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Lettre Ouverte au Président de la République: «Le Mali n’a qu’une carte à jouer, celle de l’intégrité et de laïcité»
Publié le lundi 26 novembre 2012  |  Le 22 Septembre


Crise
© aBamako.com par DR
Crise malienne : Dioncounda Traoré de retour a Bamako. - aBamako.com
Vendredi 27 juillet 2012. Bamako. Le président provisoire du Mali, Dioncounda Traoré retourne à Bamako au milieu de haute sécurité, après un séjour de deux mois à Paris pour des soins médicaux.


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Monsieur le Président, la magistrature suprême vous échoit à un moment particulier de la vie de la nation malienne. La révolution historique de mars 1991ne se révéla porteuse ni de l’immense espoir qu’elle suscita, ni de la promesse d’une société meilleure qu’elle fit. Deux alternances maximales ébranlèrent nos convictions d’une nation en construction, confirmant de la révolution populaire le doute et l’angoisse qui la couronnèrent au finish

Un enseignant et professeur finit dix années de magistrature suprême en laissant – après l’y avoir plongé – le système éducatif malien dans un état de décomposition morale et déontologique, didactique et pédagogique jamais encore égalée. Inacceptable, non seulement parce qu’une telle tragédie constitue un parjure au regard de l’article 37 de notre Constitution, mais aussi une historique mésestime à l’égard des enfants, qui s’engagèrent jusqu’au sacrifice ultime pour la liberté.

La poisseuse dialectique se poursuit avec l’avènement d’un soldat et général dont les deux mandats ensevelirent l’armée malienne dans la même déconfiture, ravalant les hommes sous le drapeau, jadis fiers et objets de fierté, un cran au dessous de la dignité de soldat.

Ces vingt dernières années consacrèrent la décomposition de l’Etat et de ses démembrements, la gestion des affaires publiques comme des services et commerces familiaux, dans un contexte de népotisme outrancier et de corruption généralisée. La récompense des enfants pour leur engagement ultime à la révolution de mars 1991 fut une offre généreuse de tous les artifices de la liberté, déclinant sur une version humaine d’une nuée de sauterelles sur un lampion, alors que de la liberté leurs devanciers savaient de Saint-Just que: «toutes les pierres sont bâties pour l’édifice de la liberté. Vous lui pouvez bâtir un temple comme un tombeau, des mêmes pierres».

Cette douloureuse parenthèse a finalement son épilogue: un pays amputé des deux tiers de son territoire, des dizaines de milliers de déplacés et réfugiés abandonnés en pâture à la précarité, une administration plombée par la corruption, une économie exsangue, une justice arrogante et sélective, une armée traumatisée.

Monsieur le Président, le Mali de l’après 22 mars est une nation meurtrie et accablée, recevant la pierre de tous les sens de la part de pêcheurs endurcis. Les réseaux d’influence et la diplomatie occulte, couloirs de pratiques impérialistes et néocoloniales, sont activés et remis au goût du jour.

Le Mali attendait le soutien diplomatique de ses partenaires extérieurs, après l’attaque barbare du MNLA et des groupes islamistes. En vain. A l’appui de cette indifférence pour le moins ingrate, le bail entre la France et l’Afrique est en cours de renouvellement, distinguant désormais la «France» et «l’Afrique».

Explication de texte: l’enterrement de la Françafrique, zombie dont nous découvrons officiellement l’existence le jour de l’annonce de la mort, le 12 octobre 2012, dans l’enceinte de l’ex-Assemblée législative de la Fédération du Mali, Place Soweto, à Dakar. Mais, le 30 mars 2012, plus tôt, l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) avait suspendu le Mali de toutes ses instances.

Le Mali comprendrait sa mise au banc de l’OIF, ayant vocation de promotion linguistique et culture dans un espace francophone, s’il avait été motivé par la crise académique et pédagogique coupable de notre système éducatif. Mais non, il nous est reproché un dysfonctionnement institutionnel préjudiciable à la démocratie, survenu le 22 mars.

