Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aBamako.com NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Le Pr. Younouss Hamèye Dicko : « Nous n’avons plus l’armée que Modibo Kéita nous a léguée »
Publié le jeudi 2 juillet 2015  |  Le Journal
Dans
© aBamako.com par A.S
Dans le cadre des concertations avec les forces vives de la Nation, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, a rencontré hier à Koulouba les responsables des partis de la majorité présidentielle.




Le Pr. Younouss Hamèye Dicko, président du Rassemblement pour la démocratie et la solidarité (Rds), nous a accordé, samedi dernier une interview à Badalabougou-Séma. Au cours de l’entretien, il a affirmé : « Après ce que nous avons vécu ici en 2006, avec les accords d’Alger, en janvier 2012, avec l’invasion de notre pays, les 17 et 21 mai 2014, nous avons compris que nous n’avons plus ce que nous croyions avoir. Nous n’avons plus l’armée que Modibo Kéita nous a léguée.

Younouss Hameye Dicko
Younouss Hameye Dicko
Nous marchions dans le vide, nous avons fait un mauvais réveil de voir que, finalement, le pays était laissé à lui-même, les populations à elles-mêmes et ça, il y a un gouvernement qui en est responsable »

La mise en œuvre démarre difficilement. Que pensez-vous du quota des représentants de chaque partie?

Il faut aller à la mise en œuvre avec franchise, détermination et confiance. Les difficultés de la mise en œuvre ne sont ignorées de personne, ni le gouvernement malien, ni la communauté internationale, ni les mouvements armés de part et d’autre et surtout, ni le peuple malien. Nous savons que la mise en œuvre va être difficile, mais ce n’est pas pour cela que nous n’allons pas mettre en œuvre franchement. Nous sommes des hommes intelligents, les uns et les autres et il n’est pas interdit de croire que nous allons rencontrer des difficultés. Les difficultés, nous allons les examiner ensemble, nous avons des médiateurs avec nous et la raison la plus raisonnable va prévaloir. Notre pays a des contraintes et il faut parler de coûts. La mise en œuvre est lourde, mais il y a plus lourd politiquement. Au début, ils ont dit qu’il faut développer le pays, nous avons tous cru que c’était ça. Mais, développer, développer, c’est arrivé à un niveau où c’est de la provocation. Nous sommes un pays dont les salaires des fonctionnaires sont quelquefois aidés par l’extérieur. Il ne faut pas nous demander un développement jusqu’à une certaine limite, car, nous ne pouvons pas…donc, il a profité pour dire : « je fais la guerre, parce vous avez développé ça ». C’est de la provocation. J’estime à ce niveau là qu’il y a des problèmes politiques plus difficiles que les problèmes financiers de mise en œuvre, parce que ce que nous ne pouvons pas, il ne faut pas nous le demander. On ne va pas demander à la France et aux Etats unis de donner de l’argent sans contrepartie, sans rien et même si on te donnait ton indépendance, tu verras comment ça se passe. A propos des quotas, vous ne pouvez pas faire éclater la fonction publique malienne en y injectant des contingents qu’elle ne peut pas supporter. On ne peut pas injecter dans l’armée malienne des contingents qu’elle ne peut pas contenir. La discussion s’arrêtera là où la raison s’arrête. Le problème qui s’est posé pour l’armée, par exemple… il fut un moment dans le Nord où on ne pouvait pas tenir militairement. Ce n’est même pas à cause du nombre de nos soldats présents dans le Nord, ce n’est pas à cause de l’armement de nos soldats présents au Nord. C’est à cause de la gouvernance de l’armée. Politiquement, l’armée était mal gérée, mal commandée, mal manœuvrée et même mal instruite et à ce titre, l’armée ne peut pas soutenir une guerre. Théoriquement, il n’y a pas un pouvoir politique fort derrière l’armée pour lui dire : c’est ça qu’il faut faire et non pour lui dire, il ne faut pas faire ça ! On a vu l’armée qui encercle l’ennemi et c’est de Koulouba qu’on lui dit de desserrer son étau. L’armée ne pouvait pas combattre dans ces conditions là. Ce qui veut dire aussi qu’il y a une armée qui n’est pas adaptée au terrain. Il est nécessaire dans ces conditions là, dans la nouvelle armée que nous voulons former qu’il y ait des hommes adaptés au terrain, des hommes qui connaissent le terrain, ça c’est important, mais naturellement ça ne signifie pas que ce sont seulement des Sonhraïs qu’il faut mettre là-bas et qu’il n’y ait pas de Sénoufos là-dedans, dans ce cas, ce n’est plus l’armée malienne. C’est ça le problème. Parce que ce que les gens craignent, c’est peut-être une erreur aussi. Si on met des hommes dans l’armée proportionnellement à leur représentativité, il n’y aura que des Sonhraï dans l’armée au Nord. Les autres n’auront qu’un ou deux. Donc, ce n’est pas comme ça que ça va se passer. On ne va pas amener rien que des Touarègues, rien que des Arabes, mais c’est tous les hommes qui connaissent le terrain, c’est-à-dire, les Sonhraïs, les Peuls, les Bambaras, les Senoufos, les Sarakolés… qui sont là-bas. Si la capitale du Mali était Gao, il n’y aurait jamais eu le problème de Kidal parce que Koulouba serait à Gao. Ce n’est pas sous son nez qu’on va faire des rébellions, il y a les hommes qu’il faut pour faire ce travail là. Je ne m’inquiète pas particulièrement pour le moment, pour ce qui se passe à Sikasso. C’est parce que je sais que Koulouba est à côté et qu’on connait très bien ce qui se passe à Sikasso, on connait le terrain, on connait tout. Les hommes sont adaptés à Sikasso. La rébellion à Sikasso ne peut pas nous inquiéter autant que ça nous inquiète dans le Nord. Donc, je pense qu’il ne s’agit pas de mettre dans l’armée au Nord que des Arabes et des Touarègues, c’est inimaginable, ce serait une autre guerre, parce que les Sonhraïs ne l’accepteraient pas, les Peuls ne l’accepteraient pas, les Bambaras ne l’accepteraient pas, les Sarakolés ne l’accepteraient pas, ce sera encore une fois de façon raisonnable que nous allons faire les intégrations dans l’armée et dans la fonction publique.

