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Foncier dans les communes de Koutiala et de Ngolonianasso : Le Premier ministre interpellé sur les souffrances de sept villages
Publié le jeudi 28 aout 2014  |  Le Républicain
Audience
© aBamako.com par A.S
Audience à la primature
Bamako, le 23 juillet 2014. Primature. Son excellence monsieur Moussa Mara, premier ministre Chef du gouvernement a rencontré ce mercredi les travailleurs de la haute cour justice.




A l’orée de la régionalisation, le bourbier foncier fait encore ressembler le Mali à ce bateau ivre qui, pendant qu’il prend de l’eau de toutes parts, ses passagers, en liesse, y chantent et y dansent. Les Services sociaux de base ne constituent ni la preuve de la vitalité d’une décentralisation, ni un gage de stabilité du pays. Dans le Mali profond, la grogne monte autour du foncier. Dans cette lettre ouverte au Premier ministre, Chef du Gouvernement Moussa Mara, ainsi qu’à ses ministres concernés par la question foncière, qui sont le ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux; le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité; le ministre du Développement Rural; le ministre des Domaines de l’Etat, des Affaires Foncières et du Patrimoine; le ministre de la Décentralisation et de la Ville, l’auteur de la lettre ouverte, Tiècoura Coulibaly, premier Conseiller du Chef de village de Bougoro (Commune Urbaine de Koutiala) et Professeur d’Enseignement secondaire, invite les autorités maliennes, « sans pessimisme, sans frilosité, mais avec humilité et courage », à mesurer à sa juste valeur, la question foncière: « La République dort sur une bombe ». Le Premier ministre Moussa Mara et son gouvernement banalisent-ils cette question foncière ? « Ceux qui banalisent cette question foncière ne réalisent pas que l’injustice peut faire basculer même les peuples les plus dociles dans le terrorisme. Ils ne réalisent pas la sagesse du Révérend père Sud-africain, Desmond Tutu qui dit: «Même un ver de terre peut se révolter à force de le fouler au pied», avise l’auteur de la lettre ouverte. Mieux, « l’injustice et les abus de pouvoir … sont la sève nourricière de la méfiance et du mécontentement populaires, le lit naturel de la révolte, la source de l’instabilité. Ils conduisent à «bolibana», la fin de la course. Fin des mensonges, des illusions, des certitudes tranquilles et de l’auto-congratulation ». Jamais, ce risque n’a été aussi grand au Mali, déplore cet enseignant qui, résolument, apporte sa pierre à l’œuvre commune, à visage découvert, dénonce, propose et assume. « Jamais, n’ont été autant réunis tous les ingrédients d’un soulèvement populaire contre la spéculation foncière », a-t-il constaté. Dans l’affaire qui motive cette lettre ouverte, le procès maintes fois reporté, est de nouveau fixé à ce jeudi 28 août 2014 « aux fins de la confirmation des droits coutumiers des sept villages ». Le soulagement et l’espoir suscités par la pugnacité des discours du ministre de la justice, des Droits de l’Homme et Garde des Sceaux, et ses prises de position courageuses dans le village de Niénelé,(commune de Banguinéda) et lors de ses récentes tournées dans la région de Sikasso et dans d’autres localités pour mettre fin au désordre foncier, seront-ils traduits dans les faits ? Les fruits seront-ils à l’image des promesses des fleurs ? « Il est connu de tous que le foncier est le point de cristallisation de la déception et du désaveu de nombre de citoyens face aux pouvoirs publics. Vous attaquer à ce problème, avec tact et fermeté, en donner une meilleure visibilité dans les langues nationales, … c’est épargner au Mali, un embrasement général, inutile mais surtout évitable… ». Lisez l’exclusivité de la lettre ouverte.
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LETTRE OUVERTE
A
Son Excellence, Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement;
Monsieur le Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux;
Monsieur le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité;
Monsieur le Ministre du Développement Rural;
Monsieur le Ministre des Domaines de l’Etat, des Affaires Foncières et du Patrimoine;
Monsieur le Ministre de la Décentralisation et de la Ville.
Permettez-nous, de saluer les efforts et la disponibilité du Gouvernement pour comprendre les préoccupations des citoyens et leur apporter les solutions indiquées. Convaincus que la construction d’une nouvelle citoyenneté requiert la participation de chacun et de tous, nous voudrions porter à votre très haute attention, les souffrances de sept villages du cercle de Koutiala : Bougoro, Ngorosso, Koumbè, Watorosso, Signè (commune urbaine de Koutiala) ; Zangorola et Mpèlongosso (commune rurale de Ngolonianasso).
