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Justice malienne et ses mystères
Publié le dimanche 7 juin 2015  |  La Revelation
Ouverture
© aBamako.com par A S
Ouverture de la cour d`assises de Bamako
La salle d`audience de la Cour d`Appel de Bamako abrite la cour d`assises de Bamako qui a débuté le 26 Mai 2015;




Dénoncé pour vol, Sacko le burkinabé utilise des juges et parvient à jeter la famille de son bienfaiteur dans la rue !

Six ans durant, un jeune artisan de nationalité burkinabè, nommé Moctar Sacko, vivra auprès du vieux cordonnier Baba Dembaga entouré de ses fils et petit-fils dans sa concession sise à Korofina Nord. Ensemble, les deux hommes ont entretenu des relations tant professionnelles que familières. Cependant, c’est un vol commis par Sacko qui mettra fin à leur collaboration longue d’une décennie.

Ce jour, le jeune Sacko fut surpris sur le toit d’une concession voisine, en train de démonter des antennes de signal télé. Démasqué par son logeur Dembaga, le jeune Sacko retrouvera la liberté, cinq jours après son arrestation. Dans la foulée, il jure de se venger de son ex- logeur. Un extraordinaire épisode qui ira jusqu’à faire expulser l’octogénaire et tous les siens de leur étage bâti en plein cœur de la commune I du District de Bamako.

Nous sommes dans les années 1994 où le vieux Baba Demabaga, cordonnier de métier, rencontra un jeune burkinabé nommé Moctar Sacko. Ce dernier, à la recherche du travail, explique au vieux Dembaga qu’il sait confectionner des tambours.

Après concertation, Sacko se mit au travail dans l’atelier du vieux cordonnier. Sur place, il fabrique des tambours en grand nombre qu’il vend à Baba. Mieux, il apprendra à confectionner de ceinturons en cuir, des sacs à main et des porte-monnaie. Finalement, la confiance s’est installée entre les deux artisans. Le vieux Baba, à ses dires, décida alors d’héberger le sieur Sacko dans sa famille, au même titre que ses fils.

Mieux, Sacko qui a gagné la confiance du vieux, parvint même à ouvrir un atelier à côté de la porte de sa concession sise à Korofina Nord. A telle enseigne que pour plusieurs voisins de la famille Dembaga, Moctar est un des fils de Baba, tellement il était bien installé et respecté.

Mais, à la surprise de tous, en 2000, c’est-à-dire six ans après leur cohabitation, le jeune Sacko qui ne voyait pas ses affaires prospérer, s’est lancé dans le vol. Pour avoir l’argent facile, il ne se limitait pas seulement à voler les biens de son logeur, mais pire, il escaladait les murs des familles voisines afin d’y voler tout objet qui lui tombait sous la main. Ainsi, « je me rappelle à l’époque, il a volé mon antenne et trois autres appartenant à nos voisins qui vivent encore», témoigne un habitant du parage.

Comme le reconnaissent les voisins, le vieux Dembaga, une fois informé de son comportement, a dû, sur le champ alerter le commissariat du 6ème arrondissement, situé à quelques encablures des lieux. Arrêté, Moctar reconnaitra les faits à lui reprochés. Déchu, il sera accompagné par des policiers pour présenter des excuses publiques à ses victimes du quartier. Par contre, à son vieil ex- logeur, il jure de livrer vengeance. Onze ans après, Moctar revient en force.

En effet, le mardi 2 juin dernier, c’est à 8 heures qu’un huissier de justice, accompagné des éléments du GMS se pointeront pour expulser Baba de sa maison ainsi que tous ceux qui s’y trouvent.

Au terme de leur intervention, ils verrouillent le portail d’entrée de la concession et remettent un procès verbal d’expulsion aux expulsés qui se sont jusque- là retrouvés dans la rue.

En fait, tout a commencé en 2000 quand le jeune Sacko a porté plainte contre Baba Dembaga. Pour Sacko qui venait de façon rocambolesque de recouvrer la liberté, le vieux Dembaga avec qui il a collaboré, lui doit une somme de 3 millions de FCFA. Répondant au tribunal de la commune I, Baba niera devoir de l’argent au plaignant. Ainsi démarre un long marathon judiciaire.