Ne pensez-vous pas que la décentralisation prévue dans l’Accord ne soit pas trop poussée ?

Oui ! Mais je crois que la décentralisation est très coûteuse, même celle qui n’existe pas dans les textes de l’Accord. Nous avons commencé notre décentralisation depuis 1998, 1999 et jusqu’aujourd’hui, il y a très peu de transfères financiers, en ressources humaines, au niveau des communes. Par contre, pour la plupart des communes qui marchent, c’est parce que c’est elles-mêmes qui génèrent leurs ressources et c’est l’extérieur qui les aide. Effectivement, cette décentralisation a produit des effets miraculeux, dans le Nord, par exemple. La décentralisation a permis beaucoup de choses, il y a beaucoup d’écoles, de points d’eau qui n’auraient jamais existé si on avait laissé ça à l’Etat tout seul. Aujourd’hui, le problème qui se pose, c’est qu’on a rendu obligatoire, dans l’Accord, la décentralisation dans son aspect financier. Il est dit dans l’Accord que l’Etat transfère 30% de son budget à l’ensemble des collectivités territoriales. Beaucoup de gens croient que les 30%, on les transfère sur Gao, Tombouctou et Kidal, c’est une erreur. Si nous avions suffisamment de ressources pour transférer sur Gao, Tombouctou et Kidal, pourquoi pas ? mais ce n’est pas le cas. Ce sont les 761 collectivités territoriales qui sont concernées. Pas seulement les 703 communes, mais il y a les cercles, les régions, qui, aujourd’hui, sont au nombre de 8, plus le district, donc, je crois que ça coûte vraiment très cher, mais il faut essayer. Ils ont oublié d’entrer, non plus dans la décentralisation, mais dans la régionalisation. Là aussi, il y a une grosse confusion chez les uns et les autres, il ne s’agit plus de décentralisation, il s’agit de régionalisation. La régionalisation est un acte politique. Elle n’est pas pareille que la décentralisation qui est administrative. Il s’agit de la régionalisation qui donne des pouvoirs aux Régionaux et qui peut inquiéter le pouvoir central. Le président de région est élu au suffrage universel, il répond devant les populations qui l’ont élu, mais dans le cadre de l’unité nationale, l’intégrité territoriale, dans le respect du caractère républicain et laïc de l’Etat. Donc tout ça est balisé et il suffit d’avoir des hommes et des femmes à Koulouba pour réaliser cela. La décentralisation, voire la régionalisation a un très grand coût chez nous, mais la communauté internationale, garante de l’Accord, est impliquée, donc, elle va aussi participer à la dépense.

