Des écrivains, universitaires et spécialistes de la culture venant de divers horizons se sont donné rendez-vous à Bamako pour un forum examinant les causes et les manifestations des conflits en Afrique. En libérant la parole, du lundi 28 septembre au 30, rien n’aura échappé à ces représentants de l’intelligentsia africaine: du long combat des auteurs africains pour les libertés aux extrémismes violents, sans oublier les accords de paix. Une liberté que semble avoir savourée l’invité de marque du jour: le ministre Zahabi Ould Mohamed.
On s’attend à ce que les écrivains contribuent à déconstruire les fondements idéologiques des conflits violents qui se multiplient en Afrique depuis quelques années. L’apport des intellectuels serait particulièrement important dans l’analyse des dimensions claniques, religieuses, ethniques et tribales de ces violences.
Le forum qui se tient au Musée national de Bamako n’est pas qu’un rendez-vous exclusivement africain, des intellectuels venant d’autres pays comme la France et le Canada étant présents. Pour Chirfi Moulaye Haïdara, commissaire général de la rencontre, le rôle de l’écrivain est essentiel dans l’éclosion de la réflexion sur les solutions aux conflits qui ravagent le continent.
Une des particularités des conflits en Afrique est la menace qui pèse sur les démocraties africaines qui sont régulièrement mises en mal par des coups de forces. «N’importe quel putschiste de la 25 heure peut mettre en danger les libertés », a commenté Ismaïla Samba Traoré, le président de PEN Mali, une ONG ayant contribué à l’organisation de la rencontre de Bamako.
Au-delà des écrivains, le forum de Bamako donne également la parole à des réseaux d’étudiants, de jeunes religieux, d’artistes slameurs et autres hommes de culture. Les organisateurs nourrissent ainsi l’espoir de créer une tradition de rencontres du genre dans d’autres localités afin que la réflexion puisse continuer sur les problématiques sécuritaires en Afrique.
En tout cas, Ismaïla Samba Traoré est persuadé qu’il appartient aux écrivains de créer l’atmosphère pour que les communautés différentes qui pensent ne pas pouvoir vivre ensemble puissent le faire. Abondant dans le même sens, Badié Hima de l’ONG international NDI affirmait que les conflits et autres violences en Afrique ont un dénominateur commun : la crise de la gestion de la cité, donc un problème de gouvernance.
Représentant les autorités maliennes, le ministre de la Réconciliation nationale, Zahabi Ould Mohamed, a également reconnu des difficultés de gouvernance pour le cas malien. Pour lui, le conflit au nord du Mali est lié à un problème de gouvernance locale, mais ceux qui ont pris les armes se sont trompés en accusant l’Etat central.
Comme disait Boubacar Séga Diallo, présent en tant que doyen des écrivains, l’écrit a tout simplement libéré la parole lors de ce forum des écrivains. « Vous ne pouvez pas imaginer quel bien vous nous faites en allant nous chercher dans les universités pour venir parler ici», disait-il. Et il s’agit d’une liberté contagieusew.
En effet, profitant de la liberté de ton des autres panelistes, Zahabi a parlé, sans langue de bois, des difficultés de la gestion de la crise malienne. Tout le monde voulait devenir médiateur, a-t-il laissé entendre, même l’OCDI qui est en Arabie Saoudite et le Qatar. La méthode du gouvernement était donc de ne pas laisser de côté des acteurs. Les groupes armés sont aussi divers que les groupes d’intérêt qui les soutiennent.
Toujours selon Zahabi, il y a eu des situations au nord où l’élu local demandait au maire un partage des fonds alloués à la construction d’une école ou d’un service social. Et le ministre de la Réconciliation, lui-même ancien rebelle dans les années 90, de s’interroger : «S’il n’y a pas d’écoles dans ce cas, est-ce la faute de l’Etat ?».
Soumaila T. Diarra