À rien doit-on dire. En effet, à l’approche des échéances déterminantes pour la plupart de pays africains en général, et plus particulièrement la République centrafricaine, beaucoup sont les citoyens qui s’interrogent encore sur l’utilité des élections, la nécessité d’aller voter, se demandant « à quoi servent les élections dont les résultats sont connus d’avance ? »
La République fonctionnant selon le principe du gouvernement représentatif, la fonction première des élections est de permettre aux citoyens de choisir leurs gouvernants, qui doivent conduire leur destinée et leurs représentants, qui rédigeront et voteront la loi en leur nom au Parlement. Ainsi, l’élection est une délégation de Souveraineté. Elle constitue, au sein d’une société organisée, une « soupape de sécurité ». En effet, la possibilité pour les citoyens de pouvoir régulièrement exprimer une alternance ou, au contraire, de donner un nouveau mandat au pouvoir sortant, évite que les désaccords politiques majeurs ne trouvent un autre terrain d’expression (la rue) et d’autres modalités (la violence), comme c’est souvent le cas dans le continent.
L’élection peut aussi permettre de régler une crise. Lorsqu’un débat extrêmement important divise les citoyens, le recours au suffrage universel peut permettre de trouver une solution. Ainsi, par exemple lors des événements de mai 1968 en France, la dissolution de l’Assemblée nationale et la convocation à des élections législatives par le Général De Gaulle permirent de calmer les tensions dans la rue.
Or concernant le continent africain, organiser les élections sensées permettre aux peuples de choisir librement leurs dirigeants dans les différentes institutions est devenu quasiment un jeu d’enfants. Pendant que sous d’autres cieux, le rapport entre candidat et électeur a pour objet un cahier de charges à remplir par celui qui vient solliciter le suffrage et sensé conduire au bien être du plus grand nombre, en Afrique et dans la plupart des pays du continent, les jeux sont joués d’avance. Le parti au pouvoir s’arrange toujours pour faire évoluer les choses en faveur de l’élection de son favori, souvent le chef d’Etat sortant, s’il ne s’agit pas tout simplement de son propre fils en cas de vacance du pouvoir. Ce qui semble être le cas au Congo Brazzaville et au Gabon pour ne citer que ces deux pays dont tous connaissent leur attachement à la nébuleuse Francafrique. Dès lors que les jeux sont joués d’avance, à quoi servent alors réellement les simulacres d’élections ?
Une « élection démocratique » est le fait pour un peuple d’un pays donné de se choisir librement et sans aucune contrainte, à un moment donné de l’histoire de son pays ses propres dirigeants sensés exécuter un programme convenu au préalable, et ce, en vue de son bien être. Il ne souffre alors d’aucun doute que le pouvoir qu’exercent les hommes politiques issus des urnes a pour objectif principal l’amélioration du vécu quotidien des citoyens, l’amélioration des conditions de vie et d’existence dans le pays, la protection de l’intégrité territoriale et la défense des intérêts nationaux dans le concert des nations. Tel devrait être la nature du contrat liant les différents hommes politiques à leurs peuples respectifs. Et la survie ou la validité de tels contrats tient ni plus ni moins qu’à l’entière exécution de cette espèce de cahier de charges liant l’électeur à l’élu. Cette stratification de rapports socio-politiques fait que les candidats à l’élection s’engagent à être au fait au service de leurs peuples qui agissent en véritable souverain. Le pouvoir détenu par les hommes politiques est donc l’émanation de ceux-ci ; et à leur niveau, ils l’exercent par procuration.
Cette relation ou ce type de contrat n’est valable que si chacune des parties respecte et exécute scrupuleusement sa part de responsabilité ; ce qui malheureusement ne semble pas être le cas pour la plupart de pays du continent d’Afrique subsaharienne (rien qu’à voir l’écart entre les promesses électorales et les réalisations pendant le temps du règne tant convoité et pour lequel beaucoup de candidats sont prêts à vendre leurs âmes au Diable).
À cette imposture viennent s’ajouter tous les engagements avec les milieux des esprits : entendez par là les loges ou sectes pernicieuses, les marabouts, les sorciers et autres petits féticheurs du quartier, au point que tout le monde se fait poli, docile et candide ; mêmes les loups se couvrent de la peau d’agneaux pour la circonstance. Mais après la publication de résultats des urnes, on assiste à une espèce de transformation quasi mystique de tous ces agneaux : l’arrogance, le mépris, l’ingratitude, le mensonge, l’insouciance, les rapines, etc… La vraie nature revient jusqu’au prochain scrutin. C’est un peu ça le vilain jeu appelé à tort «élection» en Afrique, mais qui en réalité est un vrai marché de dupe.
À cause de peu d’exigences des citoyens et l’absence de la culture politique, les politiciens véreux abusent toujours du peuple ; raison pour laquelle la classe politique africaine devient davantage plus riche pendant que le peuple, lui, continue à tirer le Diable par la queue. Telle est quasiment l’état des lieux de la situation politique dans le continent ou encore la nature de rapports entre la classe politique africaine et le peuple souverain.
