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Mali : Accord de défense avec la France : Que gagne vraiment le Mali ?
Publié le lundi 1 juin 2015  |  Le Procès Verbal




Signé le 16 juillet 2014 par Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense, et son homologue malien, le colonel-major Bah N’Daw, l’Accord de défense entre le Mali à la France remplace l’Accord de coopération de sécurité qui liait les deux pays depuis le 6 mai 1985. Mais à peine signé, l’Accord est violé allègrement par cette l’ex-métropole coloniale.

Le Traité commence par autoriser la France à déployer ses hommes, matériels et installations sur le territoire malien. Aux termes des articles 8 et suivants, les militaires français sont libres de porter leur uniforme, leurs armes; ils cionduisent librement leurs engins au Mali. Et réciproquement. Il s’agit là d’une disposition nécessaire car sans libre circulation des forces françaises et de leurs engins roulants et volants, on ne voit pas à quoi leur servirait un accord de défense. Cependant, dans quelle éventualité la même faveur serait accordée aux forces maliennes ? Cela relève de la science-fiction!

Si le séjour des militaires français doit dépasser, au Mali, six mois dans le cadre d’une formation, leur hébergement et leur entretien sont pris en charge par le Mali. Dans ce cadre, et selon l’article 12 du Traité, le Mali soigne gratuitement les militaires français présents sur son sol. Certes, la réciprocité est prévue, mais elle est purement théorique : on imagine mal un militaire malien dispenser une formation de six mois ou plus à des collègues français.

Bien que durablement établis au Mali, les militaires français et leurs proches paient leurs impôts et taxes en France (article 14 du Traité).Cela va de soi car lesdits militaires ne sont pas censés exercer un commerce sous nos cieux.

Les militaires français opérant au Mali sont, en principe, justiciables des juridictions françaises. S’il leur arrive de commettre des infractions pénales au Mali, ce pays est prié par l’article 15 du Traité de« renoncer à son droit » de les juger et de laisser ce soin à Paris. Au cas où, par extraordinaire, le Mali tiendrait absolument à juger sur son sol un militaire français, il devrait observer un long catalogue d’exigences : juger le prévenu dans un délai raisonnable; le faire assister par un avocat et un « interprète compétent »; le laisser communiquer avec un représentant de l’Ambassade; laisser ce représentant assister aux débats; informer le prévenu, avant l’audience, des accusations portées contre lui; le confronter aux témoins à charge; ne pas le poursuivre pour tout acte non incriminé par une loi préalable… On aura remarqué que ces exigences relèvent des règles procédurales de base dans tout Etat de droit et que leur énumération traduit, en soi, le peu de confiance qu’inspirent à la France les juridictions maliennes. Bien entendu, la peine de mort n’étant plus en vigueur en France, le Mali s’engage à ne pas la requérir, ni à la prononcer, ni à l’exécuter contre un quelconque militaire français.

L’article 16 du Traité engage le Mali à « renoncer à tout recours » contre les forces françaises au cas où celles-ci, même par négligence, causeraient des dommages aux biens ou au personnel malien. Cette disposition s’applique même aux homicides non intentionnels; seule la faute intentionnelle des Français est poursuivable. Mais si les forces françaises causent un dommage à un tiers (non-malien), le Mali réparera le tort à la place de la France.

Le Traité est complété par l’accord conclu, sous forme d’échange de lettres signées les 7 et 8 mars 2013, entre le Mali et la France. Il est conclu pour une durée de cinq ans et est renouvelable par tacite reconduction, à moins que l’une des parties notifie à l’autre son intention de mettre fin au traité six mois avant son expiration. Le Traité peut être, à tout moment et d’un commun accord, amendé par écrit.

Les articles qui précèdent offrent, on le constate, quantité de commodités à la France. Les ennuis commencent quand on s’intéresse aux engagements français. Ainsi, à l’article 2 du Traité, il est précisé que les parties « s’engagent dans une coopération en matière de défense, afin de concourir à une paix et une sécurité durables sur leur territoire, notamment parla sécurisation des espaces frontaliers et la lutte contre le terrorisme, ainsi que dans leur environnement régional respectif ». Apparemment, l’objectif est raté. Non seulement les « espaces frontaliers » du Mali restent une passoire, mais en outre, de multiples groupes terroristes sèment journellement la désolation à l’intérieur desdites frontières au nez et à la barbe des soldats, des drones et des avions de guerre français stationnés un peu partout dans le désert malien. A titre de comparaison, rappelons la traque immédiate et massive lancée contre les frères Kouachi lors de l’attaque de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015.

L’article 17 du Traité prévoit un échange d’informations classifiées entre les parties. Cet échange, dont le détail doit être réglementé par « un accord bilatéral de sécurité », est-il respecté ? Il y a lieu d’en douter au regard des attaques-surprises qui se multiplient contre les forces maliennes. La débâcle de l’armée malienne à Kidal aurait-elle d’ailleurs été consommée si la France lui avait fourni les informations utiles sur le nombre, les positions et l’armement des troupes ennemies ? La France a-t-elle donné des renseignements ou pris des mesures pour contrecarrer l’arrivée de renforts ennemis ?

L’article 20 du traité prévoit que le Mali « facilite l’entrée et la sortie » de son territoire des matériels, ressources financières, approvisionnements et autres marchandises nécessaires aux activités des forces françaises. La liste de ces biens est « communiquée à l’avance » au Mali qui peut, au besoin, « procéder à des visites pour s’assurer de leur conformité ». Voilà des théories à dormir débout car nul n’imagine un officier ou un fonctionnaire malien inspectant les matériels et troupes français.

La France importe, sans payer ni droits de douane ni taxes, les biens et matériels nécessaires à ses forces déployées au Mali (article 20 du Traité). La chose se conçoit, même si elle entraîne un abyssal manque à gagner au trésor public malien. D’autant que les objectifs militaires de la France dépassent le cadre du Mali pour celui, plus large, du Sahel. A preuve, la transformation de l’Opération Serval en Force Barkhane et la relocalisation subséquente du gros des troupes françaises hors du Mali. Pis, selon l’article 20, les matériels admis au Mali peuvent être « reexportés » hors du Mali sans que le pays perçoive la moindre taxe !

Enfin, le Traité reste (à dessein) muet sur les bases (celle de Tessalit, par exemple) octroyées à la France en territoire malien. Autres données cachées: que paie le Mali ou la France pour les services rendus ? Pourquoi le texte ne prend-il pas en compte la situation des groupes armés du nord dès lors que la preuve de leurs liens avec les groupes terroristes serait apportée? Pourquoi n’est-il prévu nulle part dans le Traité le secours de la France en cas d’invasion du territoire national par une puissance étrangère ? Ces constats montrent qu’au-delà de l’acte officiellement signé, un autre, secret, existe entre le Mali et la France. Pourquoi n’en informerait-on pas le souverain peuple du Mali ?



Tiékorobani

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