Depuis 2003, Monsieur Adama Dembélé, résident à Koutiala, sème la terreur sur plus de 32 familles agricoles issues des villages ci-dessus cités.
Adama Dembélé se veut héritier de son père feu Tolè Dembélé, originaire de Zangorola, qu’il présente comme fondateur d’un village dénommé Niagouasso.
Il se prévaut de l’acte notarié n° 0654 du 12 juillet 2004 de l’Etude de Me Séini Sana DIARRA, Notaire à la Résidence de Koutiala, faisant suite au jugement de partage de succession n° 72 du 17/04/2003 rendu par le Tribunal de Première Instance de Koutiala.
Ledit acte notarié de partage de succession dit, entre autres que :
« … la masse successorale de feu Tolè Dembélé décédé vers 1954 à Zangorola comprend les terres de culture d’une superficie de 324 ha 98 ares 35 ca.
Limitée au nord par les terroirs villageois de Tarasso et de Signé, au nord-est par le terroir villageois de Watorosso, à l’ouest par le terroir villageois de M’Pèlongosso, à l’est par le terroir villageois de Koumbé , au sud par le terroir villageois de Bougoro et au sud-ouest, par le terroir villageois de N’Gorosso…Ce jugement est devenu définitif faute d’appel ainsi qu’il résulte de la copie exécutoire délivrée le 15/05/2003 par le greffier en chef du tribunal sus-indiqué…Compte tenu de la situation financière précaire des requérants … le Président du TPI de Koutiala, par ordonnance N°155 du 17/05/2004 a autorisé Me Séni Sana Diarra, pour la vente de seize (16) hectares à l’effet de couvrir l’ensemble des frais de partage.»
En plus des 324 ha qui recouvrent et incluent des terres des villages cités, Adama Dembélé et ses complices, au nom de cet acte notarié, qui ne saurait être un titre de propriété, ont entrepris, le morcèlement, le bornage et la vente des terres des sept villages, causant des troubles sur plus de 880 hectares, soit environ 9 km2. Tout est fait au nom du même Niagouasso, terroir fictif, qui n’a ni commencement ni fin, et ne correspond à aucune réalité concrète : ni un village administratif, ni un quartier, ni un hameau précis.
La commune urbaine de Koutiala comprend les 12 (douze) quartiers de Koutiala et 8 (huit) villages que sont : Bougoro, Koumbè, Watorosso, Signè, Wolobougou, Wolosso, Ntiesso et Déresso. Nulle part, dans l’histoire, la géographie et les archives de l’Administration du cercle de Koutiala, il n’est fait mention de l’existence d’un Niagouasso dont le chef de village serait Adama Dembélé, homme se présentant sous multiples identités. Selon les besoins de ses caprices, le même et unique Adama Dembélé est né, tantôt à Koutiala, tantôt à Niagouasso, tantôt à Zangorola, tantôt ailleurs.
Sous cette identité confuse, et au nom de son terroir fictif, tout champ, tout espace de chacun des sept villages peut être vendu par Adama Dembélé qui se dit doté d’un document juridique l’autorisant à en disposer comme de ses tenures vassales. Ses clients sont assurés par des attestations de vente portant la signature d’un notaire ou la légalisation du Premier adjoint au Maire de Koutiala : Yaya Nangazanga Barry.
Davantage, sur la base de faux témoignages, de faux procès-verbaux d’enquêtes de commodo et incommodo imaginaires, provenant d’agents de divers services techniques (Agriculture, Domaines et cadastre, Plan et Statistique, Urbanisme…), des titres provisoires de concessions rurales sont délivrés en violation de tous les textes et procédures indiqués. C’est sur ces fausses bases qu’ont été vendues, entre autres, les terres du vieil aveugle Bolikoro Coulibaly du village de Koumbè.
Excellence, Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement;
Messieurs les Ministres,
Dans son ouvrage intitulé « le livre du peule », l’écrivain Lamennais rendait un bel hommage au peuple des travailleurs, et notamment aux paysans, en ces termes : « Il y a des hommes qui, sans cesse exposés au soleil, à la pluie, au vent, à toutes les intempéries des saisons, labourent la terre, déposent dans son sein avec la semence qui fructifiera, une portion de leur force et de leur vie, en obtiennent ainsi la nourriture nécessaire à tous… Ces hommes sont des hommes du peuple.»
