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Nord du Mali : A qui profite le chaos ?
Publié le jeudi 29 janvier 2015  |  L’aube
Gossi,
© Autre presse par mouhamar
Gossi, vendredi 3 octobre 2014 - L’Unité de police constituée de la MINUSMA à Gao a entamé une mission de reconnaissance dans le village de Gossi, situé à 165 km de la ville de Gao.




La marche du 27 janvier des jeunes de Gao sur le camp de la Minusma vient amplifier une rupture de confiance désormais instaurée d’avec les forces onusiennes depuis quelques mois, mais surtout réveiller une méfiance, voire une protestation, des Maliens vis-à-vis de l’arrivée de forces internationales dans notre pays depuis les premières heures du coup d’Etat du 22 mars 2012.
La marche du 27 janvier des jeunes de Gao sur le camp de la Minusma vient amplifier une rupture de confiance désormais instaurée d’avec les forces onusiennes depuis quelques mois, mais surtout réveiller une méfiance, voire une protestation, des Maliens vis-à-vis de l’arrivée de forces internationales dans notre pays depuis les premières heures du coup d’Etat du 22 mars 2012.

Aujourd’hui, les mains des soldats de la Minusma, sont certes tachetées de sang, celui des populations civiles qu’ils sont pourtant censés protéger. Pour autant, faudrait-il en arriver à leur retrait d’une quelconque partie du nord ou des zones insécurisées ? Y a-t-il une main invisible derrière cette tension entre la Minusma et les populations ? A qui pourraient profiter l’embrasement du nord et le chaos qui en découlerait ? Quelles conséquences d’un éventuel départ des casques bleus de l’ONU ?

Avant-hier, mardi 27 janvier 2015, les populations de Gao ont participé à une marche de protestation contre la décision d’un accord signé entre la Minusma et des groupes armés dont le Mnla, en vue d’établir une zone temporaire de sécurité dans le secteur de Tabankort. Composés en majorité de jeunes, les marcheurs réclamaient depuis la veille le départ de la Minusma qu’ils soupçonnent fomenter la partition du pays, notamment en muselant les groupes d’auto-défense dans leurs mouvements.

La marche dégénère rapidement, car en voyant cette foule nombreuse se diriger vers eux, les militaires onusiens, particulièrement les Rwandais, ouvrent le feu à balles réelles, provoquant des morts et des blessés.

C’est le dernier d’une série d’actes controversés reprochés ces temps-ci à la Minusma qui applique la théorie de « deux poids, deux mesures » selon qu’il s’agisse de Kidal ou des autres régions du nord. Quelles sont ces actes ?

Il y a juste quelques jours, les populations de Kidal avaient organisé une grande marche de protestation contre les positions de la Minusma dans la capitale de l’Adrar des Iforas. A l’occasion, les marcheurs ont lancé des projectiles et même saccagé du matériel de la force onusienne. Mais, celles-ci n’a pas pipé mot ; au contraire, elle a plutôt encadré « les esprits surchauffés » et contenus leurs assauts jusqu’au bout.

A l’opposée, mardi, face aux marcheurs de Gao, les casques bleus ont systématiquement appuyé sur la gâchette. L’homme de la rue voit dans ce paradoxe une partialité évidente selon que l’on soit Blancs (Kidal) ou Noir (Gao, par exemple).

Deuxième bourde : le communiqué de la Minusma après les affrontements de Tabankort. Dans ce communiqué, la Minusma annonce avoir bombardé un véhicule des séparatistes, cela, conformément à sa mission de protection des populations civiles. Mais là-dessus, le secrétaire général du GATIA, Fahad Ag Almahamoud, est formel et témoigne : « J’ai été surpris lorsque la Minusma a déclaré avoir bombardé un véhicule près de Tabankort. En aucun moment, les groupes n’ont été à moins de 30 kilomètres de Tabankort. Nos hommes sur le terrain n’ont signalé aucun bombardement aérien dans cette localité. Car aucun hélicoptère n’a survolé la zone ». Alors, pourquoi la Minusma inventerait-elle une telle chose ? Almahamoud a son idée : « Cette reconnaissance d’un prétendu bombardement contre un véhicule de la coordination n’est-elle pas un moyen pour la mission onusienne de légitimer une éventuelle frappe contre nos éléments demain ?».

Troisième bourde de la Minusma, c’est la signature en catimini avec la Coordination des mouvements de l’Azawad d’ « un accord pour l’établissement d’une zone temporaire de sécurité ». Cet accord est jugé par tous les connaisseurs comme étant un prototype de schéma de partition progressive du pays. C’est une manière, voit-on, de museler les groupes armés loyalistes et de permettre aux rebelles du Mnla et alliés de s’implanter dans la prétendue zone de sécurité.

Même le gouvernement dénonce un tel comportement des « Onusiens ». Dans son communiqué suite aux événements du 27 janvier, le gouvernement « dénonce » une décision prise sur une base non inclusive, et été perçue, par conséquent, comme défavorable au processus de paix et de réconciliation en cours.

Rappelant que l’une des missions essentielles de la Minusma est la protection des populations civiles, le gouvernement l’exhorte au traitement impartial du gel des positions et l’engage à ses côtés à prendre les initiatives propres à résorber la situation ainsi créée.

Et c’est justement contre cet accord de partition du pays que les populations de Gao se sont soulevées, réclamant le départ des militaires étrangers.

Face à la situation, la Minusma s’explique (elle persiste que le projet a été manipulé à des fins politiques), décide de retirer ledit document, et manifeste sa volonté de poursuivre de manière inclusive le processus de consolidation du cessez-le-feu et de la sécurité.

Sans avoir atteint le point de non-retour, la crise de confiance entre les populations maliennes en général, celles du nord en particulier, et la Minusma est telle que le retrait des forces onusiennes prend de plus en plus corps.

Mais, l’une des questions essentielles est de savoir qui tire les ficelles pour un pourrissement de la situation. A qui profite ce chaos savamment installé dans le nord ? s’interrogent d’autres analystes. Enfin, quelles pourraient être les conséquences d’un éventuel départ des casques bleus du nord.

A notre avis, dans le contexte global actuel et l’état de notre armée, un tel schéma sera catastrophique pour l’unité nationale et l’intégrité du territoire. Il engendrerait automatiquement l’occupation du nord par les groupes armés terroristes et djihadistes. Faudrait-il rappeler à ce propos, la douloureuse expérience de 2012. En effet, après le coup d’Etat du 22 mars, les envahisseurs ont annexé le nord en trois (petits) jours, posant leurs valises successivement à Kidal, Gao et Tombouctou entre le 28 et le 30 mars. Les douloureux souvenirs de ces exactions, vols, viols, amputations, flagellation, lapidation, restent encore vivaces dans les esprits. Tout comme, ce 11 janvier 2013, quand Hollande est venu sauver 15 millions d’âmes.

Aujourd’hui, les Maliens se passeraient volontiers d’un tel sort. Par conséquent, le débat sur le départ de la Minusma de ses positions dans le nord et sur le territoire national doit être étouffé dans l’œuf au profit du processus de paix et de réconciliation en cours. Il y va de l’avenir de la Nation, de l’Etat et du Mali.

Sékou Tamboura
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