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Crise du nord : quelques clés pour une meilleure compréhension
Publié le vendredi 7 decembre 2012  |  Le segovien


Crise
© Reuters
Crise au Nord du Mali
Des milicien de Ansar Dîne


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De façon cyclique, le Mali a connu des soulèvements dans sa partie septentrionale. Celui de cette année est atypique tant dans sa forme que dans la composition des acteurs qui y sont impliqués. Pour la première fois en effet, des djihadistes se sont associés aux sécessionnistes pour déstabiliser le Mali dans ses fondements. Qui sont ces acteurs ? Quelles sont leurs prétentions et moyens ? Décryptage !

Des acteurs multiples aux intérêts divergents…

Tout d’abord, cette crise se distingue des autres par la diversité des acteurs et la divergence de leurs intérêts. Ces acteurs sont entre autres : le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), Al Qaëda au Maghreb Islamique (AQMI) et Ançar Eddine. Le MNLA est composé pour l’essentiel de touaregs issus des fractions Chamanamas, Idnanes et Daoussahak. Ces soldats étaient estimés à environ deux mille (2000) hommes issus des milices libyennes de Kadhafi. Ils jouissent pour la plupart de la double nationalité (malienne et libyenne) et étaient supposés repartir en Lybie après le départ de l’OTAN pour combattre le CNT sous la houlette de Saïf El Islam. Ils ont traversé l’Algérie pour se retrouver au Mali qui devait leur servir en réalité de base arrière. Mais Saïf El Islam a été fait prisonnier au Niger et le numéro deux du régime a connu le même sort en Mauritanie. Ces soldats bien formés et suréquipés se sont donc retrouvés sans commandement et sans ressources. Ils ont donc établi des connexions avec des compatriotes Maliens des mêmes fractions en vue d’un combat pour la « libération » de l’Azawad. D’autres compatriotes installés en France et en Belgique devaient constituer l’aile politique du mouvement devant mener ce combat. A côté du MNLA, nous avons Al Qaëda au Maghreb Islamique ; il s’agit d’un groupe composé de salafistes et qui a un lien avec le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) algérien. Ce groupe est composé au plus de six cents (600) hommes. Ce groupe aussi entendait faire du Mali d’une part une zone d’approvisionnement en produits divers ; et, d’autre part, une base de repli face aux pressions de l’Algérie et de la Mauritanie, surtout dans la lutte contre le banditisme organisé et les tentatives de déstabilisation. Ançar Eddine n’est pas un mouvement à part entière, ce n’est que l’autre face de la pièce qu’est AQMI. Les deux structures sont indissociables. L’appellation n’est autre qu’une trouvaille de son leader, Iyad Ag Ghaly, juste pour faire diversion. Ces deux organisations ont intérêt à ce que le Nord du Mali devienne une zone de non droit. Cela leur donne l’opportunité, en complicité avec les narcotrafiquants Colombiens et les fondamentalistes musulmans de tout acabit d’y développer tous les trafics possibles : drogue, cigarettes, armes, otages… Enfin, le MUJAO, une supposée dissidence d’Ançar Eddine, mais en réalité une autre trouvaille d’Iyad Ag Ghaly pour tenir l’Algérie en respect.

Des enjeux stratégiques…

La situation d’insécurité n’est pas fortuite. Elle s’explique par les enjeux liés aux ressources minières et à la position géographique du septentrion malien. Des réserves de pétrole, de gaz, de phosphate et d’uranium y sont décelées en effet. Toutes ces richesses font que les puissances étrangères s’intéressent au Nord du Mali. Le cours du pétrole n’est plus le même qu’il était il y a une décennie et celui du bassin de Taoudéni a pris de la valeur aujourd’hui. Par ailleurs, il est prévu à terme que le bassin gazier de la région de Taoudéni soit connecté au gazoduc reliant le Nigéria à la Méditerranée et dont le chantier doit démarrer incessamment. Le Gouvernement malien a accordé des contrats d’exploration à six sociétés étrangères différentes dans cette zone. En outre, les Américains voudraient bien avoir le contrôle de la zone pour combattre efficacement les islamistes d’AQMI et les narcotrafiquants colombiens qui foisonnent dans la région. Quant à l’Union Européenne, un contrôle de cette zone lui permet de mieux suivre les flux migratoires à destination de la Méditerranée.

Quid de la République de l’Azawad ?

