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Me Kassoum Tapo au sujet de la marche républicaine de Paris : «Le Mali a payé une dette d’honneur»
Publié le lundi 19 janvier 2015  |  Le Prétoire
Maitre
© Autre presse par DR
Maitre Kassoum Tapo, vice pprésident de l’Adema




En marge de la marche républicaine de Paris à laquelle il a pris part, sur invitation du Président malien, Me Kassoum Tapo a bien voulu se confier aux journalistes maliens présents à ce grand rassemblement. Dans cet entretien que nous vous proposons, l’avocat insiste sur le bien-fondé de la participation d’IBK à la marche de Paris, se prononce sur son statut politique et revient sur le dossier de la surfacturation des contrats d’armement dans lequel il conseille la société GUO Star, adjudicataire de ce marché entaché d’irrégularités, du moins selon plusieurs rapports. Lisez plutôt !

Le Prétoire : Vous avez accompagné Ibrahim Boubacar Keïta pour la marche républicaine à Paris, peut-on savoir le bien-fondé de cette manifestation ?

Me Kassoum Tapo: Le président de la République m’a fait le privilège et l’honneur de m’inviter, à la suite de l’invitation qui lui a été adressée par le président Hollande, pour participer à cette grande marche contre le terrorisme. Je me suis senti bien entendu honoré, mais j’avoue que je ne m’attendais pas à ce que cet événement prenne une telle importance. Vous avez vu le peuple français tout entier, à l’unisson. Tous horizons politiques, toutes religions et toutes couleurs confondues, plus de 3 millions de personnes étaient sur les pavés, avec en tête des chefs d’Etat venus du monde entier. Y compris, évidemment, le Président Ibrahim Boubacar Keïta qui a été honoré comme vous l’avez certainement vu. Les gens n’ont peut-être pas tout à fait conscience des règles protocolaires, mais c’est extrêmement important dans une démocratie comme celle de la France où rien n’est gratuit dans le protocole. Habituellement, quand un roi et une reine se trouvent dans une cérémonie officielle, conformément aux règles du protocole, ils sont mis en première ligne. Il y avait d’autres chefs d’Etat plus anciens que le nôtre dans le protocole, mais c’est le Président IBK qui a été choisi par Hollande pour être à sa droite.

Voulez-vous dire qu’il était en vedette ?

Ce n’est pas une question de vedettariat. Je pense que cela a tout son sens. Ça dénote de l’importance accordée au Mali dans la lutte contre le terrorisme. Le Mali a été victime de terrorisme. La France est intervenue le 11 janvier 2013 pour libérer le Nord des djihadistes. Il y a des Français qui sont morts chez nous pour notre liberté, pour la même lutte contre le djihadisme. Donc, s’ils sont victimes de ce même terrorisme, et que le Président de la République du Mali accepte de venir à cette manifestation, je pense que c’est un juste retour des choses. On a eu une dette d’honneur qu’on a payée, et la France a été reconnaissante envers le Mali en honorant notre président. Je pense d’ailleurs qu’à travers Ibrahim Boubacar Keïta, le Mali a été honoré. Je pense surtout qu’en cette période où la gouvernance du Mali a été décriée, c’est un signal fort qu’il a voulu donner pour montrer que les relations qui sont entre le Mali et la France sont bonnes, ce qui les unit dans la lutte contre le terrorisme. Cela a été une symbolique à laquelle j’ai été très sensible, comme beaucoup d’autres Maliens. Je ne parle pas de ceux qui pensent qu’il aurait dû rester un caporal et être à Nampala, mais de ceux-là qui ont une autre vision des choses, qui savent là où doit être un Général, un Caporal ou un Sergent. Eh bien, croyez-moi, cela a fait beaucoup de jaloux.

Si je comprends bien, vous êtes «Charlie ?»