La factice déclaration d’indépendance du MNLA, proclamé le 06 avril 2012, a eu sur notre quotidien le même résultat que si ne l’avions jamais apprise. Elle ne nous fit du mal que parce qu’elle a été libellée en français et diffusée comme «les premiers pas de l’homme sur la lune», éclipsant au passage tout le reste de l’actualité, y compris, en s’en souvient, un meeting du candidat Sarkozy à Caen.

Au même moment, outre Atlantique, pas un seul sujet de l’actualité du 06 avril 2012 et jours suivants n’a cédé ni son ordre d’apparition, ni son audience à la lecture tremblante et balbutiante d’un rêve d’indépendance, finalement étouffé dans le sommeil.

La Françafrique ne se décrète, pas plus que son oraison funèbre ne saurait se résumer à l’épisode sénégalais de la lutte d’influence rose et bleu à Dakar. C’est un masque de fer vissé sur nos têtes. On s’en débarrasse en la dévissant courageusement et la jetant loin. Comme sut le faire votre homologue Paul Kagamé et comme l’a entrepris le Président Ali Bongo, dont le pays est la terre d’ensemencement du concept.

Le Rwanda, dont la démocratie ne sera pas commentée ici (par respect pour vous, Monsieur le Président) et dont le moindre des exploits n’est pas de couper le sommeil à toute l’Afrique centrale, était vivement attendu à la dernière réunion de l’OIF à Kinshasa, où le Président Kagamé a refusé de mettre pied, malgré la cour obstiné d’Abdou Diouf.

Le même sera invité avec tous les honneurs à Dakar, en 2014, pendant que nous en seront encore certainement à quémander notre réintégration au sein de l’organisation. Trop c’est trop. Le Mali représente plus que le Rwanda et le Gabon réunis, en termes d’apport à la langue française et, mieux, à la civilisation en général, Commonwealth y compris.

Nous sommes un pays de vielle culture, avons traité tous les domaines de la connaissance dans nos langues et demeurons des interlocuteurs incontournables dans le rendez-vous du donner et du recevoir.

Monsieur le Président, venons-en à la transition et au rôle historique que les Maliens attendent de la gestion que vous ferez du dossier du Nord. La transition, à laquelle vous présidez, vaut tous les mandats réguliers, et le concept superfétatoire, de ceci de la transition, de cela de la transition, ne nous divertit pas de votre rôle de Président de la République, garant de la Constitution.

La résolution 2071 fut adoptée le 15 octobre 2012. Elle renvoie l’examen de l’intervention militaire armée pour la libération du Nord, dont le principe semble acquis, à la fin du mois de novembre. Mais elle vous exhorte à entamer le dialogue avec les mouvements indépendantistes et jihadistes, devenus de copies délavées de leurs propres silhouettes. Il ne sied donc pas de vous accabler au motif que des négociations sont ouvertes avec les tristes groupuscules Mnla et Ansardine, pas plus que vous reprocher le flegme de l’approche discrète.

Vous n’avez pas à rougir de tenter de ménager la sensibilité de vos compatriotes, meurtris et désillusionnés. Dès lors, les protestations véhémentes des élites politiques et intellectuelles, les premières à avoir réclamé cette intervention, en brûlant souvent la politesse à votre gouvernement, sonnent incorrectement. On ne sélectionne pas une résolution des NU selon ses désirs.

Monsieur le Président, le Mali n’a qu’une carte à jouer, celle de l’intégrité et de laïcité, et c’est vous qui la détenez. Nous avons pris acte du pas mesuré par lequel votre gouvernement entra dans la ligne de la négociation, la thèse rigide de refus de tout contact civil avec les imposteurs Mnla et Ansardine s’imbibant d’une dose de salive jour après jour.

Mais le lancement officiel de la campagne de négociations par les soins de l’ORTM ajoute à notre inquiétude, car il constitue un épisode de la cacophonie politique à Bamako. Il a fallu que le FDR déclare que le décor de la négociation ne sera pas planté avant le début des frappes pour que l’ORTM nous confirme l’option gouvernementale en faveur des conciliabules, en termes choisis: «le Mali est pressé d’aller aux négociations».

