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Maroquinerie et cordonnerie : Mauvaise qualité des produits locaux, réalité ou préjugé?
Publié le mardi 27 janvier 2015  |  L’Essor




Tout de blanc vêtu, le ton autoritaire, le verbe vif et précis, El hadj Mamadou Soumbounou, cordonnier praticien, est le président de la Chambre des métiers de la Commune II de Bamako. Au Centre des ressources et de mutualisation des équipements où il vient d’arriver pour les besoins de l’entretien, sont opérationnels « un banc de finition, une machine à polir, à coudre les semelles, à fixer les talons, une plate à coudre, des élargisseurs … ». Assis face à deux posters géants à l’effigie d’El hadj Demba Soumbounou et de Sokoro Diawara sur lesquels on peut lire : « Hommage à vous qui avez porté haut le flambeau de l’artisanat malien », le spécialiste des peaux explique que l’UEMOA a doté sa structure afin de relever la quantité et la qualité de la production nationale. « Des matériels de pointe », se félicite-t-il.
Pourquoi la maroquinerie importée est, aux yeux des consommateurs, plus attrayante et de qualité supérieure aux produits locaux ? « La qualité de nos produits laisse à désirer. En plus, les artisans ne s’investissent pas à fond dans leur travail », juge Kadiatou Ouattara, employée à la CMDT. Elle décèle dans les produits locaux de maroquinerie un net problème de finition. Sa fille qui l’accompagne tient en main un sac en cuir de « fabrication béninoise acheté à 22 500 Fcfa ».
Comme pour rejeter l’accusation de mauvaise finition de leurs produits, les artisans soutiennent qu’ils n’ont aucun problème de formation, même s’ils regrettent le manque de suivi après les sessions de recyclage. S’ils se croient techniquement aptes à fabriquer des chaussures, des sacs à main de qualité, nos artisans déplorent tous « la rareté » des cuirs (peaux de grands ruminants) sur le marché. Le cuir est la principale matière première qui entre dans la fabrication des chaussures, des sacs… « La société malienne de tannerie (TAMALI), principale usine de tannage, ne fait plus que le premier tannage. Elle exporte les peaux pour la fabrication du produit fini », regrette Fadialan Dembélé.
Cet ancien formateur à l’Institut national des arts (INA) ayant opté pour le départ volontaire à la retraite en 1991, pointe aussi le faible pouvoir d’achat des Maliens. « Celui qui n’a pas les moyens ne peut pas s’acheter des produits de bonne qualité », rappelle-t-il en expliquant que certains artisans réservent leurs produits de qualité supérieure à l’exportation.
L’ancien secrétaire général de la Maison des artisans plaide pour une production de grande quantité et à bon marché. « Mais avec nos moyens rudimentaires, il est impossible de vendre au même prix que les produits importés », admet-il.
La cour du Centre des ressources et de mutualisation des équipements est animée. Vendeuses d’oranges, d’arachides, de jus… proposent leurs produits. Deux cireurs réparent des chaussures à l’entrée du pavillon de peaux et cuirs, spécialité cordonnerie. Des jeunes artisans sont occupés à fixer des peaux tendues sur des tabliers à l’aide de pointes sèches. L’odeur est nauséabonde par endroit. Une colonie de touristes français déambule entre les pavillons où l’on propose de la bijouterie, des tableaux, des habits traditionnels, etc.… L’un des Français s’offre un tableau pyrographé « Tintin à Gao ».
Teint clair, le verbe facile, le maître maroquinier, Fadialan Dembélé, revient à la charge. « Nous travaillons pour survivre. C’est pourquoi il est difficile de faire un travail à hauteur des attentes des consommateurs », concède-t-il.
Pour sa part, Malamine Haïdara, cordonnier, met en avant les coûts élevés de la fabrication pour expliquer les difficultés des artisans. Il explique qu’une semelle originale coûte 3000 Fcfa pour les mocassins. « S’il faut fabriquer une chaussure à partir de ce produit, le prix sera inaccessible au Malien lambda », souligne-t-il en rangeant ses articles. Malamine Haïdara pense que nos compatriotes commencent à consommer les produits locaux.
Barbe et favoris négligés, Boubacar Kourechi est un maroquinier converti en cordonnier. Cet habitant de Sénou est en train de mettre la dernière main à des chaussures en cuir appelées communément « nu-pieds ». Il nous invite à prendre place sur un coussin dans son atelier encombré de morceaux de peaux, de pneumatique, de souliers, de sacs à main, de porte-monnaies…
Pour lui, « la maroquinerie étrangère accroche les Maliens car nous avons un complexe d’infériorité par rapport à tout ce qui vient de l’étranger ». Il déplore le fait que « le Malien ne valorise pas ce qui est fabriqué chez lui. C’est hors du pays qu’il découvre le génie de ses artisans ». En guise d’anecdote, il rapporte que la semaine dernière une Malienne de l’extérieur est venue acheter un sac en cuir. Elle lui a dit qu’elle va le garder chez elle jusqu’à son retour. Car ici, les gens ne reconnaissent pas sa valeur.
Abdoulaye Sogoré est diplômé de l’Institut national des arts, spécialité maroquinerie. Le stagiaire loue la qualité et la durabilité des produits maliens qu’il qualifie de naturels, ajoutant qu’ils sont moins chers. « La plupart des produits importés contiennent un mélange de carton ou de plastique », assure l’artisan avec un sourire aux lèvres.
Le prix de la paire de souliers en peau de caïman varie entre 15.000 et 40.000 Fcfa, selon le modèle. Les mocassins coûtent entre 2500 Fcfa et 5000 Fcfa.
Le vieux El Hadj Soumbounou plaide pour la qualité des produits de nos artisans en faisant remarquer qu’un « produit peut être attrayant, mais pas résistant ». Le premier responsable de la Chambre des métiers de la Commune II soutient que nos artisans sont techniquement à la hauteur et que les productions maliennes sont compétitives à tout point de vue. « Nous formons beaucoup d’artisans venant des pays voisins », souligne-t-il.
N’empêche. Nos marchés sont inondés de produits importés. Les boutiques de chaussures débordent ainsi de souliers, de babouches, de porte-documents, de sacs à main, de « nu-pieds » fabriqués au Nigéria, au Maroc, à Dubaï, au Sénégal.
Cheick Moctar TRAORE
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