Bien sûr ! J’avais le pin’s Charlie. Je l’ai arboré et j’en étais fier. Voir une telle marche, une telle union à Paris est historique. Le 11 janvier 2015 sera une date historique dans la lutte pour les valeurs de la République en France, parce que ce sont ces valeurs, notamment la liberté de la presse, qui étaient visées. Les humoristes sont des éléments essentiels pour une démocratie. C’est donc la démocratie, la liberté et les valeurs républicaines qui étaient visées. Tous les militants des droits de l’Homme, d’où qu’ils viennent, avaient le devoir de participer à cette marche.

Selon vous, qu’est-ce que la participation d’IBK à cette marche peut apporter au Mali ?

Je l’ai dit; c’est la considération, le respect et la grandeur restaurée du Mali. On a été malmené et meurtri un moment. Aujourd’hui, c’était un signal fort pour montrer que nous ne sommes pas abandonnés, que nous bénéficions de la solidarité internationale pour mener cette lutte contre le terrorisme. Ça a une signification extrêmement importante. Vous avez vu tout ce qui a été dit, tous les amalgames qui ont été faits sur les rapports de la France et du Mnla. Je pense que cela est désormais clair, et cela a été clairement signifié par François Hollande que la France sera avec le Mali dans sa lutte contre le terrorisme. C’est cela le message fondamental.

Il n’en demeure pas moins que nous sommes un pays à plus de 95% de musulmans. C’est vrai, autant on a condamné l’attentat perpétré contre les journalistes, autant nous condamnons les caricatures. Est-ce que la liberté d’expression donne droit à tout, surtout à caricaturer un Prophète ?

Quelqu’un a dit qu’on peut se moquer de tout, mais pas de n’importe qui. Tout le monde, évidemment, n’a pas le sens de l’humour. Mais je suis un musulman croyant, pratiquant. Je ne cautionne sûrement pas ces caricatures qui ont été faites, mais je ne prendrai certainement pas un fusil pour aller tuer ceux qui les ont faites. Il ne faut pas faire l’amalgame. L’Islam n’a jamais demandé de tuer, au contraire. Dans le Coran, il est dit que si vous tuez un homme, c’est comme si vous avez tué tous les hommes. C’est une prescription divine de respecter la vie humaine. Donc, quel que soit le délit ou le crime qui a été commis par un journaliste, on ne peut attenter à sa vie au nom de l’Islam. Ça n’a rien à voir et c’est cela que j’appelle amalgame. On peut être contre ces caricatures. Je suis contre, je ne partagerai rien avec des gens qui se moquent des prophètes, pour autant, je ne prendrais pas de fusil pour les tuer. Ils ont leurs convictions, j’ai les miennes. Il faut respecter la vie humaine et la liberté de chacun.

Pour parler de l’actualité nationale, le Président de la République vient de nommer un Premier ministre, quelle appréciation faites-vous du nouveau gouvernement ?

Le Premier ministre nommé par le Président n’est pas nouveau dans la sphère politique malienne. Il a déjà assumé ces fonctions-là. C’est un grand commis de l’Etat, un homme d’expérience et de sagesse avérée, dont l’intégrité et la compétence sont reconnues par tous. J’espère que les hommes et les femmes qu’il a choisis vont conduire le Mali à bon port.

Le Mali a été décrié sous l’ancien gouvernement en ce qui concerne la gouvernance. Vous êtes avocat de GUO Star, une société qui détient l’un des marchés les plus contestés. Cela va-t-il changer quelque chose ?

Je pense qu’il y a eu beaucoup d’excès dans le langage, dans les réactions. Il y a eu des manipulations selon les intérêts politiques de certains. Je crois qu’il faut revenir à l’essentiel. C’est que les partenaires financiers sont revenus au Mali. C’est par nous qu’ils avaient eu cette réaction-là. Je crois que les choses ont été rétablies, il faut qu’on avance. Dans tous les cas, il y aura toujours des marchés qui vont être passés, et chaque fois qu’il y en aura, des gens vous diront qu’il y a eu ceci ou cela. Je pense que cela fait partie de la nature humaine. L’essentiel est que le droit reprenne le dessus, que le Mali reprenne le dessus et qu’on puisse avancer. Je ne mets personne en cause, mais je dis qu’il y a beaucoup de manipulation dans tout cela.

