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Dr. Abdoulaye Niang sur les pourparlers inclusifs inter-maliens : « Nous sommes entrain de rater la coche en disant que c’est un accord politique »
Publié le vendredi 12 septembre 2014  |  infosept




Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, le Pr. Abdoulaye Niang, ancien fonctionnaire des Nations Unies à la Retraite, économiste de la défense et directeur exécutif du Centre « Sènè », nous parle entre autres de la particularité de la rébellion que nous connaissons aujourd’hui, des enjeux des pourparlers des pourparlers inter malien qui se passent à Alger et du prototype d’accord à signer pour une paix définitive

Quel regard portez-vous sur les différents accords signés entre le Mali et les différents groupes armés ?

Si on se trouve encore à Alger pour parler d’un autre accord, cela veut dire que les accords passés étaient fondés sur des bases qui n’étaient pas solides, donc pas fondés sur l’analyse réelle de la situation. Ce problème continue dans la mesure où nous sommes souvent pressés pour acculer, pour signer des accords, mais nous ne nous donnons pas le temps nécessaire pour faire l’analyse de la situation et partager certaines propositions avec les organisations de la société civile et notamment les médias pour qu’ils amènent dans un débat pluriel leur opinion qui équipera mieux les négociateurs.

Je crois que souvent, ça été des accords politiques alors que le problème est fondamentalement économique. Et, nous sommes entrain de rater la coche en disant que c’est un accord politique. J’avoue que ce n’était pas au ministère des Affaires Etrangères de diriger une telle négociation, mais plutôt au ministère en charges des Collectivités Locales dans la mesure où c’est considéré comme un problème interne.

Que pensez-vous de l’intégration des combattants rebelles dans les services publics et notamment les forces de défense et de sécurité ?

Je pense que la chose la plus simple qui a été faite à travers les autres accords c’était l’intégration des combattants, non seulement dans la fonction publique malienne (et au niveau plus élevé le plus souvent) mais aussi dans l’armée et la sécurité. On s’est rendu compte que cela a été une erreur parce que ces combattants une fois sur les champs de bataille procèdent le plus souvent à des replis stratégiques. Ainsi, ceux qui sont du sud battent retraite et ceux qui sont du nord battent retraite pour s’intégrer dans leurs communautés locales. Finalement, nous n’avons pas d’armée nationale dans la mesure où quand il y na un armée nationale qui est faite de deux parties (nord et sud), la cohésion est rompue dès qu’il y a le premier coup de canon. Alors cette intégration reste une erreur.

Quelle particularité trouvez-vous avec la rébellion que nous connaissons aujourd’hui ?
Ce qui fait la différence de cette rébellion avec celles des autres années, c’est que dans le vieux temps, si les gens disaient que c’était des berges qui se mobilisent et qu’ils peuvent se satisfaire par une intégration dans la fonction publique, je pense que cette fois-ci ça va au delà. C’est la diaspora intellectuelle des communautés locales et celles de Kidal en particulier qui, sur une poussée irrédentiste surtout grâce à la RFI (donc le gouvernement français) mais aussi avec l’appui des pays comme la Suisse, la Belgique et autres qui ont formé cette génération à ne pas se satisfaire simplement d’une intégration dans les services publics administratifs. Et, si vous regardez, ils (les groupes armés) ont demandé 3000 places dans l’armée dont 100 généraux pour les communautés. Ils ont également dis que si on devait exploiter les ressources de la région, que 60% leur resteraient. Donc, tout cela pour vous dire que c’est totalement différents dans la mesure où ils ont développé un internationalisme qui tend à parler beaucoup plus d’autonomie, de fédéralisme et l’Etat malien parle aussi de décentralisation poussée ou renforcée avec une bonne gouvernance.

Quel bilan économique peut-on faire des différents accords signés entre l’Etat malien et les groupes rebelles ?