La phrase porte la signature de Cheick Modibo Diarra, et sera distillée dans l’allée d’une foire au Maroc. Le bilieux astrophysicien tentait de faire échec et mat le FDR, et notamment d’isoler dans l’expectation l’ex ambassadrice du Mali en Allemagne, porte-parole prolifique du Front du refus, coupable, il y a quelques mois, de s’être emmurée dans un ring avec le poids lourd Cheick Modibo Diarra, par une déclaration à l’allure de vrai «sinanguya» envers l’astrophysicien, coupable d’indolence dans l’envoi des soldats au Nord et de prudence dans l’ouverture du gouvernement au Front.

Monsieur le Président, les communautés du Nord du Mali (Songhaïs, Tamasheqs, Arabes, Kountas, Maures, Bozos, Touaregs, Peulhs, Bamanans) jouent leur va-tout sur fond de guerre entre les élites politiques et associatives au Sud et d’alliance abjecte en gestation à Ouagadougou, mettant à nu une réalité trompeuse et mensongère sur une façade de Pacs entre Mnla et Ansardine et l’épouvantail de l’interventionnisme étranger dans le dossier.

Vous êtes devant un choix historique, opposant le sentiment de l’honneur à une plate cession, en décidant à recouvrer et garantir l’intégrité territoriale du Mali ou à céder à la partition du pays, quel que soit l’euphémisme derrière lequel celle-ci se cachera. Dans cet ordre, votre rôle est gigantesque et nous ne le confondons ni à la feuille de route ni aux résultats de la commission de négociation.

Vous êtes assis sur une chaise que la sémantique politique a tour à tour désigné comme trône, sofa, fauteuil, et qu’ont tour à tour occupée Soundjata Keïta, Kankou Moussa, Askia Mohamed, Sékou Amadou, Babemba Traoré, Tiéba Traoré, Samori Touré, Mamadou Konaté et Modibo Keïta.

Le Mali est éternel, cristallisé comme le diamant, et mesure un million deux cent quarante deux mille km², à l’intérieur desquels la tolérance est notre cardinale valeur.

Alors, même au prix de l’intervention militaire internationale, vous, Président de la République, ne permettez pas que les pilleurs de mausolées soient remplacés par des libertins qui pisseront contre les monticules restaurées!

Vous, Président de la République, ne permettez pas que les coupables de violences et d’exactions sur nos femmes et filles soient évincés au profit d’abonnés culturels aux faits de viol!

Vous, Président de la République, ne permettez pas que les auteurs de mutilations physiques soient remplacés par des braqueurs et des brigands!

Vous, Président de la République, ne permettrez pas que la colonisation, à laquelle les pères devanciers mirent fin, et la dictature, à la mise à terre de laquelle vous fûtes un immense leader, nous reviennent, en pâles copies, comme le Cheval de Troie!

Vous, Président de la République, ne permettez pas qu’à la Charia, dont nous ne voulons pas, soit substitué le non droit!

Monsieur le Président, les islamistes sont condamnés. Les armées libres et éprises de paix et de justice auront leur peau; la nôtre également, dans le rôle de la victime collatérale, si nous manifestons la moindre remarque sur l’opération. Mais la souveraineté d’un pays a un prix et nous sommes devant son étal.

Partisans et adversaires de l’intervention militaire étrangère doivent désormais militer pour une seule cause: le Mali. Parce que, si la mort des groupuscules islamistes est programmée, le Nord du pays n’est pas à l’ordre du jour d’un retour dans la République. Nous avons tous l’obligation sacrée d’aider à restaurer notre armée nationale, la réorganiser et l’accompagner pour libérer les régions du Nord du Mali, pour que flotte le drapeau national et que tonne l’hymne national.

Dieu vous y aide, Monsieur le Président.

Abdel Kader Haidara

Gestionnaire des Ressources Humaines

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