Toujours dans le même dossier, il semble que le Pôle économique voudrait entendre votre client qui n’est malheureusement pas à Bamako. Au même moment, vous réclamez 69 milliards FCFA à l’Etat malien. Comment expliquer cette situation ?

Les choses sont simples. Vous avez un contrat signé par un ministre de la République du Mali, qui a passé commande d’un certain nombre de matériels, livrés à ce jour presqu’à 100%. La banque qui a financé l’opération a payé plus de 40 milliards de nos francs. A l’heure où je vous parle, l’Etat n’a pas encore déboursé le moindre centime. Donc, ce sont mes clients qui ont financé, par leurs banques, ces acquisitions-là. A partir du moment où les livraisons ont été faites, l’Etat, sauf à être voyou, est tenu de payer puisqu’il a pris possession de la marchandise. Nous avons les PV de réception de tous ces équipements-là, sans la moindre réserve. Je crois que le FMI n’a jamais demandé l’annulation de contrat. Et ce contrat n’a pas été annulé. Donc, on fait beaucoup de spéculation pour rien. Qu’il y ait une enquête, cela est tellement normal. Le Vérificateur s’est cru autorisé à saisir le Procureur de la République alors qu’il n’en avait pas le pourvoir.

C’est le Vérificateur qui a saisi de son rapport le procureur chargé du Pôle économique alors qu’il aurait dû saisir la Cour suprême. C’est la Cour suprême, d’après son statut, qu’il aurait dû saisir s’il estime que les irrégularités commises dans le cadre de la passation de ces marchés constituaient une infraction.

Il a le droit de saisir la justice. Cela fait quand même partie de ses prérogatives, Maître !

Non, monsieur ! Le Vérificateur fait l’objet d’une loi spéciale, il a un statut spécial. Et son statut dit que lorsque, dans le cadre d’une vérification, il s’aperçoit qu’il y a des règles, soit sur la passation, soit sur le budget, qui ont été violées, et qu’il estime que ces violations peuvent constituer des infractions, il saisit la haute juridiction chargée des finances de l’Etat, c’est-à-dire la Section des comptes de la Cour suprême. Et si la Section des comptes estime que ces irrégularités constituent des infractions, à ce moment elle saisit le ministre de la Justice qui juge de l’opportunité ou non de saisir le procureur de la République. Voilà la procédure ! Mais, au lieu de cela, le Vérificateur a cru pouvoir, comme n’importe quel citoyen, porter à la connaissance du procureur des faits qu’il estime être infractionnels. Et à la date d’aujourd’hui, je ne vois pas ce qui est reproché à mes clients. Qu’est-ce qu’on leur reproche ? D’avoir livré des équipements à l’Armée ? Surfacturation, cela n’existe pas et je l’ai déjà assez dit. Il n’y a pas de texte, c’est la liberté des prix. Atteinte aux derniers publics ? A la date d’aujourd’hui, l’Etat n’a pas sorti 1 franc. Le Pôle économique a convoqué mes clients. C’est vrai, ils vont répondre, ils vont s’expliquer. Ils ont fait des investigations qui n’auraient pas dû être faites sur un compte privé qui n’a pas encore reçu un franc public. Mais on a joué le jeu. On a donné les comptes de GUO Star. Tout a été donné à la police. Sidy Mohamed Kagnassi n’a absolument rien à voir dans cette affaire-là. Il avait signé sur mandat du responsable de GUO Star, Amadou Kouma, parce que ce dernier n’était pas là, mais il va venir. Il n’a pas fui le Mali, il n’a pas volé, il n’a pas triché. Il a exécuté le marché, contrairement à d’autres marchés qui n’ont jamais été exécutés. Ils vont venir s’expliquer devant le Pôle économique qui les a convoqués. Mais, attention ! Ne faisons pas d’amalgame. Ils ne sont pas inculpés, ils ne sont pas gardés à vue, ils ne sont pas recherchés…

Ils seront à Bamako quand ?