C’est vous dire que le jugement d’hérédité dont il est question, a été fait à l’insu de ces hommes du peuple. Pendant qu’ils travaillaient péniblement la terre qu’ils ont héritée de leurs ancêtres, ils étaient loin d’imaginer qu’un empire a jailli d’une décision de justice et qu’un acte notarié est chargé de les exproprier et de les chasser de leurs terres ancestrales.
Ils constatent seulement que, d’une convocation à l’autre, d’un constat à l’autre, d’un report à l’autre, ils sont ballotés entre tribunal, gendarmerie, huissiers, notaires et avocats.
Tout se passe comme s’ils ne méritaient même pas qu’on les plaigne, comme s’ils étaient des fauves à la merci de l’injustice, des abus de pouvoir et de l’arrogance de l’argent.
Monsieur le Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux ;
Le procès maintes fois reporté, est de nouveau fixé au 28 août 2014 aux fins de la confirmation des droits coutumiers des sept villages. Tout laisse présager qu’il sera reporté pour raison de travaux champêtres, puis…de vacances judiciaires.
Notre inquiétude est que, pendant ce temps, malgré les messages des plus hautes autorités en faveur de la stabilité du pays, malgré vos tournées et vos explications sur les questions foncières, malgré l’arrêt n° 024 du 17 janvier 2014 de la Cour d’appel de Bamako, ordonnant à Adama Dembélé et autres, l’arrêt de tous les travaux de bornage sur les champs litigieux, jusqu’à décision définitive au fond sur la revendication de terres de culture pendante devant le Juge civil de Koutiala ; malgré tout, les ventes, l’occupation et les troubles continuent sur les champs des paysans.
La défiance, la nargue et la provocation des paysans par les nouveaux acquéreurs ont atteint la limite de la patience. Ici et là à travers les champs, on note des constructions de maisons, des forages de puits, des dépôts de fumure organique et des bornages anarchiques. Pire, les belles pousses du champ ensemencé de Ladji Siratigui Coulibaly de Bougoro ont été totalement dévastées par un tracteur, le dimanche 6 juillet 2014. Et les clients d’Adama Dembélé se veulent très sereins.
Ils le disent à qui veut l’entendre : «Anw ka forow sèbèn b’anw bolo. Min ka bon, o de ka girin. Wari de b’a nyènabô. Hèrè bè si, hèrè bè tile. Mali de don». Arrogance devenue une lapalissade quotidienne à Koutiala, ces propos signifient : «Nous avons les pièces justificatives de nos champs. La raison du plus fort est la meilleure. C’est l’argent qui règle tout. Nous ne craignons rien. C’est le Mali.»
Le scénario est clair : faire de la diversion, excéder les paysans, les piéger et les pousser à la riposte, à la faute. S’ils se remettent à la justice de leur pays et ne bronchent pas contre l’envahisseur, c’est la preuve que leurs champs ne leur appartiennent pas. Si, par malheur, ils opposent la moindre protestation, le nouvel acquéreur se barbouille de mercurochrome, crie aux coups et blessures, au port d’armes par les paysans, à la tentative de meurtre, à l’incitation à la violence, etc.
Alors, le problème foncier devient secondaire, occulté, noyé. On passe d’une procédure civile à une procédure pénale, qui n’aura ni commencement, ni fin.
Les paysans seront financièrement ruinés jusqu’à l’os. Ils vendront jusqu’à leurs outils de production, jusqu’à l’engrais subventionné. Quand il n’y aura plus rien à attendre d’eux, le verdict tombera : ils auront tort d’avoir raison.
Monsieur le Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux ;
Le soulagement et l’espoir suscités par la pugnacité de vos discours et vos prises de position courageuses dans le village de Niénelé,(commune de Banguinéda) et lors de vos récentes tournées dans la région de Sikasso et dans d’autres localités pour mettre fin au désordre foncier, vous valent la sincère expression de notre reconnaissance, de nos encouragements et tout notre soutien.
La cohérence, la logique et l’impartialité que vous avez promises, nous assurent. Elles nous apaisent et nous fondent à prier pour que l’histoire vous donne raison sur ceux qui voient dans vos très louables efforts, la politique des deux poids deux mesures, des coups de sabre jetés dans l’eau, ou un tape-à-l’œil passager qui amuse la galerie.