Mai 2003, toujours décidé, le sieur Sacko attrait encore le vieux Baba au même tribunal de la commune I. Et malgré que Baba ait nié devoir cette somme à Moctar, ils seront envoyés à la cour d’Appel de Bamako où le poursuivant qui dit vouloir recouvrer 4 464 618 FCFA bénéficiera d’un procès. A l’issue duquel procès, il sera question de la saisie et de la vente de la concession de Dembaga. Pour le vieux défendeur, « Sacko n’a absolument rien envers moi, et s’il le nie, je l’invite à me fournir des preuves ou des témoins tout au moins.» Choses que le plaignant n’est pas parvenu à faire, selon. Nonobstant tout, il vaincra Baba dans tous les procès.

Subséquemment, le 15 mai 2005, suivant l’arrêt N°45 en date du 26 mai 2003, il est procédé à la saisie et vente aux enchères publique de la concession H/4 du lotissement de Korofina Nord Rue 124, porte 43, de Monsieur Baba Dembaga, pour le compte de Messieurs Drissa et Moctar Sacko, créanciers poursuivant le recouvrement de 4.464681 FCFA en principal frais et intérêts. Chose dont Baba Dembaga dit n’avoir jamais été informé.

Se défendant, Baba, en date du 13/08/2007, attaque pour annuler la vente effectuée de sa maison dont l’adjudicataire désigné n’est autre que ses créanciers supposés (Moctar et son frère Drissa Sacko). Toutefois, le 7 juillet 2008, le tribunal de la commune I déboutera le requérant de sa demande comme étant mal fondée et le condamne à dépens. Ce n’est pas tout !

Pis, sur appel de Baba Dembaga contre la décision de saisie – vente, la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Bamako a confirmé le jugement entrepris par arrêt N811 en date du 18/12/2013.

Par ailleurs, depuis novembre 2004, par l’intermédiaire de Me Aliou Traoré, huissier de Justice à Bamako, des biens de Baba ont été saisis et vendus aux enchères publiques par Abdoul Karim Diarra, commissaire priseur. Baba Dembaga confirme qu’à cette époque, ses biens qu’il avait évalués à plus de 4 millions de FCFA, saisis, auraient pu, servir de remboursement à son « prétendu » créancier.

Pour Baba, « du moment que mes biens ont été saisis pour payer l’argent de mon prétendu créancier, je m’attendais tout au moins qu’on lui remît ses « faux » 3 millions et que l’on m’apportât le reste de mon argent. Curieusement, on s’en prend à ma maison qu’on vend à mon insu pour des allégations venant d’un voleur que j’avais remis à la police. Où est la justice au Mali ?»

En tout cas, c’est à la grande surprise des tous, qu’en date du 1 juin 2015 dernier, des policiers ont débarqué pour expulser Baba et tous les membres de sa famille de sa concession dont on lui dit ne plus détenir ni titre ni droit.

Paradoxalement, l’huissier de justice, venu sur place, fera savoir à Baba que sa maison a été vendue aux enchères à 18 millions FCFA et c’est bien le plaignant qui s’est porté adjudicataire de la maison. Il s’agit de Moctar Sacko qui avait été pris en train de voler des antennes à Korofina- Nord.

Désormais, ce n’est plus avec Moctar seul que Baba a affaire. Ce n’est non plus avec son frère. De fil en aiguille, Moctar qui avait été le seul à porter plainte, en se portant adjudicataire de la maison lors de la vente aux enchères, a mis la maison sous propriété d’une association qu’il s’en est inventée. Il s’agit de l’association des organisations professionnelles paysannes (AOPP) dont l’adresse n’existe nulle part. Mais l’avocat au service de ladite association s’appelle, Maitre Saloum AUARE TABOURE, avocat à la cour BAMAKO.

Agissant en vertu de la grosse de l’ordonnance des référés N°570 en date du 10 juillet 2014, rendue par le Tribunal de la Commune I du District de Bamako, les occupants de la concession H/4 ont été tous expulsés et leurs meubles et effets jetés dans la rue.

Le vieux Dembaga qui a vécu près de 40 ans dans sa maison, se retrouve désormais, avec rejetons, objets et bagages dans la rue. Il ne sait plus à quel sain se vouer.

Voilà ce à quoi, on assiste depuis mardi à Korofina – Nord en commune I du District de Bamako.

IMT
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