Je ne peux pas vous le dire. C’est selon leurs obligations. Ils ont été convoqués et ils vont venir. Ils n’ont absolument rien à craindre ni rien à se reprocher jusqu’à preuve du contraire.

Il semble qu’ils craignent d’être déférés dès leur arrivée à Bamako ?

Ils vont être déférés devant qui ? Vous avez entendu qu’il y a un mandat à leur encontre ? Il ne faut pas faire d’amalgame, il y a une enquête qui est ouverte à la suite du rapport du Vérificateur qui a dénoncé des faits.

Cela peut conduire à leur incarcération, non ?

Pour l’instant, non ! Il n’en est pas question, c’est une enquête ouverte. Si on vous convoque demain à la police pour vous entendre dans n’importe quelle affaire, cela ne veut pas dire que vous êtes poursuivi. Cela n’a absolument rien à voir. C’est une enquête banale, ordinaire qui est ouverte, et moi je veux bien qu’on dise à mes clients qu’est-ce qu’on leur reproche.

On leur reproche la surfacturation, Maître ?

Ça n’existe pas, monsieur ! Il n’y a pas de délit ou de crime de surfacturation dans notre législation. Cela n’existe pas !

Au delà du traitement judiciaire de ce dossier, le gouvernement Modibo Keïta est tenu de s’atteler à l’accomplissement de beaucoup d’autres tâches. Quels sont, selon vous, les grands défis qui interpellent ce gouvernement ?

Vous savez autant que moi que le Mali est un pays extrêmement difficile à gouverner. Mais ceux à qui Dieu a confié cette charge-là, je crois qu’il faut leur donner la chance d’apporter leur petite pierre. J’entends certains crier qu’on jette les gens en prison. Ils ont oublié qu’ils ont géré dans ce pays-là. Il y a eu à dire et il y en aura encore à dire. Il ne faut pas qu’on jette les gens en pâture, simplement parce qu’ils ont géré. Le Mali est dans une situation où il y aurait dû avoir une union nationale comme ce qu’on vient de voir en France. C’est ce que j’attends de la classe politique, de la société civile. Que tous les Maliens soient solidaires, quel que soit le Premier ministre. Le gouvernement est passager, il est composé d’hommes et de femmes qui sont des Maliens. Il faut les aider à sortir de cette situation difficile notre pays.

Pour parler de votre statut politique, êtes-vous Adema, UDD ou RPM ?

Je suis avocat, point !

Autrement dit, vous avez mis fin à votre carrière politique ?

Je ne vous ai pas dit cela. Ça, c’est des choses que l’histoire m’a appris à éviter. Beaucoup de gens ont dit qu’ils ne font plus la politique, mais ils sont revenus. Moi, je ne fais pas ça. J’étais avocat, je suis avocat et je reste avocat.

Vous êtes dans quel parti politique en ce moment, Maître

Je le répète encore une fois, je suis avocat, monsieur !

Au regard de tout ce qui se passe autour de nous, notamment au Nigeria, en Irak et autres, les gens pensent qu’il faut instaurer la peine de mort. Qu’en pensez-vous ?

Je crois que si le terrorisme pouvait justifier la peine de mort…l’exemple plus patent, c’est les Etats-Unis. La peine de mort existe dans presque tous les Etats de l’Amérique, mais les terroristes frappent presque tous les jours dans tous les Etats. Il ne faut pas faire d’amalgame. En France, la suppression de la peine de mort est irréversible, bien que cela ne soit pas mentionné dans la Constitution. Même le Front national (FN) ne réclame pas le retour, le rétablissement de la peine de mort. Je crois qu’il ne faut pas répondre au terrorisme par un terrorisme d’Etat. L’essentiel, c’est de mettre hors d’état de nuire ces criminels en les emprisonnant, pas en leur ôtant la vie. Car ils ne connaissent pas la valeur de la vie. C’est le saint Coran qui nous interdit d’ôter la vie à notre prochain.

Réalisée depuis Paris par Birama FALL (Le Prétoire), Chahana TAKIOU (22 Septembre) et Alexis KALAMBRY (Les Echos)
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