Excellence, Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement;
Messieurs les Ministres,
Si l’action gouvernementale rencontre une large adhésion de l’opinion sur une question, c’est bien celle du foncier. Il est connu de tous que le foncier est le point de cristallisation de la déception et du désaveu de nombre de citoyens face aux pouvoirs publics. Vous attaquer à ce problème, avec tact et fermeté, en donner une meilleure visibilité dans les langues nationales, c’est offrir au Président de la République, un des plus beaux cadeaux de son mandat. C’est lui épargner, c’est épargner au Mali, un embrasement général, inutile mais surtout évitable.
Choisir de combattre la pagaille foncière, c’est s’attaquer au démon de l’argent ; démon enraciné dans l’âme profonde d’un peuple qui ne croit plus en rien et ne craint rien.
Nul ne dira jamais assez, combien, l’argent a ébranlé la famille et l’autorité parentale, délité l’Etat malien, détruit l’Ecole, démoli l’Armée, pourri la Justice, effondré l’Administration, vidé la religion de son sens, perverti les mœurs, travesti la politique et instrumentalisé le syndicalisme.
Le combat que vous entamez est nôtre. Sans passion, sans haine, sans diffamation, sans médisance, nous vous soutiendrons pour nous-mêmes.
Combattre la pagaille foncière, c’est revenir aux fondamentaux de nos socles culturels, c’est «démercantiliser» la terre, c'est-à-dire, l’arracher des griffes du profit personnel et égocentrique. Quelle que soit l’institution qui la gère, aussi longtemps que la terre aura perdu sa valeur socioculturelle qui la rendait sacrée, respectable et respectée de tous ; aussi longtemps qu’elle sera réduite en une vulgaire marchandise aux mains de n’importe qui, n’importe comment, permettant d’amasser de l’argent facile avec une soif inextinguible de s’enrichir, et davantage s’enrichir ici et maintenant, le foncier sera la plus grande menace pour la stabilité de la République.
Sans avoir résolu en profondeur et durablement la question de la terre, mère de toutes les ressources, ne chantons pas les éloges, ne dansons pas l’épopée de la décentralisation et de la régionalisation, comme panacée.
A l’orée de la régionalisation, le bourbier foncier fait encore ressembler le Mali à ce bateau ivre qui, pendant qu’il prend de l’eau de toutes parts, ses passagers, en liesse, y chantent et y dansent.
Les Services sociaux de base ne constituent ni la preuve de la vitalité d’une décentralisation, ni un gage de stabilité du pays. Tâtons davantage, le pouls du Mali profond. La grogne monte autour du foncier.
Un village peut traverser des siècles sans une seule salle de classe, sans un centre de santé, sans forage moderne, sans une route bitumée. Mais, le jour où il se retrouve sans terre, il disparaît en tant que village. En bamanankan, le village doit son nom à sa terre, «dugukolo : l’os du village, la forme du village». Pour un paysan qui perd sa terre, le monde s’effondre. La terre est l’ossature, la charpente qui soutient toute la vie, le socle de ce « développement du terroir » que la régionalisation nous promet.
Excellence, Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement;
Messieurs les Ministres,
Ceux qui banalisent cette question foncière, ne réalisent pas que l’injustice peut faire basculer même les peuples les plus dociles dans le terrorisme. Ils ne réalisent pas la sagesse du Révérend père Sud-africain, Desmond Tutu qui dit: «Même un ver de terre peut se révolter à force de le fouler au pied».
L’injustice et les abus de pouvoir sont à combattre, parce qu’ils sont la sève nourricière de la méfiance et du mécontentement populaires, le lit naturel de la révolte, la source de l’instabilité.
Ils conduisent à «bolibana», la fin de la course. Fin des mensonges, des illusions, des certitudes tranquilles et de l’auto-congratulation.
Jamais, ce risque n’a été aussi grand au Mali. Jamais, n’ont été autant réunis tous les ingrédients d’un soulèvement populaire contre la spéculation foncière. A tout moment, les fondements de la République peuvent s’effondrer sous le séisme foncier dont la magnitude ne se calcule pas sur l'échelle de Richter. Cette magnitude se calcule sur l’échelle de la colère des foules, l’échelle de la révolte, voyant dans le moindre signe d’opulence, dans le moindre signe de réussite sociale, une cible à abattre.
Il suffit de se donner le courage de dépasser les vernis et les maquillages de la réalité, pour se rendre à l’évidence.
Ne laissons pas la cupidité de quelques individus exposer la nation à une telle dérive. La révolte est un grand gâchis. Elle combat l’injustice par la passion aveugle, donc par une autre injustice. Elle se trompe d’adversaires et le plus souvent, fait pâtir le bon pour le méchant.

