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Manifeste de la nation contre le préaccord d’Alger : L’ADPS prend l’initiative
Publié le lundi 9 fevrier 2015  |  Le Prétoire




Soumana Sako, Modibo Sidibé, Daba Diawara et plusieurs autres personnalités se sont penchées sur le préaccord d’Alger proposé aux autorités maliennes par la communauté internationale comme solution à la crise du nord

Ces hauts responsables politiques, au cours de cette table ronde, ont tout simplement décidé d’élaborer un Manifeste de la nation contre ce document.

Samedi 7 février, à la Maison des ainés, étaient réunis au tour de la « 3ème Table ronde des forces vives de la nation » Soumana Sako, Premier ministre de la transition de 91-92 et président d’honneur du parti Cnas, membre de l’Alliance des démocrates patriotes pour une sortie de crise (Adps), Modibo Sidibé, ancien Premier ministre et président du parti Fare, Daba Diawara, ancien ministre et président du Pids, et plusieurs personnalités dont le Prof. Ali Nouhoum Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale, et le Prof. Issa N’Diaye du Forum civique, également ancien ministre. L’objectif de cette rencontre était de se pencher sur le préaccord que la communauté internationale a proposé aux parties belligérantes comme document de travail en vue d’aboutir à une paix durable et définitive. Mais, à écouter les organisateurs et animateurs de cette table ronde, la signature d’un accord de paix sur la base du préaccord serait « un acte de forfaiture et de haute trahison.» Que reprochent-ils au document de la communauté internationale ? Ils en donnent une « grille de lecture patriotique, républicaine et démocratique du pré Accord d’Alger ».

Aucune mention de la Constitution

D’abord, constatent-ils, il n’y a aucune mention de la Constitution du 12 janvier 1992 comme cadre de référence suprême de toute solution de sortie de crise. Ensuite, le préaccord fait une analyse erronée et biaisée des causes de la crise du Nord, tout étant mis sur le dos de la ‘’mauvaise gouvernance’’ de l’Etat central, d’où une légitimation de la rébellion armée, y compris dans un contexte démocratique. En outre, occulte les causes fondamentales de la crise du Nord, au nombre desquelles les interférences extérieures (notamment de la part de l’ex-colonisateur, de puissances régionales africaines mues par des velléités de vassalisation du Mali), l’attrait des ressources stratégiques de la zone, les activités criminelles organisées, les survivances esclavagistes, féodales et racistes, la destruction délibérée de projets de développement, la corruption des élites locales et tribales, les pratiques de certains bailleurs de fonds entrainant un affaiblissement de l’autorité de l’Etat central, etc.)

Atteintes au caractère républicain, démocratique, unitaire et laïc de l’Etat

La table ronde a également constaté quelques atteintes aux valeurs de l’Etat et la violation des principes républicains tels que l’égalité des citoyens devant la loi et le service public (quota de recrutement dans la fonction publique territoriale) ; l’accession aux fonctions publiques officielles de par la naissance (autorités traditionnelles/ coutumières au Sénat) en lieu et place du mérite (concours) ou de l’élection ; la gestion tribale et régionaliste de la formation du Gouvernement et de l’accès aux hautes fonctions de l’Etat dans un pays où il n’y a jamais eu de discrimination sur base régionale ou ethnique pour ce faire. Concernant la violation de la laïcité de l’Etat, ce document propose la revalorisation du rôle des cadis en matière civile (et pénale), l’entrée des autorités religieuses comme membres ès qualité au Sénat et leur intégration au protocole de l’Etat.

Le caractère unitaire de l’Etat est également menacé par le préaccord d’Alger, selon les animateurs de cette table ronde. En cause : la création d’un système confédéral, les Etats confédérés étant maquillés en ‘’régions ‘’ dotées de pouvoirs propres normalement attributs d’États ; le manque d’emprise de l’Etat central sur les ‘’régions’’, les délibérations des Conseils régionaux étant immédiatement exécutoires ; le droit de regard des ‘’régions’’ sur la nomination des chefs de services ‘’centraux’’ (qui ne sont centraux que de nom car placés sous l’autorité des Conseils régionaux).

Ni cantonnement, ni désarmement des groupes armés

Ils ont également remarqué qu’il n’y a eu ni cantonnement ni désarmement des groupes armés, en violation des résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité, y compris la résolution 2100, du mandat de la Minusma, de la vocation de l’Armée nationale, des lois sur le port d’armes et du code pénal. Au contraire, pendant la phase dite ‘’transitoire’’, les groupes armés épauleront l’Armée nationale et la Minusma dans la sécurisation du territoire et la lutte contre les ‘’terroristes’’. Après la phase ‘’transitoire’’, ils prennent l’appellation de Forces de Sécurité Intérieure.

Concernant les exactions commises dans le Septentrion par les différents belligérants, le document ne prévoit aucune poursuite contre leurs auteurs. Comme si ces crimes devaient rester impunis, ce qui serait une prime à la rébellion armée.

Rien que des enquêtes, mais aucune mention d’actions en justice nationale ou internationale contre les auteurs et complices de graves crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de violences sexuelles commis dans le Nord. Ni à l’encontre des déserteurs des Forces Armées et de Sécurité. Bien au contraire, ces derniers seront réintégrés dans l’Armée et d’autres corps organisés de l’Etat.

Contradictions et incohérences :

La Table ronde a noté également des incohérences et des contradictions dans le Préaccord. D’abord, la ‘’régionalisation’’ est censée mettre chaque région ‘’en totale responsabilité de son propre développement’’, selon les termes du Président de la République, alors même que le texte met toujours à la charge de l’Etat central le développement des régions Nord du Mali. Ensuite, la création d’Etats confédérés sous le couvert de ‘’régions’’ érige des barrières politico-administratives à l’aménagement harmonieux du territoire national. Enfin, le texte enjoint explicitement de réviser la Constitution de la République du Mali. Or, ce serait bien la première fois dans l’histoire de notre pays, voire du monde entier, que l’on change de constitution pour accommoder un groupe armé dépourvu de toute légitimité et de représentativité. Et certaines dispositions transfèrent au Médiateur des pouvoirs liés à la souveraineté de l’Etat malien.

Après une journée d’analyse et de réflexion, la table ronde en est arrivée à cette conclusion : le préaccord d’Alger doit être rejeté purement et simplement. La solution de la crise du Nord passe par le dialogue intra et intercommunautaire ; le renforcement des capacités et de la présence de l’Etat central capable de faire respecter la loi et l’ordre sur toute l’étendue du territoire national et de concevoir/mettre en œuvre des politiques et des programmes de développement au bénéfice de tous ; l’effectivité de la décentralisation par le renforcement des capacités locales en relation avec le renforcement des capacités des autorités de tutelle de l’Etat ; le renforcement des capacités opérationnelles des Forcées Armées et de Sécurité ; la démocratisation des structures sociales dans le Nord ; la mise en place d’alternatives et d’opportunités socioéconomiques à disposition de la jeunesse la mettant à l’abri des sirènes du narcotrafic et de l’industrie de la prise d’otages ; la lutte sans merci contre la corruption et l’affairisme dans les milieux civils et militaires.

Aussi, la table ronde a-t-elle décidé de l’élaboration d’un « Manifeste de la nation », signé par toutes les forces vives (classe politique et société civile) sans aucune distinction. Car, quand il s’agit de sauver la nation, le clivage majorité-opposition doit disparaitre.

Cheick TANDINA
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