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«La situation au Mali a empiré»
Publié le mercredi 3 juin 2015  |  Libération
Serval
© Autre presse par DR
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INTERVIEW - Pierre Boilley, spécialiste de l'Afrique subsaharienne, estime que les groupes armés sont en train de se «réorganiser».
Pour Pierre Boilley, professeur à Paris-I-Panthéon-Sorbonne, spécialiste de l’Afrique subsaharienne, l’accord de paix, dit Accord d’Alger, signé à Bamako mi-mai entre le pouvoir malien et certains groupes rebelles après huit mois de négociations n’a pas permis de stabiliser la situation, les violences se multipliant dans le nord du pays.
Comment jugez-vous cet accord d’Alger signé à la mi-mai ?
Il y a eu quelques avancées avec tout un jeu politique autour du rôle de la CMA – Coordination des mouvements de l’Azawad [les groupes touaregs indépendantistes, ndlr] – qui a paraphé mais n’est pas venue signer. Pour la CMA, il s’agit de dire aujourd’hui : nous sommes toujours dans la boucle et on va continuer à négocier. Une grande partie de leur base considère que ces avancées dans le cadre de l’accord sont clairement insuffisantes. Le but de la CMA est donc de rouvrir des rounds de négociation, ce que refuse complètement Bamako officiellement. Mais on voit toutefois que certaines discussions recommencent tout doucement. Reste que la grande cérémonie du 14 mai à Bamako, en présence de la médiation internationale et de l’Europe, est apparue en fait aux yeux des gens, et même des observateurs, comme une vaste fumisterie. Cette cérémonie mettait en scène un camp, celui du pouvoir, qui semblait content de signer… avec lui-même. Mais pas de véritables belligérants qui ont signé. Il y avait ainsi quelque chose d’assez absurde dans cette cérémonie. En fait, il reste un bout de papier qui pourrait servir de base si jamais il y avait, un jour, de bonnes volontés tentées de se manifester…
Quelle est la situation sur terrain ?
Elle est préoccupante et a empiré. Le Gatia [Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés] et son alliance avec les Songhaïs [groupe qui a participé aux négociations d’Alger] forment une milice proche du pouvoir et activée par lui. Le Gatia est soupçonné chaque semaine d’attaques contre la CMA. Par ailleurs, les attaques de villages sont de plus en plus fréquentes dans tout le Nord. Chaque jour apporte son lot de civils tués. Chaque groupe accuse l’autre et tout est rumeurs. En fait, c’est assez catastrophique car l’impression donnée c’est que ça repart dans tous les sens. Clairement, on voit une progression de la réorganisation des groupes armés.
Les rumeurs touchent aussi Bamako…
Ce qu’il y a de nouveau, ce sont les discussions au sujet du rôle des forces spéciales françaises qui ont procédé à des attaques au Nord-Mali contre les groupes affiliés à Aqmi [le 17 mai, deux chefs terroristes ont été abattus au cours de l'opération «Barkhane»]. On ne sait pas dans quel cadre ces gens ont été tués, dit-on. Et comment ? Ont-ils été neutralisés sans combattre ? C’est encore une couche supplémentaire qui s’ajoute à l’ambiance délétère.
Comment les Touaregs du Niger ont-ils réagi à cet accord ?
Ils se disent que leurs frères maliens n’arrivent toujours pas à être entendus par le pouvoir central de Bamako. Jusque-là les Touaregs du Niger s’étaient montrés calmes car Mahamadou Issoufou [le président du Niger] leur avait accordé du pouvoir [le Premier ministre, Brigi Rafini, est touareg]. Mais Issoufou semble aussi affaibli dans son propre pays, ces derniers mois. Pour le moment, les Touaregs nigériens ne bougent pas mais la menace d’une rébellion est toujours présente. Très franchement, je ne vois pas comment les choses vont tourner car du côté du pouvoir malien, et notamment du président IBK, il y a une incompréhension complète de ce qu’il veut, ou qu’il ne veut pas. Il dit une chose un jour. Revient dessus le lendemain. On ne sent pas une vraie volonté d’arrêter tout cela. Cela fait un peu peur et donne l’impression qu’il n’est pas l’homme de la situation.
Le rôle d’Alger dans ces négociations ?
Manifestement, il y a eu une volonté affirmée de l’Algérie de «tenir» les négociations. Elle jouait là son propre jeu : arriver à la paix mais un peu à n’importe quel prix, tout en tordant le bras du pouvoir malien et des rebelles de la CMA. Mais le plus frappant, dans cette paix, c’est la position de la communauté internationale qui est venue signer, comme à Canossa, cet accord de paix signé par une seule partie.
Recueilli par Jean-Louis Le Touzet
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