En fait, s’il y a un bilan économique et dans le terme que je comprends en tant qu’économiste, est d’organiser une caravane avec les gens de Kidal sur la ville de Kéniéba (ville la plus industrialisée de Kayes en terme minier) pour aller voir comment l’économie qui est développée à travers l’exploitation minière a contribué à appauvrir la population, comme si l’or était une malédiction pour elle. Donc, ils allaient comprendre que nous avons besoin d’autres choses pour que l’économie puisse marcher. A la suite, je dirais que les gens du sud pensent aussi qu’il y a de grands projets qui vont vers le nord et vice versa. Et, finalement, les deux populations se bagarrent pour un bien être qui n’existe pas car par exemple au nord on ne verra aucun résultat concret durable desdits investissements. Ainsi, ils sont obligés de se rabattre sur les offres des organisations mobiles d’extrême violence qui leur donnent la possibilité d’être embauchés pour faciliter les transits de la drogue, le marché des otages etc.

Donc, sur le plan économique, nous n’avons pas puis exploiter les ressources minières qui existent dans les régions du nord telles que les eaux souterraines, les champs solaires et autres ressources rares.

Notons aussi que le Mali devient la plaque tournante pour le trafic de drogue, mais cela échappe à l’économie réelle. Et Boko Haram et autres viennent non seulement pour avoir de l’argent mais aussi pour les transactions d’armes. Il se peut qu’il y ait aussi des avions qui viennent avec des armes surtout que le Burkina-Faso est à côté où Blaise est spécialiste de trafic de contrebandes d’armes pour les zones de guerres comme au Libéria et la Sierra Leone. Je suis persuadé que dans les cas malien que des armes les plus sophistiquées y transitent.

Le gouvernement et les groupes armés du nord sont en pourparlers pour trouver une paix définitive pour cette partie du Mali. Quel espoir peut-on fonder de cette rencontre ?
Mon espoir est que le Haut représentant du Président de la République réussisse. Mais, pour être réaliste, je dirais que vue ce qui se passe là-bas à Alger, le résultat ne sera pas bon parce qu’encore une fois de plus on part dans l’impréparation dans la mesure où on a pas de stratégie claire de sortie globale de crise. Nous n’avons pas de vision claire de la globalisation qui pouvait expliquer pour quoi la présence de la MINUSMA, de Serval et le dispositif autour de l’opération Barkhane.

Il faut savoir par ailleurs que la globalisation a désindustrialisé l’Europe et les USA à cause de la délocalisation des industries vers la Chine et qu’un Etat comme la France a aujourd’hui 0% de taux de croissance et que l’économie française dépend beaucoup plus de l’Afrique. Donc, la France profite de cette situation d’insécurité pour s’armer et armer les djhadistes. Et, en prenant des pays comme la France pour faire la facilitation, on ne peut pas avoir de bon résultat. C’est pour ces raisons que nous disons qu’il faut qu’on accorde de la place à la production intellectuelle comme cela a été affirmé à la conférence de Bruxelles du 15 mai 2013.

Alors, quel prototype d’accord peut-on signer une paix définitive pour la partie nord du Mali ?
Je pense qu’aujourd’hui, nous avons un problème de concept. Il y a le concept côté gouvernement (même s’ils n’ont pas approfondi) qui parle de la décentralisation renforcé et de la bonne gouvernance. Et, si la bonne gouvernance est ce que nous attendons, faire des élections et que le Président s’isole pour dire que je suis là pour cinq ans et si je ne fais pas ce que vous voulez vous m’attendez dans 5 ans. Moi je parle plutôt d’un système de bonne gouvernance qui repose sur la gouvernance social et culturelle, la gouvernance économique d’entreprise et de la gouvernance politique et administrative. Si cette forme de bonne gouvernance est mise en œuvre, il ne devrait pas y avoir de problème avec la gestion d’autonomie demandée par le MNLA.

Donc, si les groupes rebelles veulent une autonomie pour s’assurer que toute ressource nationale qui va être exploitée chez eux soit à un standard de seuil de sécurité économique et sociale, qui est un signe de bonne gouvernance économique, il n’y a absolument pas de problèmes. Et même si l’Azawad devenait un Etat et aussi longtemps que les deux Etats ne se mettent pas ensemble même si c’est dans le fédéralisme, le problème sera le même.
Alors, la solution c’est d’aller ensemble pour faire face à la contradiction externe des djhadistes qui se trouvent dans le Sahara malien en organisant une conférence internationale où on mettre sur la table la création d’un projet de co-entreprise du Sahara qui sera basé à Téssalit et qui coupera la route du trafic illicite.

