de plus petite taille encore dans le pays.

En plus de Camp Lemonnier, l’armée américaine conserve aussi un autre avant-poste perdu à Djibouti, une installation portuaire de la marine qui n’a même pas de nom.

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