La République de l’Azawad n’a aucune chance de survivre dans les limites géographiques qu’elle s’est choisie. Cette république n’engage pas toutes les communautés vivant dans l’Azawad. Les Touaregs, les Bellahs et les Arabes réunis correspondent à peine à la moitié des populations du Nord, les sonrhaï en constituant l’autre moitié avec les Peulh. Et si l’on retient que les éléments armés du MNLA qui revendiquent l’indépendance ne sont pas mandatés par les populations au nom desquelles ils disent s’exprimer, il y a lieu de comprendre que ladite république n’a aucune chance de survie. En outre, en dépit des ressources du sous sol, un petit Etat enclavé avec une population limitée ne peut aller loin. Un territoire d’une telle étendue et avec les richesses annoncées ne peut être développé que par les efforts de millions de personnes. Or, les Touaregs, toutes fractions confondues, font à peine un million cinq cent mille personnes. Et là encore, tous ne se sentent pas concernés par le projet indépendantiste du MNLA. Par ailleurs, l’Algérie, qui a des problèmes avec les berbères au Sud, ne voudra pas d’un Etat touareg qui pourrait le déstabiliser en devenant une base arrière pour le GSPC ou tout autre mouvement subversif à caractère ethnique. De même, la Mauritanie qui a des problèmes avec les FLAM n’entend pas cautionner un Etat touareg à ses côtés, au risque de se voir déstabilisée. Enfin, les puissances occidentales, en raison des potentialités de la région et des intérêts qu’elles peuvent en tirer, ne laisseront pas des forbans s’y installer et hypothéquer toute chance de développement. Sans l’accompagnement de la majorité des populations vivant dans le septentrion pour légitimer leur action, sans les ressources humaines devant impulser le développement de la zone, sans les partenariats stratégiques devant assurer la stabilité de cet Etat, la « république de l’Azawad » n’est ni plus ni moins qu’une chimère. Mais une chimère qui aura coûté des pertes en vies humaines et une grande déchirure du tissu social au Mali.

Rien n’est perdu…

Il est bien possible cependant de régler la crise du Nord. Pour cela, il faut, au préalable, résoudre la crise institutionnelle au Sud. Les acteurs politiques doivent sortir au plus tôt de leur débat aporétique autour de la transition. Il faut se convaincre en effet que la CEDEAO et la communauté internationale qui souhaitent apporter leur aide au Mali ne le feront jamais avec un régime putatif. Ils ont besoin d’un interlocuteur à même d’entreprendre des démarches au nom du pays. Cet homme doit être entouré d’une équipe crédible pour susciter l’accompagnement des partenaires du Mali. Cet homme doit instaurer un dialogue inclusif avec toutes les composantes des populations du Nord. Il y a lieu en effet d’éviter les erreurs du passé : le dialogue ne doit pas concerner les seules personnes ayant pris les armes. Il doit impliquer toutes les communautés : sonrhaï, bellas, touaregs, arabes et peuls. Toute autre démarche contribuerait à encourager le mécontentement et le soulèvement des autres qui seraient écartés. Le dialogue doit également inclure les autres communautés vivant au Sud du Mali. En effet, le Nord n’est pas la seule partie du Mali à connaître des problèmes de développement. C’est la politique même de décentralisation qu’il faut revoir pour permettre aux populations, sur la base d’un découpage juste et réaliste, de participer au développement du pays. Le Pacte National signé entre le Gouvernement du Mali et les MFUA pourraient servir de base à ce dialogue. Les accords qui seraient signés devraient prendre en compte la nécessité de tracer les grandes lignes du développement de toutes les régions du pays. Sans entrer dans les détails les plus pointus de ce développement, il pourrait indiquer les grandes lignes des infrastructures de développement à réaliser en termes de routes par exemple. Une autre erreur à éviter est l’amalgame. Tous les touaregs ne sont pas solidaires des actions du MNLA encore moins toutes les populations du Nord. Au contraire, on dénombre dans les communautés arabes, sonrhaï, bellah et même touarègue des hommes et des femmes qui sont hostiles à toute idée d’indépendance ou de séparatisme. Certains ont du abandonner leurs activités économiques et tous leurs biens pour se réfugier dans les pays voisins ou à Bamako. Il faut les rassurer et chercher leur appui au Mali, notre pays à tous. Certains intégrés touaregs et arabes ont donné la preuve de leur loyauté envers le Mali. Il y a lieu d’en tenir compte quelle que soit l’option envisagée par les autorités maliennes. Le dialogue est l’option prioritaire pour résoudre la question. Il aura le mérite d’éviter davantage de déchirements, de pertes en vies humaines. On pourra néanmoins instaurer une commission du genre vérité et réconciliation afin d’éviter d’éventuels dérapages à l’avenir. Mais à défaut, il faut faire la guerre.

Qui veut la paix, prépare la guerre…

Dans cette perspective, la question de la logistique doit être résolue prioritairement. Nous ne devons pas compter sur les soldats de la CEDEAO pour libérer le Mali. Il y va de notre dignité et de notre honneur. D’abord parce que les soldats de l’ECOMOG ne viendront pas pour mourir dans une guerre qui ne les regarde pas ; ensuite, parce que nous ne pourrons plus lever la tête devant les ressortissants des autres pays. Il faut donc compter sur nous-mêmes pour faire cette guerre. L’appui que nous sommes en droit d’attendre de la CEDEAO doit être d’ordre matériel. Avec un appui aérien de la CEDEAO ou des puissances étrangères sous la forme de frappes aériennes chirurgicales ou l’envoi de drones, les soldats Maliens pourront faire le reste du travail au sol sans que ceux des pays voisins n’aient besoin de venir au Mali. En raison des effectifs réels sur le terrain, le potentiel est en faveur de l’armée malienne. Rien n’est donc perdu ! Enfin, si le MNLA sait que son combat est voué à l’échec et se trouve dans l’obligation de faire la paix, il n’en est pas de même pour AQMI et Ançar Eddine. Ceux-ci doivent être nettoyés. Le Mali doit se préparer à leur faire la guerre. Celle-ci ne sera pas facile ; mais elle est indispensable. Elle permettra de pacifier définitivement le Nord qui est devenu au fil des ans un no man’s land.

Issoufi Dicko

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