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La revendication violente et armée : l’un des business les plus porteurs dans le Mali contemporain
Publié le mardi 18 aout 2015  |  Le Flambeau
L`otage
© AFP par HO / ALAKHBAR / AFP
L`otage français Gilberto Rodrigues Leal, enlevé en novembre 2012 dans l`ouest du Mali par le Mouvement pour l`unicité et le jihad en Afrique de l`Ouest (Mujao)




1968, le régime socialiste mis en place par le Président Modibo KEITA est renversé par un coup d’Etat militaire. 1991, suite à des soulèvements populaires qui ébranlèrent le régime, Amadou Toumani Touré mit fin par un coup d’état à la dictature de Moussa Traoré. 2012, ironie du sort, ce même Amadou Toumani Touré est chassé du pouvoir en fin de mandat par un certain Amadou Aya Sanogo. Entre ces trois coups de force militaire, ont subsisté des moments de fortes et violentes contestations politiques sous la 3ème république. Auxquels s’ajoutent des rébellions armées dans le nord du pays. Des évènements de prime à bord distincts _ de par leurs causes, les conséquences qui en ont découlé et la conjoncture dans laquelle ils ont eu lieu _ mais qui ont tous contribué à l’émergence de nouveaux leaders, l’instauration exponentielle de l’injustice sociale, la mainmise d’un groupuscule d’individus sur la magne financière de l’Etat, ainsi qu’au renforcement du népotisme comme principe de gouvernance et facteur d’impunité.
Ce qui fait ainsi de la revendication violente et armée, au détriment des principes démocratiques et Républicains, l’un des business les plus porteurs dans le Mali contemporain. Et par ricochet le chemin le plus rapide pour accéder au pouvoir et aux ressources financières de l’Etat pour d’aucuns, et à une vie décente (emploi et moyens de subsistance) pour certains. Notamment ces milliers de jeunes qui, ne voyant aucunes perspectives d’avenir, se retrouvent vulnérables face à toute sorte de manipulation et de ‘’proposition’’.
En témoigne la course effrénée des jeunes vers les mouvements armés, les groupes extrémistes en quête perpétuelle de nouveaux acolytes et bien d’autres manifestations politiques…à la recherche du pain quotidien. Une situation délicate, sous-estimée et/ou non encore cernée par les autorités publiques, et qui risque d’avoir pour conséquences immédiates : l’implantation rapide des groupes extrémistes ; l’effritement de l’Etat de droit ; la remise en question de nos valeurs sociétales et la promotion de la médiocratie.
Les coups d’Etat ou occasions de promotion de nouveaux clans…
L’histoire récente du Mali contemporain a démontré avec brio que les coups d’Etat militaires ont plus profité à leurs auteurs et fans qu’aux intérêts du peuple pour lequel ces derniers ont toujours prétendu agir. De chaque coup de force militaire, s’en sont suivis un marathon aux postes et structures juteux de l’appareil étatique ; un feuilleton rocambolesque de partage de gâteau ; l’émergence incontrôlable de nouveaux leaders ; et la promotion de nouveaux clans qui ne jurent que par et pour la cause de leurs membres.
A chaque coup d’Etat militaire, son cortège de dilapidation des maigres ressources financières du pays, de déstabilisation de l’ordre institutionnel établit, de diabolisation des adversaires politiques et de règlement extrajudiciaire de compte. Sans occulter les pertes en vie humaine et les séjours inattendus en prison…les coups d’Etat se sont toujours révélés _ pour leurs commanditaires, auteurs, acteurs de légitimation et pions de consolidation _ comme de bons créneaux de promotion, de positionnement stratégique et d’enrichissement illicite. A l’exception bien entendu de certains, comme dans tout marché de dupe, qui sont utilisés comme fusibles pour endosser les responsabilités des uns et des autres.