Cette décentralisation va-t-elle dissiper le sentiment d’abandon de certains ressortissants du Nord qui pensent être lâchés par le Sud ?

Je crois que c’est une erreur de langage, d’interprétation. Le Sud n’abandonne pas le Nord. Le Sud n’a pas de responsabilité dans ce problème. C’est le gouvernement qui en a et le gouvernement n’est pas sud, il n’est pas nord, c’est le gouvernement malien. Même s’il n’était constitué que d’hommes du Sud, c’est le gouvernement du Mali, ce n’est pas le Sud. D’autant plus que notre constitution ne fait pas état ni de Sud ni de Nord, ni de Centre, ne fait pas état d’ethnie, de région, nous avons toujours été une Nation. Avant ces mouvements là, quand le président formait son gouvernement, qui se préoccupait de savoir s’il y a là-dedans, un Sonrhaï, un Touarègue, un Bambara, ou ceci ou cela ? On pense qu’objectivement, une Nation constitue son gouvernement sur des bases légales et normales. Donc, c’est un tort de dire que le Sud a abandonné, le Sud n’a rien à voir dedans, c’est Koulouba qui a quelque chose à voir là-dedans, et à Koulouba, il y a tous les types dedans, il y a les Nordistes, les Sudistes, les Occidentaux, les Orientalistes, les Centristes, etc. etc. s’il y a un grief à faire, ce n’est pas au Sud, c’est au gouvernement. Je reste convaincu que pour la réconciliation nationale, il faut que le gouvernement malien présente ses excuses aux populations. Ce n’est pas seulement la population du Nord, c’est la population malienne dont on a abandonné une partie de son territoire à des Jihadistes, à des criminels, pendant si longtemps. Ça, c’est la faute de la gouvernance, non de la population du Sud. L’histoire d’abandon ne vient pas du Sud, c’est l’abandon du Nord par le pouvoir du moment en place, mais le pouvoir est une continuité. S’il a fauté un moment, c’est un pouvoir qui n’a pas fauté qui présente ses excuses. On a vu ça dans le monde entier. Après ce que nous avons vécu ici en 2006, avec les accords d’Alger, en janvier 2012, avec l’invasion de notre pays, les 17 et 21 mai 2014, nous avons compris que nous n’avons plus ce que nous croyions avoir. Nous n’avons plus l’armée que Modibo Kéita nous a léguée. Nous marchions dans le vide, nous avons fait un mauvais réveil de voir que, finalement, le pays était laissé à lui-même, les populations à elles-mêmes et ça, il y a un gouvernement qui en est responsable. Il faut dans ces conditions là que ce soit le gouvernement qui présente des excuses à la Nation malienne pour ne plus recommencer à abandonner les populations à leurs tortionnaires, puisque la prochaine fois, on ne sait pas ce qui va se passer. Ça, on ne peut le réussir qu’avec une armée bien en place, bien entrainée, solidement républicaine et solidement malienne… nationale.

B.D.
Commentaires