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Commentaire : Triste fin de règne annoncée pour Blaise Compaoré
Publié le vendredi 31 octobre 2014  |  L’Indépendant
Blaise
© Autre presse par DR
Blaise Compaoré, président burkinabé




Il y a deux Blaise Compaoré. Le premier, c’est l’homme qui est arrivé en octobre 1987 à la tête du pays des hommes intègres par un coup d’Etat sanglant dont la victime la plus illustre a été son ami feu le capitaine Thomas Sankara. D’autres de ses amis et frères d’arme y passeront tels les capitaines Henri Zongo et Jean-Baptiste Lingani. Blaise consolide son pouvoir dans le sang. Tour à tour, disparaîtront Clément Oumarou Ouédraogo, Watamou Lamien, Guillaume Sessouma. Blaise n’aime pas être contrarié dans ses prises de décision. Tous ceux qu’il soupçonne de s’opposer à sa volonté sont effacés. Notre confrère Norbert Zongo, fondateur de L’Indépendant du Burkina Faso, sera l’une des victimes de sa folie assassine. Parce qu’il enquêtait sur la mort par torture de David Ouédraogo, le chauffeur de son frère cadet François Compaoré, accusé de vol d’argent, Zongo sera lui aussi brutalement assassiné et son corps brûlé par la garde présidentielle aux ordres de Blaise.

Le second, c’est le Médiateur qui s’est évertué à faire la paix et à réconcilier les frères ennemis au Libéria, au Togo, en Côte d’Ivoire, au Niger, en Guinée, au Mali. Du coup, il est apparu comme l’héritier de feu Félix Houphouët Boigny, le père de l’indépendance ivoirienne, le sage de Yamoussoukro, l’homme de paix. Ouagadougou devient une Mecque, le lieu de convergence de tous ceux qui s’entredéchirent sur le continent et aspirent à se retrouver fraternellement. La France, l’Occident de façon générale, les organisations internationales qui œuvrent au développement lui découvrent une nouvelle vertu et déroulent le tapis rouge à ses pieds. Il devient un commis voyageur de la paix. Le tueur de Ouaga, comme on l’appelait en son temps dans certains milieux, devient un homme fréquentable. Et même doué d’une certaine sagesse. Le voici qui conseille à son grand aîné Mamadou Tandja, qui voulait rempiler, en février 2010, pour un troisième mandat à la présidence du Niger, en modifiant la Constitution pour ce faire, de renoncer à commettre cette violence contre la loi fondamentale porteuse d’instabilité. Le même Blaise Compaoré tentera de convaincre Laurent Gbagbo de quitter son palais au lendemain de sa défaite électorale en 2011.
Mais on le voit aujourd’hui, ces conseils étaient bons pour les autres mais pas pour lui. Lui, en effet, est adulé par son peuple qui n’a qu’un rêve : qu’il reste le plus longtemps possible, pourquoi pas toute sa vie, au palais de Kosyam. Les manifestations qui se déroulent depuis 48 heures à Ouaga, Bobo-Dioulasso et dans d’autres villes du pays lui ont sans doute enlevé toute illusion à ce sujet.
Après 27 ans passés à la tête du Burkina Faso, Blaise Compaoré a assurément eu tout le temps de se préparer une succession en douceur et de jouir paisiblement de l’immense fortune qu’il a accumulée par des méthodes pas toujours orthodoxes. Les hommes de valeur ne manquaient pas pour cela. On citera pêle-mêle Roch Marc-Christian Kaboré, qui fut son Premier ministre avant de présider l’Assemblée nationale, Ablassé Ouédraogo, qui fut le fonctionnaire burkinabé le plus haut placé à l’international au poste de Directeur adjoint de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Kadré Désiré Ouédraogo, l’actuel président de la Commission de la CEDEAO. La liste est loin d’être exhaustive. Tous auraient pu poursuivre l’œuvre de construction nationale qu’il a entamée et lui assurer une retraite paisible et sécurisée. Au lieu de cela, il a voulu s’éterniser au pouvoir, faire du Burkina Faso sa propriété privée a l’instar de Eyadema au Togo, Lanssana Konté en Guinée, Omar Bongo au Gabon et, pour citer quelques mauvais exemples encore vivants, Paul Biya au Cameroun, Dénis Sassou N’Guesso au Congo et le pire de tous, Robert Mugabe au Zimbabwé. Ha ! On l’oubliait, le grabataire Abdel Aziz Bouteflika en Algérie.
Blaise s’achemine inéluctablement vers une sortie peu glorieuse de l’histoire. Car, il n’a pas su s’approprier cette parole du Général de Gaulle : « On n’a jamais affaire au même peuple en l’espace de 20 ans ». Le peuple burkinabé, qui tente aujourd’hui de le déloger de son palais, est politiquement mûr, conscient de ses droits et déterminé à les défendre. Il n’a rien à voir avec celui des années 80, contraint à la résignation et au silence par la terreur.
Bruno Djito SEGBEDJI
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