Autre business rentable au Mali : la violence et l’agitation politiques…
Claude FAY, dans un article paru dans les cahiers d’études africaines intitulé ‘’la démocratie au Mali, ou le pouvoir en pâture’’, analyse les conditions de surgissement de la revendication démocratique, puis l'instauration de la démocratie et du pluralisme au Mali.
La contestation démocratique, à l’en croire, est issue de la crise d'un système clientéliste généralisé qui ne parvient plus à assurer la redistribution qui le fonde. Avec des partis politiques qui se constituent respectivement, à la manière de l'ancien parti unique, comme des réseaux d'intérêts et de pouvoir à la fois transversaux aux réseaux antérieurs et tentant de les récupérer.
La démocratie apparaît ainsi, et de la manière la plus inéluctable, comme un facteur de désordre du fait des ralliements politiques qui se font sur la base habituelle du double clientélisme entre dominés et pôles de domination. Créant ainsi un cycle infernal d’instabilités sociales récurrentes, le plus souvent contrôlé par les politiques. Derrière toutes les agitations politiques, ont subsisté des guerres de positionnement.
A la base de chaque nomination du conseil des ministres, beaucoup plus des arrangements et calculs politiques que de véritables ambitions de construction de l’édifice commun. Les adhésions dans les partis politiques ne se font plus sur la base des convictions idéologiques mais plutôt des ambitions professionnelles.
Les plus méritants dans leurs domaines respectifs et les meilleurs cadres de nos différentes administrations se retrouvent ainsi à la solde de partisans politiques, le plus souvent des cas, sans compétences. L’agitation politique, au-delà des risques de représailles, se présente pour ses auteurs comme une aubaine de se faire inviter à la table du pouvoir. Une réalité d’autant plus évidente que la politique est devenue un refuge pour de nombreuses personnes sans perspectives, une arme pour d’autres et un refuge pour certains.
En sus des coups d’Etat et du boucan politique : les armes…
Plus de 9000 emplois en faveur des régions du nord et l’intégration des combattants des mouvements armés sont annoncés dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation issu des pourparlers inter-maliens d’Alger. A ceux-ci s’ajoutent les départements ministériels taillés sur mesure auxquels auront droit les groupes signataires dans la perspective du prochain remaniement, les quotas de représentativité dans les instances de prise de décision qui leur seront réservés et tous les autres prébendes de la paix.
Sans oublier la mise en selle de nouveaux leaders et la légitimation d’anciens criminels. Nous ne saurons oublier les multiples reformes institutionnelles, les vastes chantiers de développement socioéconomique dans les régions du Nord et les futures échéances électorales prévus toujours dans la dynamique du processus de paix. Autant d’acquis qui, à n’en point douter, n’auraient jamais été effectives sans les évènements malheureux qu’ont connus les régions du septentrion. Ou du moins, sans les armes. Les armes ont certes fait couler beaucoup de sang et de larmes, mais auront également beaucoup profité à de nombreux fils du pays, bien qu’étant les moins méritants.
A analyser de près les acquis, enjeux et perspectives du processus de paix en cours ; l’on se rend bien compte que la violence est arrivée à impulser une dynamique de développement qu’aucun projet de société présidentiel n’était parvenu à déclencher. Le coup des canons, en seulement quelques années, a octroyé une légitimité à des groupuscules d’individus que les vrais partisans de la République, les plus grands combattants de la scène politique et les meilleurs commis de l’Etat n’ont pu acquérir tout au long de leur périlleuse et loyale vie.
La revendication violente et armée, au regard de la conjoncture de ces 25 dernières années, se présente comme l’un des business les plus porteurs dans le Mali contemporain. Un business qui, si rien n’est fait, risque comme toute activité ‘’à la malienne’’ de se développer rapidement. Un état de fait irrévocable qui largue le travail, le mérite, l’intégrité, le dévouement à la patrie et le don de soi au rang des valeurs les moins sollicitées dans une société en pleine déliquescence et dont le KO programmé par son élite est fort bien entretenu par des citoyens encore dans la léthargie.
Fousseyni MAIGA
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