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Les dividendes de la paix aiguisent les appétits dans le nord du Mali
Publié le samedi 26 septembre 2015  |  AFP
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© Autre presse
L`une des missions qui incombera au nouveau gouvernement sera de réconcilier les populations du Nord, notamment les Touaregs, et les institutions maliennes.




Bamako- Trois mois après le parachèvement d’un accord de paix au Mali, l’instabilité perdure dans le nord du pays, miné par les rivalités tribales, les luttes d’influence et de trafics, y compris entre groupes signataires.
Tirant acte de "la situation d’insécurité, l’absence de l’administration dans certaines localités, le retour non effectif des réfugiés" dans le Nord, le gouvernement, après consultation des partis politiques et de la société civile, a officiellement annoncé lundi le report sine die des élections locales.
Autre illustration de ce risque d’enlisement: installé fin juin, le Comité de suivi de l’accord d’Alger - où l’accord a été négocié avant sa signature officielle à Bamako - est loin de tourner à plein régime.

"Les alliances se font et se défont entre les tribus touareg et arabes du Nord, et évidemment, certains ne veulent plus voir les autres siéger au Comité de suivi", explique un responsable de la Mission de l’ONU au Mali, la Minusma.

Début septembre, la Minusma a trouvé une solution à ce casse-tête: des groupes armés seront "membres du Comité de suivi" de l’accord, et d’autres seront "les invités du Comité de suivi".

Ce jeu de dupes se prolonge sur le terrain, avec pour dernier exemple en date la reprise la semaine dernière par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rébellion) de la ville d’Anéfis (nord-est), à la faveur du retrait, sous pressions, des groupes pro-gouvernementaux qui l’en avaient chassée en août.

Dans un communiqué le 19 septembre, la Minusma n’a pu que déplorer "le retour non concerté", bien que sans combat, des forces de la CMA dans la ville.

Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda après la déroute de l’armée face à la rébellion à dominante touareg, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée.

Les groupes jihadistes y ont été dispersés et en ont été en grande partie chassés à la suite du lancement en janvier 2013, à l’initiative de la France, d’une intervention militaire internationale qui se poursuit.

- Bataille du cantonnement -

Dans le Nord, ce sont actuellement deux coalitions rivales formées sur une base tribale, toutes deux signataires de l’Accord, qui se font face.

D’un côté, les Touareg Imghad et leurs alliés, composés d’une branche Mouvement arabe de l’Azawad (MAA, bien Mouvement arabe de l’Azawad) ainsi que de petits groupes armés sédentaires, soutiens de taille du gouvernement malien.

De l’autre, la CMA, composée essentiellement de Touareg et de l’autre branche du MAA.

"Nous les Touareg de la tribu des Imghad, le temps où on nous considérait comme les vassaux de la tribu des Ifoghas (considérée comme la plus noble dans la hiérarchie touareg et largement représentée dans la rébellion, NDLR) est terminé, explique Ahmed Ag Iknane, universitaire et soutien des groupes pro-gouvernementaux.

"Nous sommes les plus nombreux des tribus touareg, en démocratie, c’est: +Un homme, une voix+, ça doit compter", souligne-t-il.

Afin de compter dans le nouveau Mali que dessine l’accord de paix, les différents groupes veulent contrôler les routes des trafics, mais aussi les points stratégiques, en vue du désarmement de leurs combattants, qui seront cantonnés sur une douzaine de sites.

Les pro-gouvernementaux souhaitent par conséquent occuper des positions proches de Kidal (nord-est), bastion de la rébellion mais aussi terre natale de nombreux Touareg loyalistes, pour ne pas laisser le champ libre à leurs frères ennemis.

A ces querelles intestines s’ajoutent celles qui déchirent les tribus arabes, et le poids financier sur les groupes armés des deux bords des trafiquants qui contrôlent les routes de la drogue, comme l’indique un rapport interne de la Minusma que l’AFP a pu consulter.

Selon ce document, "l’absence de l’Etat, l’anarchie qui règne sur place font que les trafiquants de drogue avec les moyens colossaux empêchent le processus de paix de suivre son cours normal".

Selon une source de sécurité régionale, "depuis le début de l’année, au moins deux petits avions sont venus larguer de la cocaïne dans le nord du Mali, avec la complicité de certains combattants".

Quant aux jihadistes, par leur harcèlement incessant - attentats-suicides, mines, embuscades, tirs de mortier et roquettes -, ils sont parvenus à faire de l’opération de maintien de la paix de l’ONU la plus coûteuse en vies humaines depuis la Somalie dans les années 1990.

Malgré tous ces obstacles, le gouvernement malien n’a d’autre choix que de jouer la carte de la paix, ne serait-ce que pour conjurer le retour d’une menace jihadiste qui se propage désormais au centre et au sud du pays.

sd/sst/sba
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