En ne nous focalisant que sur les services sociaux de base et le transfert des ressources aux collectivités locales (beaucoup ne pensant qu’au transfert d’argent), il est à craindre que le proverbe bambara ne nous rattrape : «Ni naloma kunkolo bè ka funu, a b’a fo ko ale bè ka bonya» : quand la tête de l’idiot s’enfle, il se réjouit de son embonpoint.

Sans pessimisme, sans frilosité, mais avec humilité et courage, mesurons à sa juste valeur, la question foncière. La République dort sur une bombe.
Qu’Allah nous en épargne !
Excellence, Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement;
Messieurs les Ministres,
Entre juges, administrateurs et élus locaux, les paysans sont les agneaux sacrificiels, les victimes expiatoires des querelles d’hégémonie, des divergences d’interprétation et des formes d’application des textes sur le foncier. Les citoyens sont réduits à la liberté de choisir entre la gueule du loup et celle du lion.
En la matière, il ne s’agit pas de retirer au juge son autorité pour la donner à l’administrateur. Il ne s’agit pas de dépouiller l’administrateur de ses prérogatives au profit du juge. Non plus de faire de l’élu local, le nouveau dieu de la forêt. Encore moins, d’empêcher, au nom de quelque autorité coutumière, des fils de la nation, d’accéder à la terre, de produire pour nourrir leurs familles et contribuer au développement de la nation.
Il s’agit de revisiter les mécanismes et compromis qui ont permis à nos ancêtres d’asseoir une gouvernance de grande stabilité autour du foncier. Notre culture ne pas être à la fois et en même temps, fondée d’une part, sur l’hospitalité et le sens de l’intérêt général, et d’autre part, alimenter le rejet de l’autre. Si l’occupation des terres soulève tant de tollé, les raisons doivent être cherchées ailleurs que dans les replis identitaires, le simple instinct de survie ou le rejet des «étrangers» par les «autochtones».

Ne nous abritons pas derrière les alibis de la démographie et de l’urbanisation galopante. Des nations plus peuplées et plus urbanisées que le Mali, gèrent autrement leurs questions foncières. Il s’agit de sortir du schéma apocalyptique où, le fort vit aux dépens du plus faible, le riche au crochet du pauvre et le nouveau venu du déguerpissement de l’autochtone.
Il s’agit de convaincre les maliens que, face à un Etat organisé, face à un peuple débout, l’Argent-Roi, l’Argent-dieu aussi, peut perdre.
Excellence, Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement;
Messieurs les Ministres,
Les sept villages de Koutiala dont nous avons parlé, ne méritent pas d’être rayés de la carte du Mali, car c’est cela qui s’annonce en filigrane, au rythme de ces morcèlements et ventes anarchiques qui, nous le répétons bien, ont semé des troubles sur plus de 880 ha, soit environ 9 Km2. Les paysans qui y sont, ne méritent pas d’être expropriés et chassés de leurs terres natales, leurs terres ancestrales, d’être contraints à l’exode pour venir gonfler les bidonvilles, cesser de vivre et se résigner à survivre, à vivoter. Les mettre à la périphérie de la nation, c’est encore déplacer, enfler et complexifier le même et unique problème foncier.
Ils méritent votre très haute attention. Ils méritent votre secours pour mettre fin à une décennie d’insomnie qu’ils ne méritent pas.
Donnez-leur la chance et le droit de répondre à l’appel de leur destin. Ils sont paysans aux cheveux ébouriffés, aux sourcils broussailleux, aux mains et pieds calleux, ne sachant ni lire, ni écrire, dociles comme la terre. Mais, ils nourrissent la nation. Et surtout, ils sont aussi des êtres humains.
Leur allure rustique ne leur vaut pas tant de mépris, tant d’abus. Ils ne font que rappeler à chacun de nous à quelque hauteur où nous nous trouvons, nos racines, nos origines modestes : un petit village, un microscopique hameau, un obscur taudis.
Ils ne connaissent que leurs champs, leurs terres, pour contribuer à traduire le beau et le grand rêve du Mali de devenir une puissance agricole.
Nous croyons au grand attachement de chacun de vous à la construction de la stabilité du Mali. Nous apporterons notre pierre à l’œuvre commune. A visage découvert, nous dénoncerons, proposerons et assumerons.
Nous ne désespérons pas d’Allah.
Bamako, le 14 août 2014
Tiècoura Coulibaly,
• Premier Conseiller du Chef de village de Bougoro (Commune Urbaine de Koutiala) ;
• Professeur d’Enseignement secondaire ;
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