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Art et Culture

Mali: les manuscrits de Tombouctou, joyaux de la culture islamique, tardent à retrouver leur écrin
Publié le mercredi 25 fevrier 2015  |  AFP
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© aBamako.com par mouhamar
Visite guidée de sites historiques (patrimoine mondial de l’UNESCO) en collaboration avec l’UNESCO et le Gouvernorat de Tombouctou
Bamako, le 26 août 2014. M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a visité ce mardi, des sites historiques (patrimoine mondial de l’UNESCO) à Tombouctou.




Les archivistes numérisent et classent
laborieusement dans un ordinateur les précieux parchemins entassés sur des
étagères métalliques. Rescapés des outrages du temps et de la fureur
jihadiste, les manuscrits de Tombouctou risquent de dépérir, loin de leur
légendaire cité malienne.
Cela restera un des épisodes marquants de cette résistance silencieuse au
joug des jihadistes dans le nord du Mali exaltée par le film "Timbuktu", qui a
triomphé aux Césars français du cinéma: l'évacuation clandestine en 2012 vers
Bamako, la capitale du Mali, de centaines de milliers de manuscrits anciens,
trésor culturel de l'islam d'Afrique subsaharienne.
L'immense majorité des documents se trouvait donc à l'abri lorsque les
islamistes ont incendié le nouveau bâtiment de l'Institut de recherches
islamiques Ahmed Baba en janvier 2013 à Tombouctou, en brûlant près de 4.200,
selon l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la
culture (Unesco), juste avant de fuir la ville face à l'avancée de l'armée
française venue soutenir le gouvernement central.
"C'est moi-même qui ai amené les manuscrits ici", raconte sobrement
Mohammed al-Kadi Maïga, un bibliothécaire de l'Institut Ahmed Baba qui veille
à leur préservation à Bamako, après avoir personnellement organisé trois
passages clandestins de milliers de traités d'astronomie, de physique, de
chimie ou de littérature, dissimulés dans des malles, des sacs à dos, des sacs
de riz...
"On a vu en Irak: les manuscrits et le patrimoine ont été saccagés" après
l'invasion américaine de 2003, dit-il pour expliquer la décision du personnel
de l'Intitut et des familles de Tombouctou détentrices de collections
séculaires de les soustraire à la furie jihadiste.
"S'ils nous avaient arrêtés, peut-être qu'ils nous auraient coupé les
mains", frémit rétrospectivement Mohammed al-Kadi Maïga, fier de parler avec
ses collègues en arabe classique, langue elle aussi revendiquée par les
temporaires maîtres extrémistes de Tombouctou pour imposer leur autorité aux
diverses populations du Nord.

- Retour hasardeux -

Selon le représentant de l'Unesco au Mali, Lazare Eloundou, "il y a au
moins 370.000 manuscrits qui ont été exfiltrés de Tombouctou et de sa région".
Il déplore en revanche "une perte inestimable" pour les quelque 4.200
partis en fumée, précisant que "les manuscrits qui ont été brûlés, détruits,
étaient les manuscrits qui étaient en salle de restauration".
"Ceux qui détruisent détruisent pour imposer aux communautés qui sont dans
les territoires qu'ils occupent leur propre conception de la vie, de la
culture, de la religion, pour mieux dominer ces populations", estime le
représentant de l'Unesco: "Quand on veut effacer votre passé, ça veut dire que
vous n'avez jamais existé avant".
Cette mine de savoir encore largement inexplorée recèle des manuscrits
remontant pour certains jusqu'au XIIe siècle.
Dans le bâtiment improvisé de l'Institut Ahmed Baba à Bamako, une copie de
biographie du prophète Mohammed du XIIe siècle côtoie ainsi un Coran en
écriture haoussa du XVIIIe siècle, près d'un exemplaire du traité de Madrid de
1880 sur les protections consulaires accordées par le Maroc aux représentants
de pays occidentaux.
Mais pour survivre, ce patrimoine devra regagner Tombouctou, un chemin du
retour aussi périlleux que l'aller, préviennent les spécialistes.
"Il est impératif de renforcer les conditions de conservation des
manuscrits anciens actuellement à Bamako face aux risques de détérioration
rapide auxquels ils sont exposés", ont conclu les participants à une
conférence internationale sur ce thème dans la capitale malienne fin janvier,
appelant à "l'adoption d'un plan d'urgence".
"Faire retourner les manuscrits à Tombouctou, c'est une obligation, c'est
un devoir, on est obligés un jour de retourner à Tombouctou. Mais quand? C'est
ça le point d'interrogation", reconnaît le directeur de l'Institut Ahmed Baba,
Abdel Kadri Idrissa Maïga.
"Il faut d'abord réhabiliter les locaux pour que ces locaux soient
appropriés à recevoir ces manuscrits. Il faut avoir aussi le maximum de
sécurité", souligne-t-il, alors que les violences et l'instabilité augmentent
dans le nord du pays.
sst-sr/mba
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