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Soldats français au Sahel: comment identifier l’ennemi ?
Publié le mercredi 10 juin 2015  |  AFP
Patrouille
© AFP par PHILIPPE DESMAZES
Patrouille de l`armée malienne et française à Goundam
Patrouille de l`armée malienne et française entre Goundam et Tombouctou




Tombouctou (Mali) - Comment identifier l'ennemi quand on est face à des jihadistes, des rebelles, des trafiquants et brigands du désert qui conduisent les mêmes pick-up, portent les mêmes tenues, brandissent les mêmes armes? C'est le plus épineux problème pour les militaires français dans le nord du Mali.

Tel est d'ailleurs l'enjeu central pour la communauté internationale de
l'accord de paix signé le 15 mai à Bamako par l'Etat malien et ses alliés, et
qui doit l'être le 20 juin par la rébellion à dominante touareg: isoler
définitivement les jihadistes qui avaient transformé en 2012 le Nord en base
d'opérations.
Dans toute la zone sahélienne où elle opère, la force française Barkhane
combat ce qu'elle a, dans sa prédilection pour les acronymes, baptisé les GAT:
"groupes armés terroristes". A distinguer des GAS: "groupes armés signataires"
de l'accord, qui ne posent, en principe, plus de problème.
Mais, entre GAT et GAS, la nuance peut être ténue.
Vu du ciel, à la jumelle ou même de plus près, difficile de distinguer les
combattants d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) des rebelles touareg ou des
membres de clans de bandits et contrebandiers (cigarettes, drogues...) qui ont
toujours écumé la région.
Ils ont tous le même modèle de pick-up Toyota chargé de sacs et de
jerrycans, les mêmes tuniques et turbans, et des kalachnikovs.
"Barkhane n'est pas là pour lutter contre le banditisme", explique le
lieutenant-colonel Laurent (qui, conformément aux consignes, ne peut être cité
que par son prénom), l'un des chefs de l'opération dans la région. "Donc toute
la difficulté consiste à savoir à qui on a affaire".
"C'était un peu le même problème en Afghanistan", poursuit-il, lors d'une
patrouille à l'ouest de Tombouctou (nord-ouest). "Les GAT ont adopté envers
nous une stratégie d'évitement. Ils sont bien renseignés sur nos mouvements,
nous fuient."
Quand les appareils repèrent une mitrailleuse montée en batterie à
l'arrière d'un pick-up, c'est un indice. Mais, depuis qu'ils ont été taillés
en pièces par les hélicoptères de l'opération Serval, en janvier 2013, les
jihadistes se sont adaptés.

- 'Enlever la chemise d'islamiste' -

"Maintenant ils vont par deux, trois, en moto ou même à pied", explique,
réfugié dans le village de Goundam, Talpi Ag Hama, un chef de famille touareg
qui a passé l'année 2013 en Mauritanie et craint d'être poussé par
l'insécurité généralisée à y retourner bientôt.
"Ils ont compris que les Français n'ont rien contre les voleurs", dit-il.
"Donc il suffit d'enlever la chemise d'islamiste et d'enfiler la chemise de
bandit pour avoir la paix. C'est ce qui se passe. En fait, ce sont les mêmes
hommes."
Certains groupes ou clans familiaux, notamment dans les communautés touareg
et arabes, se sont d'ailleurs fait une spécialité de changer d'affiliation et
de drapeau au gré du vent et des rapports de forces.
De nombreux affrontements dans le nord du Mali "s'expliquent par la lutte
pour le contrôle des routes stratégiques pour le commerce et les trafics", a
rappelé il y a deux mois le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon dans un
rapport au Conseil de sécurité.
Des photos aériennes de drones de l'ONU en décembre montraient ainsi deux
convois de camions de cigarettes escortés par différents groupes armés,
soulignait-il.
Sur le terrain, lors des briefings dans les bases françaises, les zones
tenues par des éléments hostiles, dans les reliefs montagneux ou à l'écart des
grands axes, sont connues, répertoriées.
"Elles ont la forme de grosses olives, mais elles bougent tout le temps",
remarque le lieutenant-colonel Laurent. Il indique sur la carte un secteur au
nord du lac Faguibine: "Là par exemple, c'est la katiba Al-Fourqane", l'une
des "brigades" les plus connues d'Aqmi.
Autre complication: les affrontements entre forces pro-gouvernementales et
Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, rébellion à dominante touareg).
"La confrontation entre des groupes pro-Bamako et des combattants"
rebelles, "ce n'est pas notre action", précise l'officier, sauf en cas
d'exactions ou d'attaque contre ses troupes. "Là, nous ripostons. Pour le
reste, c'est délicat..."
Dans un rapport publié le 22 mai, le groupe de réflexion International
Crisis Group (ICG) reproche à l'accord de paix de ne pas permettre, faute de
cessez-le-feu crédible, "la distinction entre groupes politico-militaires et
+groupes terroristes+ tant attendue par les forces internationales".
Selon ICG, "le recours aux armes resserre au contraire les liens entre
groupes politico-militaires de tous bords et éléments plus radicaux ou
criminels, les premiers ayant besoin des seconds pour affronter leurs
adversaires".
mm/sst/cs/tmo/djb
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