Je pense qu’on peut plier les bagages d’Alger pour faire face à la contradiction externe en disant aux gens du nord que la bonne gouvernance vous donnera plus d’autonomie de gestion.

Entretien réalisé par Dieudonné Tembely
Encadré
Une rébellion 4 accords

Accords de Tamanrasset en 1991

Les accords de Tamanrasset du 6 janvier 1991, signés sous médiation algérienne dans cette ville, par le colonel Ousmane Coulibaly, chef d’état-major général des armées du Mali et Iyad Ag Ghali qui dirigeait les insurgés Touaregs, visent à mettre un terme à la rébellion touarègue de 1990-1991. Ils entraînent la démilitarisation des régions de Kidal, Gao et Tombouctou, les trois régions du Nord, à savoir3 797 000 km2. Après ces accords, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad se scinda en plusieurs groupes : le Front populaire de libération de l’Azawad (FPLA), l’armée révolutionnaire de libération de l’Azawad (l’ARLA) et le Mouvement populaire de l’Azawad (MPA) d’Iyad Ag Ghali.


Le Pacte national
(1992) entre le gouvernement de la république du mali et les mouvements et fronts unifies de l’Azawad consacrant le statut particulier du nord du Mali a été conclu l’année suivante mettant fin à un soulèvement de la rébellion touarègue sous la transition alors que le colonel ATT était chef d’Etat.


Accords d’Alger (2006)
Les Accords d’Alger pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal, sont des accords fixant les modalités du développement du Nord Mali. Ils permettent un retour à une normalisation des rapports entre la 8e région du Mali, la zone de Ménaka et l’État malien. Ils font suite au soulèvement touareg du 23 mai 2006 à Kidal et à Ménaka au Mali. Ils ont été conclus à Alger le 4 juillet 2006 et signés entre : les représentants de l’État malien ; les représentants de l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement. Ils ont été négociés sous la médiation de l’Algérie.


Accord de Ouagadougou (2013)
L’accord de Ouagadougou est signé le 18 juin 2013 entre la République du Mali et les groupes armés rebelles du MNLA et du HCUA. Les négociations débutent le 6 juin, elles s’ouvrent dans un contexte tendu car la veille, l’armée malienne s’emparait de la ville d’Anéfif après la bataille d’Anéfif livrée contre le MNLA. Le 7, l’émissaire du président malien Tiébilé Dramé demande à ce que le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) et les milices Ganda Koï participent aux négociations. Mais les groupes armés touaregs et la médiation burkinabè refusent. Les trois premiers jours, les discussions bloquent. Le Mali demande un désarmement du MNLA dès l’entrée de ses troupes à Kidal tandis que les rebelles exigent la suspension du mandat d’arrêt international émis par le gouvernement contre ses principaux membres. Un accord est finalement trouvé afin de permettre la tenue de l’élection présidentielle à Kidal pour la fin du mois de juillet. Une commission mixte est mise en place, comprenant quatre membres de l’armée, quatre membres des groupes rebelles, ainsi que des représentants de l’armée française et de la MINUSMA. Elle a pour mission de planifier le retour de l’armée et de l’administration à Kidal et d’encadrer le processus sécuritaire. Un cessez-le-feu immédiat est décrété, ainsi qu’un cantonnement des combattants rebelles. Le Mali renonce à son exigence d’un désarmement immédiat des rebelles touaregs, en échange le MNLA accepter le déploiement de l’armée malienne à Kidal. Selon RFI : « Mali: les grandes lignes de l’accord signé à Ouagadougou ».

L’accord est signé le 18 juin 2013, après 11 jours de négociations. Il est signé, côté malien par le ministre de l’Administration territoriale, le colonel Moussa Sinko Coulibaly, et par Bilal Ag Acherif, secrétaire-général du MNLA et Algabass Ag Intalla, représentant du HCUA, en présence du président burkinabè, Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne.
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