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Art et Culture

Un "Tête d’or" africain joué à Paris, un an après Bamako
Publié le jeudi 12 mars 2015  |  AFP




Paris - "Tête d'or" de Paul Claudel joué par des Africains comme une oeuvre contemporaine qui parle du jihad et du despotisme:
c'est le pari de Jean-Claude Fall, qui monte la pièce à Paris avec 15 comédiens maliens pendant un mois au Théâtre de la Tempête, un an après sa création à Bamako.
"La pertinence de la pièce saute aux yeux aujourd'hui", a expliqué à l'AFP son metteur en scène Jean-Claude Fall. "J'ai fait de Tête d'or un personnage qui peut ressembler à des figures de jihadistes aujourd'hui, avec un pouvoir de fascination extraordinaire, la fascination qu'un monstre peut exercer".
Tête d'Or a été écrit en 1889, peu après la conversion fameuse de Paul Claudel le jour de Noël 1886 à Notre-Dame ("j'étais debout, près du deuxième pilier"....).
"C'est un Claudel jeune, rebelle, en lutte contre la religion qui est en train de l'envahir et qui est complètement sous l'influence de Rimbaud, de Shakespeare, un Claudel presque violent", décrit Jean-Claude Fall. Accablé par la pensée matérialiste des années 1880 (déjà!) Claudel transfigure ses aspirations spirituelles dans la destinée de Tête d'or, un conquérant qui s'empare du pouvoir avant de mourir en reconnaissant sa vanité.
Pour Jean-Claude Fall, c'est "un aventurier qui a tout perdu et qui, dans une situation où la tribu est attaquée, prend le pouvoir, tue le roi, devient le despote et met en place des règles qui renvoient les femmes à la maison etb appellent les hommes à la guerre. Il emmène tout le monde vers une guerre de conquête folle, à la fin de laquelle il va rencontrer la figure qu'il cherche depuis toujours, qui est la mort".
Jean-Claude Fall revendique une lecture politique de la pièce et s'affranchit de la mise en scène légendaire et poétique de Jean-Louis Barrault à la création en 1959. "Claudel sait que sa pièce est politique", assure-t-il. "Il y a dans Tête d'or une posture critique et à la fois fascinée pour un ordre ancien qu'il faudrait rétablir. Quand les Allemands ont demandé à la
Comédie-Française de monter "Tête d'or", il a refusé les droits en expliquant que certes, les valeurs de Hitler et Mussolini ressemblent aux valeurs de Tête d'or, mais qu'elles en sont une caricature".

- le sable de l'Afrique -

Jean-Claude Fall n'a pas atterri à Bamako par hasard: l'ancien directeur du TGP de Saint-Denis, où réside une importante communauté malienne, est le fondateur en 1989 du festival Africolor, un des plus importants festival de
musique africaine urbaine au monde.
"Quand j'ai travaillé sur la pièce, je me suis rendu compte qu'elle ne
parlait pas d'une France qu'on connait aujourd'hui. J'ai pensé à l'Europe de l'Est, la Russie, des régimes où le despotisme est très présent, où le rapport à Dieu est très passionnel, le rapport au spirituel très violemment présent, et plus encore j'avais pensé à l'Afrique."
A Bamako, lors de la création, "le public africain était persuadé que c'était une pièce écrite par un auteur africain!"
Jean-Claude Fall a travaillé avec BlonBa, la troupe la plus active sur le plan théâtral et politique dans le pays, avec des acteurs aguerris et pour certains très connus au Mali, comme le rappeur Ramsès Damarifa (Tête d'Or), le joueur de flûte peul Cheick Diallo, les acteurs "Kass" alias Hamadoun Kassogué et "Banyango", alias Nouhoum Cissé.
A la création, la pièce était jouée en décors naturels, dans un petit bois, une paillote et au bord du Fleuve Niger. A Paris, le spectateur sera aussi invité à se promener dans le théâtre dans trois lieux, "avec une constante: le sable rouge de l'Afrique".
Lorsque la pièce a été montée à Bamako, "c'était très tranquille, on a absolument pas eu peur, aujourd'hui on serait plus vigilant, mais plus déterminé aussi", assure le metteur en scène, qui espère monter une tournée africaine de la pièce. "L'auto-censure, c'est la victoire de la terreur".
mpf/dab/bir
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