Election politique : un non sens en Afrique, quand on examine l’état de rapports entre la classe politique dirigeante africaine et les populations paupérisées et meurtries, il y a lieu de se demander pour quoi on dépense autant d’argent dans cette partie du Monde pour organiser les pseudo élections pendant que les résultats pour la plupart de pays sont connus d’avance ?
À quelques exceptions prêt, il faut avouer qu’en dépit de la tenue depuis la période des indépendances des élections sur le continent africain, les vraies élections politiques sont à comptées aux bouts de doigts. Beaucoup de pays n’ont eu à offrir à leurs peuples que de simulacres d’élections et où les jeux sont faits longtemps en avance. C’est pour cela que nous africains devons avoir du respect pour les pays comme le Ghana, le Bénin, l’Afrique du Sud, le Mali et dans une certaine mesure le Sénégal pour le bon exemple qu’ils offrent au continent en matière électorale. Combien demain vont leur emboîter le pas sur ce bon chemin ?
En réalité, le contrat de gouvernement n’est qu’une chimère dans la plupart de nos pays d’Afrique où nombre de dirigeants politiques ne respectent les clauses contractuelles que l’instant de la période pré électorale et celle des élections proprement dites, ce qui relève d’ailleurs du calcul politicien et de la ruse de ceux-ci pour mieux appâter les électeurs dont ils ont besoin du suffrage pour être élus au poste convoité. La plupart des politiciens africains considèrent leur peuple comme un citron appelé à être jeté à la poubelle dès que l’on a fini de tirer tout le jus qu’il contient. Inutile donc pour eux de s’en encombrer après la publication de résultats (ce qui ressuscite le vieux débat sur la capacité des africains à s’adapter aux principes démocratiques).
Cela dit, pour beaucoup, la démocratie demeure encore un vrai « luxe » pour les peuples d’Afrique par la faute de leurs dirigeants et de leurs élites ; au point que les pays qui pratiquent de vraies règles démocratiques et recourent aux élections libres et transparentes pour permettre à leurs peuples de choisir librement leurs dirigeants sont évidemment rares. Si l’exercice démocratique est une réalité dans les pays d’Europe et d’Amérique, et auxquels s’ajoutent de plus en plus depuis un certain temps les pays dits émergeants d’Amérique latine et de l’Asie du Sud-Est, la situation en Afrique est encore toute triste et exige une assistance d’urgence de la part de la communauté internationale qui doit exercer une espèce de droit d’ingérence humanitaire en faveur des peuples du fait des turbulences et violences politiques de toutes sortes dans leurs pays respectifs.
Il faut aussi que l’Occident aide l’Afrique à se départir de ces vilaines pratiques de tricheries électorales, de la fraude avilissante et du vol du scrutin. Il n’y a que cette voie qui peut permettre d’arrêter les velléités de retour au cercle infernal et vicieux que sont les rebellions, les coups d’état et/ou tentatives de coup d’état, le banditisme de grand chemin (coupeurs de route), etc. Si aujourd’hui les jeunes acceptent de mourir en mer pour atteindre l’occident, pas impossible que demain ils acceptent de devenir de vrais martyrs. Continuer à appuyer la dictature en Afrique, cautionner la fraude électorale et laisser les politiciens voler les scrutins conditionnent à petit feu la jeunesse africaine à de réflexes de survis qui la préparent à se lancer demain dans des aventures aux conséquences incalculables.
Houphouët Boigny, Mobutu, Bongo partis, il est grand temps pour que les anciennes puissances coloniales arrêtent de téléguider les élections en Afrique. Il y a lieu de penser plutôt qu’elles ont intérêt aujourd’hui à aider les peuples africains à choisir librement leurs propres dirigeants politiques sur la base d’un contrat social axé sur la recherche constante du bonheur du peuple.
Dans bien des pays africains, en dépit de la longévité des présidents fondateurs et autres pères de l’indépendance, les peuples croupissent toujours sous la misère. Non pas que ces pays ne disposent pas d’atouts nécessaires pour assurer le développement, mais bien pour la simple raison que ces dirigeants politiques ont fait de la carrière politique une voie royale de l’enrichissement facile.
Par ailleurs, en voyant ce qui se passe au tour de nous, nous allons vite nous rendre compte qu’il est grand temps pour que l’occident aide l’Afrique à cesser de gaspiller inutilement les maigres ressources pour organiser les simulacres d’élections. A cet effet, nous suivons assez souvent les appels pathétiques lancés sur les ondes de radios et autres médias par les opposants politiques de certains pays invitant le peuple à la désobéissance civique par rapport aux élections présidentielles et/ou législatives. Ces appels font état de fraudes dans le processus électoral pour assurer l’élection du candidat du pouvoir ou du président sortant dès le premier tour. Non pas qu’il dispose d’un projet de société viable à proposer au peuple pour un contrat social, mais juste décider d’abuser encore du peuple qui n’a que trop souffert de toutes ces années d’un règne sans gage. Tout cela est tout simplement triste et lamentable.
Samba KEÏTA